Alice Weidel, une dame de fer, et de contradictions, pour l'Allemagne ?

Alice Weidel est la candidate du parti AfD à la chancellerie en Allemagne. "Dame de fer" dans un gant de velours, lesbienne vivant entre l'Allemagne et la Suisse avec une compagne d'origine sri-lankaise, ce nouveau visage du paysage politique allemand présente un profil atypique pour une cheffe de file d'extrême droite. 

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Alice Weidel

Alice Weidel, chef du groupe parlementaire, présidente du parti et candidate à la chancellerie pour l'AfD, avant son interview en direct avec le milliardaire américain Elon Musk dans son bureau de la Jakob-Kaiser-Haus à Berlin, le 9 janvier 2025.
 

Kay Nietfeld/Pool Photo via AP
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A 45 ans, cette économiste a été officiellement couronnée le 11 janvier 2025 candidate à la chancellerie par les délégués réunis en congrès de l’Alternative pour l'Allemagne (AfD). Ce parti populiste qui bouscule une classe politique allemande très consensuelle a le vent en poupe en vue des élections législatives du 23 février. Un sondage Insa publié le 11 janvier place ce parti anti-système, anti-migrants et pro-russe en deuxième position et en progression à 22%. 

Quand quelqu'un dit que l'AfD est misogyne, homophobe ou raciste, les cadres rétorquent qu'ils ont Weidel.Der Spiegel

Même si l'AfD n'a aucune chance de gouverner, dans la mesure où aucun autre parti n'est prêt à former une coalition avec elle, Alice Weidel a déjà réussi à s'imposer comme la figure dominante de la campagne.

"Feuille de vigne" de l'AfD

Celle que l'AfD qualifie de "femme de tête" de gondole du parti, profite pour cela de la rampe de lancement que lui offre l'homme le plus riche du monde, Elon Musk. Ce proche du président américain élu Donald Trump multiplie les soutiens, organisant même mi-janvier un débat en direct avec elle sur sa plateforme X.

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La recette semble marcher. Alice Weidel "est la feuille de vigne parfaite pour le parti" souvent accusé de proximité avec les milieux néo-nazis, juge l'hebdomadaire Der Spiegel. "Quand quelqu'un dit que l'AfD est misogyne, homophobe ou raciste, les cadres rétorquent qu'ils ont Weidel et que donc l'AfD ne peut pas l'être - même s'il l'est en réalité", ajoute-t-il.

"Princesse de glace"

Collier de perles autour du cou, tailleur pantalon, cette ancienne membre du parti libéral pro-business FDP vient d'un milieu aisé. Elle a dit dans le passé avoir pour modèle Margaret Thatcher et sa restructuration à marche forcée de l'économie britannique. "Intelligente", “sérieuse”, “concentrée”, mais aussi "sévère", "arrogante" ou "égocentrique" : tels sont les qualificatifs qui reviennent régulièrement dans les médias et les milieux politiques pour qualifier celle que l'on surnomme parfois la "princesse de glace".

Parlant couramment le mandarin, Alice Weidel a vécu six ans en Chine. Elle travaillait pour la Bank of China. Ce qui participe à lui dessiner un profil nettement plus international que beaucoup de membres de l'AfD. Si le parti est surtout fort dans l'est du pays, Alice Weidel, elle vient de la riche région du Bade-Wurtemberg. Son grand-père paternel était un juriste nazi de haut rang, révélait en novembre 2024 le journal Die Welt. Expulsée de Silésie, aujourd’hui située en Pologne, après la Seconde Guerre mondiale, la famille s’est installée en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, à l’ouest.

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La co-présidente du mouvement appartient, selon le professeur Wolfgang Schroeder de l'Université de Cassel, à la branche modérée de l'AfD "qui aspire à une existence indépendante, à droite des conservateurs" et non à l'aile plus radicale "qui défend une position profondément ethnique, autoritaire et nationaliste".

Femme, de l'ouest de l'Allemagne et homosexuelle, elle a quelques problèmes à faire le lien avec l'idéologie de son parti. Anna-Sophie Heinze

"En tant que femme, de l'ouest de l'Allemagne et homosexuelle, elle a quelques problèmes à faire le lien avec l'idéologie de son parti", commentait récemment Anna-Sophie Heinze, politologue de l'université de Trèves. D'autant qu'Alice Weidel a pour compagne une citoyenne helvétique d'origine sri-lankaise, Sarah Bossard, productrice de cinéma. De quoi détonner dans un parti qui refuse le mariage et l’adoption aux couples homosexuels. Toutes deux élèvent, en Suisse, deux garçons adoptés. 

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Radicalisation

Malgré la radicalisation continue de l'AfD, et contrairement à d'autres personnalités "expurgées", cette docteure en économie, brillante analyste financière passée par la banque Goldman Sachs, est restée. Choisie en 2017 pour conduire au Parlement allemand la nébuleuse populiste de l'AfD, Alice Weidel incarnait un visage plus moderne et inflexible que ses prédécesseurs. Elle rassemblait les anti-Merkel, anti-musulmans, et anti-Europe.

Avec le temps, toutefois, son image de modération s'estompe. A l'approche des élections, Alice Weidel, sous pression de la puissante aile identitaire de l'AfD de Björn Höcke, veut donner des gages pour ne pas se faire déborder. Face à Elon Musk, elle n'hésite pas à qualifier Adolf Hitler de "communiste" et "socialiste". Interrogée sur les accusations récurrentes d'affiliation entre les idées de son parti et celles du parti nazi, elle affirme que l'ancien dictateur allemand était en réalité loin d'être un conservateur comme elle. "C'était un communiste et il se considérait lui-même comme un socialiste", assène-t-elle. Une affirmation loin du consensus des historiens qui lui vaut des accusations de révisionnisme historique.

Je le dis très honnêtement, si cela doit s'appeler remigration, alors cela s'appellera remigration. Alice Weidel

Lors du congrès de l'AfD à Riesa, qui s'est achevé le 12 janvier 2025, son discours "n'avait jamais été aussi radical", commente la chaîne de télévision NTV. Alice Weidel a pleinement assumé l'idée d'une expulsion massive de personnes étrangères ou d'origine étrangère : "Je le dis très honnêtement, si cela doit s'appeler remigration, alors cela s'appellera remigration". Contrairement à d'autres partis d'extrême-droite européens, elle joue la polarisation maximale, proche en cela du FPÖ autrichien. 

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Alice Weidel admet que sa vie privée n'est pas étrangère à son parcours politique. Elle brandit sa condition de femme et d'homosexuelle pour appuyer ses positions face à l'immigration musulmane, qu'elle qualifie d'homophobe. "J’ai entendu à l’école ou à la piscine des insultes parce que j’étais une jeune Allemande. J’ai vu se développer des zones de non-droit pour les femmes et c’est de pire en pire. [Il y a en Allemagne] des no-go areas où ma compagne et moi ne pouvons plus aller. C’est aussi une question pour les droits de femmes en général. Notre Constitution est claire en ce qui concerne l’égalité des sexes. Mais dans l’islam, dans la charia, les hommes et les femmes ne sont pas égaux. Je n’en veux pas dans notre pays", déclarait-elle au Figaro en 2017. 

Le groupe parlementaire de l'AfD, pourtant, est loin de la parité, avec 9 femmes seulement pour 69 hommes... 

Weidel, Le Pen et Meloni : trois visages féminins de l'extrême droite en Europe

Au Parlement européen, RN et AfD siègent dans le même groupe - Identité et démocratie (ID) - où ils comptent respectivement 18 et 10 sièges, sur 63 membres. 

Alors que Marine Le Pen, en France, avec qui Alice Weidel entretient de difficiles relations, s'est engagée dans la dédiabolisation du RN, en se distanciant de l'héritage sulfureux de son défunt père Jean-Marie, Alice Weidel et l'AfD "ont encore une posture anti-système", constate Wolfgang Schroeder. Et "comparée à Marine Le Pen en France, ou Giorgia Meloni en Italie, Alice Weidel a moins d'expérience" dans le combat politique, note-t-il, "les deux premières évoluent en Bundesliga et elle en quatrième division".

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