Fil d'Ariane
Amandine Henry raccroche ses crampons. La milieu de terrain et ex-capitaine des Bleues a annoncé sur son compte Instagram prendre sa retraite internationale à 35 ans. Rencontre avec une championne, dont le parcours a beaucoup contribué à populariser le football féminin.
Amandine Henry (26 ans) du Angel City FC joue contre le Bay FC lors d'un match de football de la NWSL, le dimanche 17 mars 2024, à Los Angeles.
"J’ai eu l’immense honneur de porter ce maillot, la fierté de défendre nos couleurs avec ferveur et le bonheur de partager des moments inoubliables avec mes coéquipières !", écrit la joueuse, qui a participé aux Jeux olympiques cet été avec l'équipe de France, éliminée en quart de finale par le Brésil (1-0).
Amandine Henry "peut quitter l’Équipe de France avec un sentiment de fierté légitime", a réagi le nouveau sélectionneur de l'équipe de France féminine Laurent Bonadéi, sur le site de la Fédération française. Amandine "a passé vingt années en sélection depuis ses débuts en U17, en 2004. Elle a connu beaucoup d’émotions avec l’Équipe de France. Tout n’a pas toujours été simple mais elle n’a jamais rien lâché", a-t-il continué.
"À jamais une légende de l’Equipe de France. Merci pour tout ce que tu as apporté aux Bleues Amandine", a réagi sur X le compte officiel des Bleues
109 sélections (14 buts), 14 titres de championne de France, 7 Ligues des champions et même un titre de championne aux États-Unis, pendant sa saison passée à Portland, en 2017. Le palmarès de la capitaine des Bleues est impressionnant. Et sa passion ne date pas d'hier...
A cinq ans, Amandine Henry ne veut pas jouer à la poupée. Elle veut jouer au football avec ses cousins ; son papa l'encourage et l'inscrit au club du quartier, avec les garçons. Elle est la seule fille et doit gagner sa place parmi les gars, qui ne l'épargnent pas. Mais au fond, dit-elle encore aujourd'hui, "c'est sur le terrain que l'on se fait respecter. En en faisant autant qu'eux, souvent plus qu'eux..." De ses coéquipiers de l'époque, elle est la seule à avoir fait une carrière dans le football. "C'est plus difficile pour les garçons, qui sont si nombreux à vouloir faire du football professionnel," estime-t-elle.
Le football a fait de moi une femme.
Amandine Henry
A 15 ans, elle entre au centre de formation du football de Clairefontaine. Une période que la footballeuse considère aujourd'hui comme l'un de ses meilleurs souvenirs. Lorsque les autres vont faire la fête ou les magasins, elle poursuit son objectif, le regard fixé droit devant elle. Dans le football, elle se structure, trouve un sens à sa vie. "Le football a fait de moi une femme. J'ai appris à me battre, à me relever, à trouver mon identité."
En 2007, elle signe un contrat professionnel avec l'Olympique Lyonnais. A bientôt 30 ans, elle y est encore, après une brève escapade au PSG et une parenthèse américaine auprès des Thorns de Portland. De cette plongée dans le monde du soccer outre-Atlantique, elle retient une hyperresponsabilisation des joueuses quant à leur hygiène de vie, une attitude positive et un engagement physique qu'elle voudrait désormais transmettre à son équipe.
L'égalité salariale ? "En France comme aux Etats-Unis, dans le football, on en est loin", dit la championne. Les plus haut salaires du championnat de France féminin tournent autour 15 000 euros brut par mois, mais le salaire moyen d’une footballeuse professionnelle oscille entre 1 500 et 3 000 euros. A titre de comparaison, le salaire moyen chez les hommes en Ligue 1 est de 75 000 euros brut par mois, alors que le Brésilien Thiago Silva empoche 1,1 million d’euros mensuel selon le magazine Capital en 2016. Des écarts qui sont tout aussi astronomiques aux États-Unis.
En 2009, c'est sa première sélection en équipe de France. L'accomplissement. Et pourtant, la Lilloise d'origine revient de loin. Écartée de la sélection jusqu'à l'Euro 2013, pour blessure et/ou conflit avec une coéquipière, elle a attendu 2015 et la Coupe du monde, au Canada, pour se révéler au grand public.
Ballon d'argent de ce Mondial que les Tricolores terminent parmi les "top 8", meilleure joueuse européenne, selon l'UEFA, Amandine Henry ne fait pas semblant… « Au milieu de terrain, en Europe, et même dans le monde, il n'y a pas mieux qu'elle », résume parfaitement David Vanlerberghe, qui fut son premier coach à Lomme, dans le Nord.
Amandine Henry avait été la plupart du temps remplaçante pendant le tournoi olympique de Paris, hormis contre la Nouvelle-Zélande (victoire 2-1), où elle portait le brassard. Capitaine de 2014 à 2020, Henry avait ensuite été écartée des Bleues pendant trois ans par la sélectionneuse d'alors Corinne Diacre dont elle avait critiqué les méthodes.
Rappelée par Hervé Renard, successeur de Diacre, au printemps 2023, elle avait manqué la Coupe du monde en Australie et en Nouvelle-Zélande sur blessure, avant de retrouver le groupe à l'automne 2023 pour la Ligue des nations.
Amandine Henry fait partie de la première génération de footballeuses qui peut vivre de sa passion. "Jamais je n'aurais jamais pensé en arriver là," dit-elle aujourd'hui. Bientôt trentenaire, elle songe désormais à sa reconversion. Elle voudrait devenir entraîneure et continuer à développer le football féminin. "J'ai conscience que dix ans plus tôt, je n'aurais jamais pu devenir professionnelle, tout simplement parce que ça n'existait pas." De fait, en France, le statut de semi-professionnel n'est autorisé pour les joueuses que depuis 2009. L'Olympique Lyonnais a mis sur pied une équipe féminine professionnelle en 2004.
De son parcours, elle a fait un roman destinée aux petites filles, pour qu'elles puissent s'identifier. Elle se souvient avoir été refusée dans un club lillois, alors qu'elle avait dix ans. "Ils m'ont répondu qu'ils voulaient préparer l'avenir... A l'époque, l'avenir ne passait pas par les filles. Mais à dix ans, fille ou garçon, on ne fait pas la différence." Dans Croire en ses rêves, qui paraîtra en mai 2019, elle raconte comment le football a donné un sens à sa vie et veut faire passer un message qui s'adresse aussi bien aux petits garçons : "Il ne faut jamais baisser les bras, car tout est possible."
S A V E T H E D A T E
Plongez au cœur de mes rêves d’enfant le 15 mai prochain @RageotEditeur pic.twitter.com/CGEeoZS0TL— AMANDINΣ HΣNRY (@amandinehenry6) 18 janvier 2019
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