
Fil d'Ariane
Institutrice, Alice Milliat, était aussi nageuse, hockeyeuse et rameuse. Une compétitrice dans l'âme, sur l'eau ou la glace mais aussi et surtout sur le terrain des droits des femmes dans le sport. Tout au long de sa carrière, elle s'est battue pour que les femmes puissent participer aux JO. Elle y parviendra et créera la Fédération sportive féminine internationale et les Jeux féminins.
Née le 5 mai 1884 à Nantes et décédée le 19 mai 1957 à Paris, Alice Milliat a été la première dirigeante du sport féminin mondial. Sportive, elle pratique l'aviron à haut niveau. Elle devient Présidente du club Fémina-Sport en 1915 et fait partie des fondatrices de la Fédération des Sociétés Féminines Sportives de France en 1917. Elle en deviendra d'ailleurs la Présidente dès 1919. Devant l’immobilisme des fédérations sportives à inclure des femmes dans le monde du sport, Alice Milliat voit plus grand et fonde en 1921 la Fédération sportive féminine internationale.
Alice Milliat s'est notamment opposée au fondateur des JO modernes Pierre de Coubertin, qui déclarait un an encore avant sa mort en 1937: "le seul véritable héros olympique c'est l'adulte mâle individuel. Par conséquent, ni femme, ni sport d'équipe".
Devant les multiples refus du Comité International Olympique (CIO) d'intégrer les athlètes féminines aux compétitions, elle décide d'organiser des compétitions réservées aux femmes. Le premier meeting international féminin a lieu à Monte-Carlo en 1921 et la première édition des Jeux Mondiaux Féminins à Paris en 1922, nommés à l’époque les Jeux Olympiques Féminins.
Il faudra attendre la démission de Pierre de Coubertin en 1925 pour obtenir une véritable avancée. Le succès de ces « Jeux Olympiques Féminins » est tel que le CIO autorise enfin les femmes à concourir dans le sport roi de l’olympisme moderne : l’athlétisme. Les premières femmes athlètes y participeront à partir des Jeux Olympiques d’Amsterdam en 1928. Alice Milliat sera d’ailleurs invitée au jury des épreuves d’athlétisme de ces Jeux ; seule femme entourée de nombreux dirigeants masculins. Quatre autres jeux mondiaux ont été organisés entre 1926 et 1934. A Londres en 1934, l’événement attire plus de 6000 spectateurs chaque jour.
Bien que le CIO accepte d’organiser des compétitions féminines, il en profite également pour les mettre sous tutelle de fédérations dirigées par des hommes. La Fédération sportive féminine internationale est par exemple absorbée par la Fédération internationale d’athlétisme et s’éteint. Alice Milliat se retire alors mais nous laisse un profond héritage, fondateur du sport féminin.
Après s’être opposé à lui, Alice Milliat a désormais sa statue à côté de celle de Pierre de Coubertin, à la Maison du sport français, à Paris. Un hommage au gout de revanche pour cette pionnière et ce n'est évidemment pas un hasard si la date du 8 mars, Journée internationale des Droits de femmes, a été choisie pour inaugurer l'édifice.
Haute de 2,85 m, elle a été conçue par les étudiants du parcours matériaux laque de l'ENSAAMA (Ecole nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d'art). Ce 8 mars 2021, étaient présents le président du CNOSF Denis Masseglia, le ministre de l'Education, de la Jeunesse et des Sports Jean-Michel Blanquer, la ministre déléguée Roxana Maracineanu ainsi que le président du comité d'organisation des JO de Paris-2024 Tony Estanguet.
Et voici l’œuvre réalisée en hommage à #AliceMilliat par les étudiants de l’@ensaama. Commandée par le #CNOSF, elle siégera dans le Hall d’entrée de la Maison du sport français.
— France Olympique (@FranceOlympique) March 8, 2021
En savoir plus sur le dossier de presse : https://t.co/HcHtZOI9JX pic.twitter.com/x3K88QSuXk
« C'est un peu la Olympe de Gouges du sport français », a glissé Jean-Michel Blanquer. Roxana Maracineanu a salué de son côté « la militante d'une cause juste et salutaire, celle de donner aux femmes le droit de faire un sport ». « Depuis Alice et grâce à Alice nous avons fait beaucoup de chemin mais il en reste encore à parcourir pour que les femmes prennent enfin toute leur place dans le monde sportif », a-t-elle ajouté.
« C'est un acte fort pour marquer la symbolique politique de présence des femmes au sein de la Maison du sport français », a estimé Emmanuelle Bonnet-Oulaldj, présidente de la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT). « Je suis très fière d'avoir proposé ce projet sur une idée initiale de Béatrice Barbusse (qui fut la première femme à avoir été présidente d'un club professionnel masculin, Ivry Handball, ndlr) », a-t-elle ajouté .
Merci infiniment à Denis Masseglia et au @cnosf_instit d’avoir permis de rendre cela possible. Merci à toute l’équipe technique du CNOSF et aux salariés du service événementiel ! Vous avez fait un travail remarquable ! pic.twitter.com/2dbfLM5P5f
— Béatrice Barbusse (@bbarbusse) March 8, 2021
En juillet 2020, le conseil de Paris a voté un voeu pour que soit étudiée la possibilité que l'un des futurs équipements construits pour les JO de Paris-2024, la future Arena 2, située dans le nord de la capitale, porte le nom d'Alice Milliat. La commission de dénomination doit étudier ce voeu.
Dans une lettre lui rendant hommage publiée sur le site Les Sportives, Béatrice Barbusse, qui fut donc l'initiatrice de ce projet, écrit : « Alice, comme tant d’autres vous avez été pendant un siècle une femme totalement invisibilisée et à qui pourtant toutes les sportives doivent tant… Alors en 2014 lors de la première édition des « 24h du sport féminin » initiée par le CSA, la tentation de demander officiellement votre entrée au CNOSF était trop belle. En vain… Et aujourd’hui 7 ans après, le temps est enfin venu de réparer les dénis du passé et de vous faire entrer définitivement dans le panthéon du sport français. Une reconnaissance symbolique tellement méritée et légitime pour celle qui nous a montré la voie, pour vous Alice.»
Et de citer Alice qui en 1924 dans le journal L’Auto écrivait : « Bornons-nous à constater que l’opposition masculine vient d’un vieil esprit de domination, du désir de tenir toujours les femmes en tutelle, de la crainte de les voir devenir autre chose que des objets utiles ou agréables à l’homme. »
Béatrice Barbusse conclut ainsi : « Vous savez, on entend encore de nombreuses billevesées à propos des femmes dans le sport. Mais vous nous avez montré la voie et plus personne ne pourra l’ignorer maintenant…Vous pouvez reposer en paix définitivement dorénavant, la relève est prête !»