Allaitement maternel : chacun(e) son combat

Comme chaque année lors de semaine mondiale de l’allaitement, l’Unicef a lancé une campagne en faveur de l’allaitement maternel. Mais cette édition 2016 a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux. Du côté de l'agence de l'ONU, on affirme que le message n’a pas été compris et que l’on se trompe de combat.  
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Une femme allaite son enfant lors d'une manifestation pour l'allaitement maternel, au Costa Rica, le 12 janvier 2013. 
(AP Photo/Enrique Martinez)
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« L’allaitement stimule la santé d’un enfant, son QI, ses performances scolaires et son revenu à l’âge adulte »… ce tweet d’Unicef publié le 1er août 2016 a soulevé de vives réactions sur les réseaux sociaux. Il s’inscrit dans une campagne annuelle menée par l’agence de l’ONU pour les enfants pour promouvoir l’allaitement maternel.

Sur son site internet, l’organisme rappelle qu'au cours des quinze dernières années, les progrès pour que plus de nouveau-nés soient mis au sein dès leur naissance ont été lents et qu'environ 77 millions de nourrissons ne sont pas allaités dans la première heure de leur vie. Conséquences ; ils sont privés de « nutriments indispensables, des anticorps et du contact physique avec leur mère qui les protègent des maladies et de la mort ». L'Unicef assure également que « si tous les bébés étaient alimentés avec rien d’autre que du lait maternel à partir de l’instant où ils naissent jusqu’à l’âge de six mois, plus de 800 000 vies seraient sauvées chaque année. »

Pour Raphaëlle Rémy Leleu, porte-parole de l’association française Osez le féminisme interrogée par la radio Europe 1, cette campagne « caricature les effets de l'allaitement » et « fait croire que c'est une obligation pour chaque mère ». Comme elle, de nombreuses femmes se sont indignées en voyant les différents messages et slogans postés par l’Unicef. 

Ces réactions traduisent un profond agacement de certaines femmes qui en ont assez qu’on les « culpabilisent » sur leur choix de ne pas allaiter et qu'on fasse d'elles de "mauvaises mères". Elles rappellent que « leur corps leur appartient ». 
Je n’ai pas allaité mes enfants au sein. Et je trouve inquiétant que ce choix soit socialement de plus en plus difficile à assumer
tribune dans le journal Libération

En février 2016, quelques jours après la publication d’une étude dans la revue scientifique médicale britannique The Lancet, plusieurs femmes journalistes, créatrices (et surtout mamans !) avaient publié une tribune dans Libération. Elles demandaient à ce qu’on arrête de les juger et de considérer que les mères qui allaitent sont de « meilleures mères ». « Je n’ai pas allaité mes enfants au sein. Et je trouve inquiétant que ce choix soit socialement de plus en plus difficile à assumer. C’est le signe à la fois d’une remise en cause profonde des droits des femmes et d’une assignation à un idéal maternel oppressant », pouvait-on lire dans cette lettre ouverte. « Il ne faut ni culpabiliser les adeptes du biberon, ni moquer celles du sein. Toutes se trouvent confrontées au même problème : le jugement d’autrui. Les premières seraient des infanticides en puissance, les secondes des arriérées. Chaque femme mérite un respect égal dans ses choix personnels. Nous demandons simplement de conserver notre droit à décider sans devoir affronter une culpabilisation permanente. »

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Capture d'écran du site internet de l'Unicef. 

L’Unicef se défend 

Face à ces critiques, l’organisme n’a pas tardé à répondre. « L’Unicef n’a pas pour mission de dire aux mères ce qu’elles doivent faire, a déclaré sur Europe 1 Juliette Chevalier, directrice du Plaidoyer et de la communication de l’UNICEF France. On dit simplement que l’allaitement a des bienfaits et que pour permettre ce libre choix, il faut de l’information ». 
 
Concernant le tweet qui a mis le feu aux poudres, Juliette Chevalier reconnaît que celui-ci était un peu « lourd » et qu’il ne mentionne pas l’étude publiée dans The Lancet à laquelle il fait référence. Cependant, elle pense que l’ « on se trompe de combat  vis-à-vis de cette campagne ». Selon elle, le combat doit être mené contre « les industriels de l’allaitement de substitution qui sont présents dans les maternités, qui donnent des échantillons et qui font des publicités avec des enfants joufflus alors que c’est interdit ». 
 

Pendant ce temps, en Colombie, l'allaitement en public fait débat

Alors que les Colombiennes semblent nombreuses à allaiter leurs nourrissons et donc à appliquer les recommandations de l'Unicef, elles sont confrontées à un problème de moeurs. En effet, allaiter son enfant en public est mal vu dans ce pays d'Amérique du sud. Et certaines mères en ont assez de devoir se cacher comme des criminelles. 

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Récit de Karine Barzegar © TV5MONDE