Anne Soupa, théologienne et candidate à l'archevêché de Lyon
Le Comité de la Jupe, premier fait d'armes
Son premier fait de gloire féministe : la fondation avec Christine Pedotti, intellectuelle catholique engagée, du Comité de la jupe, qu'elle préside et qui milite pour une juste reconnaissance des femmes au sein de l'Eglise.André Vingt-Trois, cardinal français, en 2008.
La création de ce Comité a été une réponse à une provocation machiste au sein même de l'Eglise, celle du cardinal André Vingt-Trois, alors archevêque de Paris et président de la Conférence épiscopale de France : "Le plus difficile, déclare t-il en 2008 sur l’antenne de la radio chrétienne RCF, c’est d’avoir des femmes formées. Il ne suffit pas d’avoir une jupe, encore fait-il avoir quelque chose dans la tête " Fermez le ban...
Les deux femmes n'en restent pas là. Appuyées par une quinzaine d'autres personnes, elles déposent plainte contre le prélât devant le tribunal ecclésiastique de Paris. La réponse ne tarde pas. Monseigneur Vingt-Trois nuance publiquement son propos. La plainte est retirée.
Mais c'en est trop. En 2009, avec Christine Pedotti toujours, Anne Soupa fonde la Conférence catholique des baptisés francophones, nouveau geste d'indépendance. Le mouvement réformateur fort aujourd'hui de plusieurs milliers d'adhérents est fondé sur une maxime limpide : "Ni partir, ni se taire". La vieille église catholique conservatrice a déjà du souci à se faire...
"Des loups dans la bergerie"
Le choix de la ville de Lyon n'est pas qu'un simple concours de circonstances lié au départ de Philippe Barbarin. Lyon est la ville par laquelle le scandale arriva, celui du silence et de la pédophilie en la figure du prêtre Preynat condamné à 5 ans de prison pour abus sexuels sur de jeunes scouts, entre 1971 et 1991. Des faits tus par Philippe Barbarin qu'un prêtre accusa d'être au courant puisqu'il l'en avait lui même informé. Philippe Barbarin fut jugé à son tour mais relaxé en janvier dernier avant de démissionner.Dans sa profession de foi, Anne Soupa s'explique : "Pourquoi candidater à Lyon ? Parce qu’à Lyon, quatre archevêques successifs, Mgrs Decourtray, Billé, Balland, Barbarin, ont failli dans leur tâche première, celle de protéger leurs communautés. Les bergers ont laissé les loups entrer dans la bergerie et les prédateurs s’en sont pris aux petits. "

Christine Pedotti complète : "La prêtrise est un problème en quatre points : toujours un homme, toujours célibataire, toujours à plein temps, toujours toute la vie."
"Un système phallocrate"
Se servir du corps des femmes, c'est une autre des dérives dénoncées par Anne Soupa et Christine Pedotti. Elles co-signaient, lors de la journée de la Femme il y a un an, une tribune dans Témoignage Chrétien. Elles y dénoncaient, rien que ça, la canonisation de Jean-Paul II coupable, à leurs yeux, d'avoir entetenu ce système phallocrate : "Sous l’influence déterminante du pape Jean Paul II, « la Femme » devient une idée, conçue exclusivement par des hommes – célibataires de surcroît. Nous demandons la décanonisation du pape Jean Paul II, protecteur des abuseurs au nom de la « raison d’Église » et principal artisan de la construction idéologique de « la Femme », ainsi que l’interdiction d’enseigner, de propager ou de publier la « théologie du corps » qu’il a prêchée au cours de ses catéchèses du mercredi."Christine Pedotti, écrivain et journaliste chrétienne.
A quand des femmes prêtres catholiques ?
Pourquoi la perspective de femmes serviteures de l'église pose t-elle tant de problème en France tandis qu'en Suisse ou en Angleterre, la question ne se pose pas ? Vingt ans après avoir commencé à féminiser la prêtrise, l'Eglise d'Angleterre anglicane a ordonné sa première femme évêque dès janvier 2015. Mgr Laurent Ulrich, président du comité "études et projets" à la Conférence des évêques de France (CEF) contre-argumentait : "Ce sont les hommes qui sont prêtres. Une fois qu'on a dit ça, il faut rappeler que notre ministère est de valoriser toutes les missions dans l'Eglise".
Mais les choses avancent tout doucettement. En avril dernier, le Pape François a créé une nouvelle commission chargée d'étudier l'ouverture du diaconat aux femmes après l'échec d'une première commission en 2016. Ce serait une façon de mettre le pied dans la porte. Si, et seulement si, celle-ci s'entrouvre.
Le 24 décembre 2018, Anne Soupa était l'invitée du 64', à l'occasion de la sortie chez Albin Michel, d'une passionnante encyclopédie consacrée au fils de Dieu et de Marie "Jesus de Nazareth".
Retrouvez nos autres articles dans Terriennes :
>L'Eglise et le mariage des prêtres : l'inéluctable bouleversement ?
>A quand le mariage des prêtres ? Entre mensonges et secrets, témoignages de femmes et filles de...
>"Religieuses abusées, l'autre scandale de l'Église" : une enquête choc qui rompt l'omerta
>Nancy Huston, Mary McAleese, femmes en colère contre l'église catholique face aux abus sexuels
>Emmanuelle Seyboldt : une femme à la tête de l’Eglise protestante de France
>Libby Lane : première femme évêque de l'Eglise anglicane britannique
>Catholicisme : les femmes toujours plus exclues de l'Eglise