Jamais elles n'auraient imaginer se retrouver sur scène. Qui plus est pour interpréter le courage à l'état pur face à l'oppression, l'individu dressé contre l'administration. Ce que fut la mythique Antigone. En cette mi-décembre 2014, 21 femmes réfugiées syriennes au Liban interprètent une adaptation de la pièce de Sophocle, à Beyrouth.

Identifications
Toutes de noir et rouge vêtues, pieds nus, foulards sombres, elles racontent leurs vies, échos contemporains au destin tragique d'Antigone, fille incestueuse d'Oedipe, roi de Thèbes et de la reine Jocaste (qui est donc aussi sa grand-mère), de ses frères et de Créon, son oncle Roi dictateur. Antigone affronte ce dernier pour pouvoir enterrer l'un de ses frères contre la volonté de la toute puissance royale.
Entre histoires personnelles et morceaux de la pièce originelle, Mona, 28 ans, fait office de narratrice. La Damascène raconte comment une compagnie d'art vivant est venue trouver ces femmes pour un projet « d'aide par le théâtre ». Les laissant circonspectes de prime abord. Mais au fil des semaines (plus de deux mois), la confiance s'est installée avec Hal Scardino et Itab Azzam, les producteurs (Aperta productions ) du projet.
Mona vit depuis deux ans dans le camp palestinien, tristement célèbre, de Chatila. Dans la pièce, elle raconte comment elle a dû enterrer son petit garçon mort de leucémie, quasiment seule, sous les bombardements à Damas. « L'histoire en elle-même d'Antigone parle de la Syrie. Des gens sont ou bien Antigone, ou bien sa sœur Ismène qui est dans le déni. Moi je suis tombée amoureuse d'Antigone. J'ai l'impression que n'importe quelle femme syrienne peut s'identifier à elle. »
Dans la tragédie grecque, Antigone s'écrie : « N'oublie pas que nous sommes femmes et que nous n'aurons jamais raison contre des hommes. »
Toutes de noir et rouge vêtues, pieds nus, foulards sombres, elles racontent leurs vies, échos contemporains au destin tragique d'Antigone, fille incestueuse d'Oedipe, roi de Thèbes et de la reine Jocaste (qui est donc aussi sa grand-mère), de ses frères et de Créon, son oncle Roi dictateur. Antigone affronte ce dernier pour pouvoir enterrer l'un de ses frères contre la volonté de la toute puissance royale.
Entre histoires personnelles et morceaux de la pièce originelle, Mona, 28 ans, fait office de narratrice. La Damascène raconte comment une compagnie d'art vivant est venue trouver ces femmes pour un projet « d'aide par le théâtre ». Les laissant circonspectes de prime abord. Mais au fil des semaines (plus de deux mois), la confiance s'est installée avec Hal Scardino et Itab Azzam, les producteurs (Aperta productions ) du projet.
Mona vit depuis deux ans dans le camp palestinien, tristement célèbre, de Chatila. Dans la pièce, elle raconte comment elle a dû enterrer son petit garçon mort de leucémie, quasiment seule, sous les bombardements à Damas. « L'histoire en elle-même d'Antigone parle de la Syrie. Des gens sont ou bien Antigone, ou bien sa sœur Ismène qui est dans le déni. Moi je suis tombée amoureuse d'Antigone. J'ai l'impression que n'importe quelle femme syrienne peut s'identifier à elle. »
Dans la tragédie grecque, Antigone s'écrie : « N'oublie pas que nous sommes femmes et que nous n'aurons jamais raison contre des hommes. »

Emancipations
La pièce a changé la vie de Mona qui avoue avoir pu partager avec son mari ses journées de répétition, comme n'importe quelle femme active. « Mon mari me respecte plus aujourd'hui et j'ai plus confiance en moi. J'ai réalisé un rêve. »
Les échanges entre les femmes pendant le montage de la pièce ont fait office de thérapie. Fadwa, 58 ans, a perdu deux fils depuis le début de la guerre en Syrie. Le premier au Liban, l'autre en Syrie dans le camp de Yarmouk où elle habitait. « Les pires moments de ma vie je les ai vécus au Liban. Si c'est un cauchemar, j'aimerais me réveiller. Mais cette pièce a été un miracle. Elle m'a permis de sortir la tristesse que j'avais en moi. »
Fadwa vivait dans un confort aisé en Syrie, avec un mari travaillant dans le pétrole. Exilée chez le voisin libanais, elle a dû s'adapter. « Devenir réfugiée a été plus dur pour nos hommes car eux étaient propriétaires, chargés de familles, etc. Moi je ne suis pas contre le fait que la femme travaille car ça lui permet de s'affirmer. »
La pièce a changé la vie de Mona qui avoue avoir pu partager avec son mari ses journées de répétition, comme n'importe quelle femme active. « Mon mari me respecte plus aujourd'hui et j'ai plus confiance en moi. J'ai réalisé un rêve. »
Les échanges entre les femmes pendant le montage de la pièce ont fait office de thérapie. Fadwa, 58 ans, a perdu deux fils depuis le début de la guerre en Syrie. Le premier au Liban, l'autre en Syrie dans le camp de Yarmouk où elle habitait. « Les pires moments de ma vie je les ai vécus au Liban. Si c'est un cauchemar, j'aimerais me réveiller. Mais cette pièce a été un miracle. Elle m'a permis de sortir la tristesse que j'avais en moi. »
Fadwa vivait dans un confort aisé en Syrie, avec un mari travaillant dans le pétrole. Exilée chez le voisin libanais, elle a dû s'adapter. « Devenir réfugiée a été plus dur pour nos hommes car eux étaient propriétaires, chargés de familles, etc. Moi je ne suis pas contre le fait que la femme travaille car ça lui permet de s'affirmer. »

Thérapie
Chez ses « collègues » comédiennes, personne ne voulait interpréter Créon, le monarque intraitable. Mais Fadwa s'en est chargé. « Créon est dur, oui, mais je le comprends. Moi aussi, personne ne me donne d'ordres, j'ai toujours eu ma liberté. Ma mère m'a élevée comme ça. » Parmi les femmes, les discussion politiques semblent avoir eu lieu de manière posée. Fadwa rigole : « Nous nous sommes plus disputées pour la nourriture que pour la politique ! »
Si elle a accepté de monter sur scène, c'est avant tout pour dénoncer la situation du camp de Yarmouk (aux portes de Damas, ndlr): « Mon fils a dû manger des chats et des rats avant de mourir dans un bombardement. Aujourd'hui, le camp est toujours encerclé et les gens tombent comme des feuilles. »
La fille de Fadwa, Hiba, a perdu deux frères depuis le début de la guerre. Comme Antigone. C'est donc naturellement qu'elle s'est imposée pour interpréter le personnage principal. « Antigone est plus forte que moi, c'est la fille d'un roi » souffle Hiba. « Cela fait deux ans que je suis au Liban et c'est la première fois que j'ai l'impression d'avoir accompli quelque chose. En Syrie, ma famille était aisée. Ici, on nous regarde comme des êtres inférieurs. Il est temps que les Libanais sachent que tous les Syriens ne sont pas illettrés. »
Chez ses « collègues » comédiennes, personne ne voulait interpréter Créon, le monarque intraitable. Mais Fadwa s'en est chargé. « Créon est dur, oui, mais je le comprends. Moi aussi, personne ne me donne d'ordres, j'ai toujours eu ma liberté. Ma mère m'a élevée comme ça. » Parmi les femmes, les discussion politiques semblent avoir eu lieu de manière posée. Fadwa rigole : « Nous nous sommes plus disputées pour la nourriture que pour la politique ! »
Si elle a accepté de monter sur scène, c'est avant tout pour dénoncer la situation du camp de Yarmouk (aux portes de Damas, ndlr): « Mon fils a dû manger des chats et des rats avant de mourir dans un bombardement. Aujourd'hui, le camp est toujours encerclé et les gens tombent comme des feuilles. »
La fille de Fadwa, Hiba, a perdu deux frères depuis le début de la guerre. Comme Antigone. C'est donc naturellement qu'elle s'est imposée pour interpréter le personnage principal. « Antigone est plus forte que moi, c'est la fille d'un roi » souffle Hiba. « Cela fait deux ans que je suis au Liban et c'est la première fois que j'ai l'impression d'avoir accompli quelque chose. En Syrie, ma famille était aisée. Ici, on nous regarde comme des êtres inférieurs. Il est temps que les Libanais sachent que tous les Syriens ne sont pas illettrés. »

Mona, durant la pièce, précise : « Nous ne sommes pas des princesses comme Antigone, nous, nous mourrons sans bruit. » Pour ces réfugiées syriennes, Antigone reste à travers les âges un modèle de courage.