Fil d'Ariane
Première femme élue à la tête d'Amsterdam, Femke Halsema veut déplacer les prostituées du célèbre "quartier rouge" à l'écart des activités touristiques. Les travailleuses du sexe refusent. Le bras de fer est engagé.
Pour parvenir à ses fins, c'est à dire "nettoyer" le quartier rouge, la mairesse avance plusieurs solutions. La première, la moins contraignante pour les travailleuses du sexe, serait de fermer les rideaux des vitrines afin que ces femmes et leurs lieux de travail ne soient plus visibles depuis la rue.
La deuxième, plus radicale, consisterait à déménager certains bordels vers d'autres quartiers de la ville, ou carrément de fermer l'ensemble des vitrines et d'ouvrir un nouveau quartier rouge ailleurs, loin du centre-ville touristique d'Amsterdam.
Enfin, un dernier scénario explore une piste aux antipodes des premières. Il consisterait à augmenter le nombre de vitrines pour limiter le travail du sexe illégal, quitte à créer des "hôtels de prostitution".
Aucune de ces propositions ne soulève l'enthousiasme des interressées.
Foxxy Angel, travailleuse du sexe à Amsterdam, estime que la vitrine lui apporte une certaine sécurité, puisqu'elle permet de regarder ses clients dans les yeux avant de dire oui et d'ouvrir la porte.
Felicia Anna, 33 ans, présidente du Red Light United, le tout jeune syndicat des travailleuses du sexe en vitrine, déclare : "J'ai une chose à dire à toutes ces personnes qui nous considèrent comme vulnérables, c'est qu'elles ne nous connaissent pas du tout... Notre enquête menée auprès de 170 travailleuses du sexe en vitrine a clairement montré que 93% d'entre elles ne veulent pas s'éloigner du quartier rouge".
Mais les habitants d'Amsterdam soutiennent largement les changements proposés. Les 850 000 résidents permanents en ont marre. Un habitant du quartier rouge estime que "les femmes y sont traitées moins bien que des animaux du cirque".
Le "Red Light District" compte 330 vitrines. Chaque année, Amsterdam accueille 17 millions de visiteurs. On en prévoit 23 millions en 2030. Et tous ne viennent pas uniquement pour le marché aux fleurs, le musée Van Gogh ou parfaire leur connaissance sur Rembrandt... Le "quartier rouge" fait souvent partie du séjour.
Au moins pour la visite, on s'y bouscule. Chaque semaine, plus d'un millier de visites guidées traversent l'Oudekerksplein - la place principale du quartier chaud - avec leur cortège d'inévitables nuisances : cris, bagarres, urine, insécurité etc. La municipalité déplore ces perturbations. Elle invoque la qualité de vie des résidents tout en dénonçant l'impact de cette foule sur l'activité des prostituées.
Ce flot humain causerait du tort à près de 80 % des travailleuses du sexe. Parce qu'un voyeur n'est pas nécessairement un "consommateur". "En outre, les travailleuses du sexe rencontrent toujours de graves problèmes avec les participants aux visites guidées, comportements grossiers ou photographies volées", déclarent les autorités.
Quels frissons, en effet, de partager sur WhatsApp l'image de femmes en vitrine ! Pour la plupart des touristes, De Wallen, le quartier chaud d’Amsterdam, n'est rien d'autre qu'un zoo. Femke Halsema prendra sa décision au mois de septembre.
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