Amal El-Haj, celle qui voulait gouverner la Libye

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Amal El-Haj, celle qui voulait gouverner la Libye
Amal El-Haj, dans un hôtel tripolitain. Cette femme de 45 est la première à se porter candidate au poste de Premier ministre dans la nouvelle Libye. © Maryline Dumas
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Alors que le Congrès général libyen cherche à remplacer le Premier ministre actuel, Amal El-Haj a surpris tout le monde en proposant sa candidature. Une candidature féminine pour faire évoluer les mentalités, tandis que la population est conviée jeudi 20 février 2014 à élire son Assemblée constituante de 60 membres dont six sièges, soit un petit quota de 10%, sont réservés aux femmes.
« Madame la Premier ministre » : la jeune fille se lève, en esquissant une révérence, pour laisser passer Amal El-Haj. Cette Libyenne de 45 ans a déposé sa candidature au poste de Premier ministre auprès du Congrès général libyen le 9 janvier dernier. Depuis, les amies d’Amal El-Haj la taquinent, tout en la soutenant à 100%. Et Amal a bien besoin de leur soutien : le Congrès national général (GNC) a décidé de n’accepter que les candidatures soutenus par un groupe politique. « Ils me visent directement, s’agace Amal El-Haj, qui a lancé une pétition. Ils savent parfaitement qu’aucun groupe ne me proposera comme candidate, parce que je suis une femme. » La société libyenne garde en effet des aspects conservateurs. Si les femmes travaillent, conduisent et occupent des postes ministres (il y en a deux actuellement, dont une à la Santé, au sein d'un exécutif sous pression), il reste difficile d’imaginer un chef de gouvernement au sexe féminin. « Dans la situation actuelle, elle ne peut pas faire ce job. Il nous faut quelqu’un de fort, un homme », affirme Hamza, un étudiant tripolitain.   Briser les barrières symboliques Des stéréotypes qu’Amal El-Haj balaye d’un geste : « Pendant la révolution, je conduisais de Djerba à Tunis pour apporter des médicaments, du matériel… On ne m’a jamais dit « tu es une femme, tu ne peux pas faire ça ! » ». Et si ses chances sont minces, cette célibataire qui vit chez ses parents (comme l’exige la tradition libyenne) s’accroche : « J’ai au moins brisé un mur. J’ai montré aux Libyennes qu’elles pouvaient convoiter les plus hauts postes, qu’elles devaient essayer ! ». 
Amal El-Haj, celle qui voulait gouverner la Libye
Et déjà la posture d'une cheffe d'Etat, à l'écoute de l'hymne libyen à Yefren, au Nord Ouest du pays, lors d'un atelier sur la Constitution. © Maryline Dumas
Admiratrice de Saïda Aïcha (l’épouse du prophète Mahomet), de Margareth Thatcher et d’Indira Gandhi, Amal El-Haj n’hésite pas à faire appelle à ses héroïnes : « Indira Gandhi s’est présentée à la 1ère élection en Inde et a perdu. Elle a gagné la seconde fois. Je trouve toujours un chemin par lequel je peux passer. Je n’abandonne pas parce que c’est fermé. Non, c’est fermé, donc trouvons un autre moyen. » L'ancien Premier ministre par intérim Abdel Rahim al-Kib avait pourtant promis en mars 2012 que les femmes « auront leur place » en Libye, en particulier dans les institutions... Celle qui a coupé mi-janvier ses longs cheveux qui descendaient jusqu’aux fesses en un court carré a d’ailleurs d’autres combats : après avoir crée un centre éducatif pour enfants au lendemain de la révolution et s’être présentée à l’élection pour le GNC (Congrès général national) en 2012, elle participe au dialogue national pour la réconciliation entre Libyens et travaille à la défense des droits des femmes. En fin d’année dernière, elle s’est battue pour faire instaurer un système de quota au sein de l’Assemblée constituante libyenne (élue le 20 février 2014).  « On demandait 35% de représentation féminine. Finalement, on en a eu 10%. C’est déjà ça, puisqu’au départ il n’y avait pas de quota. Mais lorsqu’ils l’ont annoncé, j’ai pleuré ! On avait tellement travaillé ! ». Un combat après l'autre, toujours pour ses concitoyennes Son nouveau combat concerne la création d’un conseil des femmes pour les représenter et les défendre. Elle le rêve comme une institution qui pourrait même devenir un ministère. « Je travaille énormément sur ce projet. D’ailleurs, j’y ai passé toute la nuit dernière. Mon chat, Harley, me prend pour une folle. Je me couche et puis j’ai une nouvelle idée, alors je me lève pour l’écrire », expliquait Amal le 6 février dernier. Ce jour là, la militante était à Yefren, dans la zone Berbère à l’ouest de Tripoli, pour participer à un atelier sur la Constitution. Objectif : faire comprendre aux Libyens – et plus particulièrement aux Libyennes- à quel point la Constitution est importante pour défendre leurs droits. Cette femme, très fière des gâteaux que produit l’entreprise familiale, s’est chargée d’un compte-rendu sur ses semblables et leur participation en politique.
De façon subtile, Amal El-Haj s’appuie sur le Coran pour prouver que les femmes ont leur rôle à jouer dans la société libyenne. Son exemple favori est le prophète Mahomet qui prenait régulièrement conseil auprès de ses épouses. Le discours fonctionne. Elle est applaudie. A la sortie de la conférence, un journaliste Libyen passe sa tête par la fenêtre ouverte de sa voiture : « Si vous devenez Premier ministre, prenez moi comme garde du corps ! Je n’ai aucune formation, mais je veux être votre garde du corps ! » Amal el-Haj éclate de son grand rire sonore : « Pas de problème, je vous ferai faire une formation ! ». Pour le déjeuner, l’active quadragénaire retrouve des connaissances, un groupe de militantes. Inas Miloud, une étudiante de 20 ans, en fait partie : « J’ai remarqué Amal dès notre première rencontre. C’est une femme forte qui parle simplement. Vous savez, la façon dont elle évoque les droits de la femme et la religion musulmane, dans un discours brillant,  convainc tout le monde. » Peut-être Amal finira-t-elle vraiment par convaincre les Libyens. En tout cas, elle y croit et insiste : « N’oubliez pas qu’Amal signifie espoir. »
Amal El-Haj, celle qui voulait gouverner la Libye
A la fin de l'atelier sur la Constitution à Yefren, Amal El-Haj donne une interview à la chaîne Libya al-Ahrar TV. © Maryline Dumas

La Libye annonce des compensations aux femmes violées durant la guerre civile

La rumeur avait été lancée dès le début du conflit entre l'Otan et le régime de Mouammar Kadhafi, en mars 2011 : des Libyennes étaient violées par les mercenaires au service du raïs dictateur assiégé. Après avoir recueilli des dizaines de témoignages , la Cour pénale internationale confirme ces exactions. Le ministre de la Justice Salah al - Marghani annonce une loi pour reconnaître ces femmes violées comme victimes de guerre et les indemniser.
La Libye annonce des compensations aux femmes violées durant la guerre civile