Angelina Jolie : journal de campagne contre le cancer

Pour la deuxième fois, l'actrice Angelina Jolie dévoile publiquement, par voie de presse, le choix qu'elle a fait d'une opération préventive contre un cancer potentiel. Une médiatisation que l'on appelle désormais "Angelina effect".
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Angelina Jolie cancer
Angelina Jolie à Hollywood lors de la cérémonie des Critics Choice Movie Avards, en janvier 2015
Matt Sayles - AP
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Il s'est donc trouvé des personnes de par ce vaste monde pour rire et se moquer. A peine Angelina Jolie avait-elle annoncé dans une tribune du New York Times, intitulée "Journal d'une intervention chirurgicale"  qu'elle venait de  se faire retirer ses ovaires, l'entraînant dans une ménopause précoce, deux ans à peine après avoir subi une mastectomie, c'est à dire l'amputation de ses seins, que la toile a frémi, pour le meilleur et pour le pire.

Une femme, en français, et sur le réseau social twitter a pensé faire un bon mot en lançant à propos de l'actrice "une femme sans rien !". L'expression a depuis été effacée, les réactions ayant déferlé, comme celle- ci : "Ce matin alors que je twittais le lien vers votre article j’ai reçu une réaction fort peu amène à votre sujet. Quatre mots, quatre mots blessants. Ce message sûrement irréfléchi, se voulant drôle et provenant d’une femme m’a amené à vous écrire. (.../...) Vous représentez pour de nombreuses femmes un exemple de féminité, de nombreux hommes aussi sont sensibles à votre beauté. Vos prises de paroles successives ont permis à certaines patientes de se faire dépister et selon les pays elles ont pu accéder aux tests ou non. Elles ont ensuite dû, comme vous, faire des choix, souvent difficiles et toujours anxiogènes. Beaucoup saluent votre courage, beaucoup vous critiquent. Seules les malades et leurs familles connaissent la réalité de ses choix et les conséquences qu’ils déclenchent."

Un autre multiplie les (mauvaises) blagues :

reaction mastectomie angelina jolie

Heureusement, la plupart des réactions saluent le geste d'une femme atteinte dans sa féminité même, non pas tant l'opération que le dévoilement de celle-ci "pour que d'autres femmes l'entendent" et se prononcent en connaissance de cause.


Une autre s'enthousiasme : "combien de femmes à Hollywood en auraient elles fait autant ?"



Mais les questions se posent, après ce geste de bravoure. Ne peut-il avoir un effet contre-productif, en activant des angoisses exagérées ? USA TODAY, quotidien concurrent du New York Times, après avoir salué l'actrice, a interrogé l'une des sommités médicales américaines en matière de traitements des cancers.

Si la sensibilisation est nécessaire, la chirurgie n'est pas toujours la bonne réponse

Richard Wender, chef du service de l'observation des cancers à l"American Cancer Society d'Atlanta, la plus grade organisation américaine de lutte contre la maladie a constaté les effets énormes de ces messages de personnalités : aussi bien après le message de la journaliste vedette Katie Couric appelant les hommes à subir des coloscopies pour éviter des cancers du colon - alors qu'elle venait de perdre son mari -,  qu'à la suite de la première tribune d'Angelina Jolie sur sa mastectomie, le chercheur a constaté une forte augmentation des demandes, parfois excessives, d'opérations.

"J'admire les actions (d'Angelina Jolie), je pense qu'elle est un merveilleux porte-parole d'elle même et des maladies auxquelles elle a été confrontée, et elle a été très courageuse de s'exposer ainsi" dit-il. "Mais si la sensibilisation est nécessaire, la chirurgie n'est pas toujours la bonne réponse", ajoute-t-il. 

Susan Boolbol, cheffe du service de chirurgie au sein à l'Hôpital Mount Sinai Beth Israël à New York, passé le coup de chapeau, met en garde elle aussi : "le choix d'Angelina Jolie, n'est pas forcément le bon choix pour tout le monde. Il permet de savoir mais pas de devoir faire."
 

USATODAY angelina jolie
La Une de USA TODAY plus circonspecte

Toutes les femmes ne sont pas identiques face aux cancers, toutes les tumeurs ne sont pas les mêmes et il faut espérer que "l'Angelina effect" comme on le nomme désormais, n'entraînera pas des réactions démesurées

Voici donc quelques extraits du texte de l'une des comédiennes les plus connues au monde, décidée à faire de cette célébrité une arme pour enrayer les cancers propres aux femmes, ceux du sein et de l'utérus :

Le savoir, c'est le pouvoir

"Voilà deux ans, j'ai écrit, à propos de mon choix d'avoir une double mastectomie préventive. Un test sanguin avait révélé que j'étais porteuse du gène BRCA1. Cela me donnait une estimation de 87% de risque de développer un cancer du sein et 50% d'un autre des ovaires. J'avais perdu ma mère, ma grand mère et ma tante de cette maladie. (.../...)

Et voilà qu'il y a deux semaines, j'ai reçu un appel de mon médecin avec les résultats d'un nouveau test sanguin. "La présence de la protéine CA-125 (celle qui permet de contrôler le cancer des ovaires) dans votre sang est normale." Mais ce n'était pas tout. Il poursuivit : "Il y a un nombre élevé de marqueurs qui pourraient être les signes d'un cancer en devenir." Et il me proposa un rendez vous immédiat pour contrôler mes ovaires.

Je suis alors passée par là où des milliers d'autres femmes sont passées. Je me suis raisonnée, calmée, renforcée en me disant que je voulais vivre pour voir mes enfants et mes petits enfants grandir. J'ai appelé mon mari, avant qu'il ne monte dans un avion en France. Et ce qui est beau dans de tels moments, c'est la clarté qui nous inonde. Vous savez précisément pour quoi vous vivez.

(.../...)

Les résultats arrivèrent. Le test de tumeur était négatif, même s'il restait une possibilité d'un cancer à un stade très peu avancé. Alors j'ai tout de même choisi de me faire enlever les ovaires et les trompes, même si cela ne semblait pas obligatoire. J'ai parlé avec nombre de médecins, avec des chirurgiens, avec des naturopathes. Il y a d'autres options. Mais dans mon cas; la plupart des docteurs étaient d'avis de m'opérer. En raison de mon histoire familiale. Ma mère avait 49 ans quand on lui a diagnostiqué ce cancer-là. Et j'en ai 39 ans.

(…/...)

Me voici donc ménopausée. Je ne suis plus capable d'avoir des enfants, et je m'attends à des transformations physiques. Et pourtant je me sens bien face à ces nouveautés, pas parce que je suis forte, mais parce que c'est ma vie. Il n'y pas à avoir peur.

(.../...)

Il n'est pas facile de prendre de telles décisions. Mais il est possible de prendre le contrôle des questions de santé et de les attaquer de front. Vous pouvez confronter des avis, apprendre au sujet des options et faire les choix qui vous semblent les meilleurs pour vous-même. Le savoir, c'est le pouvoir.
"