Angela Merkel quitte le pouvoir après 16 années aux rênes de l'Allemagne. En juillet 2020, elle prenait la présidence tournante de l’Union européenne. En acceptant, avec le président français, Emmanuel Macron, de mutualiser les dettes des Etats européens en raison du Covid-19, la dirigeante a brisé un tabou allemand. Un édito signé Le Temps.
Angela Merkel prend les rênes de la présidence tournante européenne ce 1er juillet 2020, un nouveau et dernier défi avant la retraite de la chancelière allemande qui a annoncé qu'elle quitterait la scène politique à l'issue de son mandat, à l'automne 2021. Ici lors de sa prestation de serment, le 24 septembre 2005 à Berlin.
La chancelière allemande Angela Merkel, lors de sa conférence de presse à l'issue d'une rencontre bi-latérale avec le président français Emmanuel Macron, à Gransee près de Berlin, Allemagne, le 29 juin 2020.
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Elle nous avait déjà réservé des décisions courageuses, comme celle d’accueillir 1 million de réfugiés syriens en 2015. Elle paiera pourtant les conséquences politiques de ce geste humanitaire par la percée du parti d’extrême droite AfD dans son propre pays. Avec la pandémie de Covid-19, la crise sanitaire la plus grave depuis un siècle, la chancelière Angela Merkel illustre une nouvelle fois sa capacité à se mettre à la hauteur des enjeux non seulement de l’Allemagne, mais aussi de l’Europe. Le fonds de relance de 750 milliards d’euros, qu’elle a concocté avec Emmanuel Macron et qui sera soumis aux Etats membres lors du Sommet européen de Bruxelles des 17 et 18 juillet, brise le tabou, à Berlin, de l’austérité à tous crins.
Avant le Covid, les médias français nous expliquaient qu'il régnait comme une ambiance de fin de règne en Allemagne. Qu'Angela #Merkel était finie. Qu'elle avait fait le mandat de trop. La voici aujourd'hui à nouveau au sommet de sa popularité.
C’est un tournant qui a deux mérites. L’Allemagne, première puissance économique européenne, a tiré les leçons de sa politique d’austérité appliquée de façon rigide à des pays comme la Grèce ou l’Italie en pleine crise de l’euro. Avec le Brexit, elle réalise qu’elle a une responsabilité nouvelle et qu’une relance du couple franco-allemand, symbolisée par la rencontre Merkel-Macron ce lundi au château de Meseberg, est la meilleure garantie pour le maintien de l’ensemble européen et pour la défense des intérêts allemands.
Angela Merkel et Emmanuel Macron, le 29 juin 2020, Allemagne.
La hantise d’Angela Merkel, qui a grandi dans la dictature est-allemande, est de voir les forces antidémocratiques tirer profit d’une crise comme celle du Covid-19 et saborder un modèle libéral démocratique qu’elle juge encore fragile. Avec un allié américain qui fait faux bond, avec une Chine difficile à manier, Angela Merkel le sait: un marché unique européen fort est la seule vraie assurance pour l’industrie exportatrice allemande d’écouler ses produits. Et une économie prospère est un rempart aux extrémismes.
Je forme des voeux chaleureux pour le plein succès de la présidence allemande de l’. Angela Merkel, aidée en cela par @EmmanuelMacron, a l’autorité, les moyens et la capacité d’entraînement reconnus pour sauver l’Union. Elle saura convaincre les frugaux et assagir les cigales.
Le tournant politique opéré par la chancelière ne signifie pas que Berlin abandonne la rigueur budgétaire. Pour elle, la pandémie représente un événement inédit qui nécessite un geste de solidarité extraordinaire. Elle devra d’ailleurs utiliser, avec Macron, toute sa force de persuasion pour convaincre les Etats «frugaux» – les Pays-Bas, l’Autriche, la Suède et le Danemark – de se rallier au fonds de relance.
C’est cependant dans des moments aussi cruciaux que se joue parfois le destin de grands projets. Celui de l’Union européenne est fortement menacé. A un peu plus d’un an de la fin de son quatrième et dernier mandat et à l’aube de sa seconde présidence tournante de l’UE – qu’elle entame le 1er juillet –, Angela Merkel a saisi le sens de l’histoire. Et elle veut éviter à tout prix l’éclatement de l’Europe.
Angela Merkel n’a jusqu’à présent pas été une grande européenne, loin de là. Va-t-elle parvenir, dans la dernière ligne droite avant sa retraite politique, à prendre sa place aux côtés des Kohl, Schmidt, Adenauer? Mon analysehttps://t.co/iuKcWVjlBU