Pour la première fois en Uruguay et en Amérique latine, une femme occupe un poste de commandant des forces aériennes. Un grand pas pour l’armée, encore composée d’une majorité d’hommes, régulièrement accusés de violences sexistes et sexuelles envers les femmes à travers le monde.
« Cheffe, oui, cheffe ! » Avec seize hommes sous ses ordres, l’Uruguayenne Maria Eugenia Etcheverry est la première femme à commander une unité des forces aériennes en Amérique latine, qui compte seulement 4% de femmes militaires. Et elle n’est pas là par hasard.
Dès 1997, Maria Eugenia est vite remarquée avec sa camarade de promotion, Carolina Arévalo. Elles deviennent les deux premières élèves féminines à entrer à l’Ecole militaire aéronautique, l’année même de l’ouverture de l’armée aux deux sexes en Uruguay, et à peu près à la même époque dans le reste de la région.
« Au début, ils nous ont coupé les cheveux car le règlement (pensé pour les hommes) disait qu’ils ne pouvaient pas toucher le col de l’uniforme », raconte Maria Eugenia à l’AFP.
« Puis, ils nous ont laissé les faire pousser, car la perception avait changé. Cela a été comme ça avec tout », poursuit-elle. Dans une institution un peu déroutée par la nouveauté, les deux jeunes femmes ont l’impression de servir de cobayes. Marie Eugenia s’accroche et devient en 2002 la première femme pilote de combat du Cône sud, partie regroupant quatre pays de la région : Uruguay, Paraguay, Argentine, Chili.
Mariée et mère d’un enfant, la militaire a l’habitude d’être questionnée sur sa vie au sein de cet univers si masculin et se souvient de situations cocasses pour être intégrée.
« Ils ont fait venir une professeur de maquillage pour nous donner une leçon un samedi matin. J’étais de garde ce week-end-là et, à la fin du cours, alors que j’étais maquillée comme pour sortir en soirée, ils m’ont ordonné de rester comme ça. C’était ridicule, comme s’ils ne savaient pas quoi faire de nous ! ».
« Parfois il y avait de la discrimination, pas avec des mots mais plutôt en action. Il fallait faire ses preuves »
Des anecdotes pas seulement légères
La place des femmes évolue un peu dans cette partie du monde, 16 à 18% du contingent est désormais féminin en Argentine, au Chili, en République dominicaine, en Uruguay et au Venezuela, selon le Réseau de sécurité et de défense d’Amérique latine. Mais l’égalité femmes-hommes reste un véritable défi.
« Parfois il y avait de la discrimination, pas avec des mots mais plutôt en action. Il fallait faire ses preuves », explique Maria Eugenia.
Ce n’est pas sans rappeler les dernières polémiques autour des violences faites aux femmes dans d’autres armées du monde. En France, dont l’institution est l’une des plus féminisée au monde avec plus de 15% de femmes,
humiliations, insultes, harcèlement et agressions sexuelles sont monnaies courantes et souvent passées sous silence. Une omerta brisée par deux journalistes françaises, Leila Minano et Julia Pascual, dans une enquête-livre « La Guerre invisible » (coédition
Causette et
les Arènes), publiée en 2014.
En 2013, ce sont les militaires américaines qui montaient au front pour
dénoncer l’interdiction des femmes de servir au combat. Au moment même où l’institution traversait un nouveau scandale de harcèlement sexuel.
Et l’année dernière, c’est l’armée canadienne qui était attaquée dans
une enquête publiée dans le magazine « L’actualité », sur la récurrence, le silence et l’impunité des crimes sexuels envers les femmes.
Féminiser les armées, oui, mais pas à n’importe quel prix.