Après le licenciement de Harvey Weinstein pour harcèlement sexuel, à Hollywood les actrices parlent

Harvey Weinstein, 65 ans, tout puissant producteur hollywoodien et fondateur de la Weinstein Company a été licencié dimanche 8 octobre 2017 à la suite d’accusations de harcèlement sexuel révélées par le New York Times. Pour étouffer les plaintes de ses victimes, le magnat avait mis en place un système de financement. Sa mise à l'écart a libéré la parole des victimes et d'Angelina Jolie à Emma De Caunes, les actrices accusent. 
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Harvey Weinstein
Le producteur Harvey Weinstein le 28 février 2016, lors de son arrivée à la cérémonie des Oscars.
(Photo by Al Powers/Invision/AP)
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Gwyneth Paltrow et Angelina Jolie, mais aussi Emma de Caunes ou Judith Godrèche. Et tant d'autres. Il aura suffi de la parole de quelques unes, pour libérer celle de toutes les autres. Depuis le licenciement de Harvey Weinstein  de sa propre maison de production par son conseil d'administration, le flot ne tarit plus. Les révélations se succèdent à la Une des médias américains les plus prestigieux, tels le New Yorker et le New York Times.

Harvey weinstein new yorker

"A la lumière de nouvelles informations qui ont éclaté ces derniers jours sur la mauvaise conduite de Harvey Weinstein, les directeurs de la Weinstein Company - Robert Weinstein, Lance Maerov, Richard Koenigsberg et Tarak Ben Ammar - ont décidé, et ont informé Harvey Weinstein, que son travail à la Weinstein Company était terminé, avec effet immédiat", avait annoncé la direction dans un communiqué cité par les médias américains. Remercié onc, deux jours après la publication d'une enquête dans le New York Times, le dimanche 8 octobre 2017.

Elle révèle  que le producteur est accusé par plusieurs femmes, dont les actrices vedettes Ashley Judd et Rose McGowan, de les avoir forcées à le regarder nu ou d'avoir promis de favoriser leur carrière contre des faveurs sexuelles. Ashley Judd témoigne : " Comment je me débrouille pour sortir de cette chambre le plus vite possible sans aliéner Harvey Weinstein. Il y avait beaucoup en jeu : un contrat avec Miramax... "

Rose McGowan et Ashley Judd
Rose McGowan et Ashley Judd
(AP photos)

Le limogeage de cet homme, unanimement considéré comme l'une des personnes les plus puissantes d'Hollywood, provoque un extraordinaire séisme dans le milieu du 7ème art. Il y a bien entendu la chute, vertigineuse, de ce producteur aussi craint que respecté mais surtout le fait que plusieurs victimes aient accepté de témoigner publiquement.

Il existe un environnement toxique pour les femmes dans cette société
Lauren O'Connor, victime de Harvey  Weinstein
Clinton
 Hillary Clinton avec Harvey Weinstein et Gwyneth Paltrow lors de la première du film  "Shakespeare in Love," à New York le 3 décembre 1998
(AP Photo/Stuart Ramson)

Le courage de parler et l'embarras des démocrates

Au pays du 7ème art, cette usine à rêves, le cauchemar du scandale n'est pas vraiment le bienvenu. Les actrices Ashley Judd et Rose McGowan ont malgré tout décidé de parler, faisant voler en éclat un accord de confidentialité qu'elles avaient signé. Ironie de l'histoire : Harvey Weinstein, pro-démocrate, participait à la " Women’s March " en janvier dernier contre le " sexisme " de Donald Trump. Ce dernier, qui a indiqué connaître Weinstein "depuis très longtemps", a déclaré "ne pas être du tout surpris" par ces révélations.

Harvey Weinstein
"De l'extérieur, il semblait doré: les Oscars, le succès, l'impact culturel remarquable", a déclaré Mark Gill, ancien président de Miramax Los Angeles lorsque la société était la propriété de Disney. "Mais dans les coulisses, c'était un gâchis, et c'était le plus gros désordre de tous"
AP Photos

En 2015, l'année où Laureen O'Connor écrit son mémo pour relater son agression, la société de Harvey Weinstein  distribue " The Hunting Ground ", un documentaire sur les agressions sexuelles au sein des campus.

Le producteur est par ailleurs un donateur démocrate de longue date. Il a organisé une collecte de fonds pour Hillary Clinton dans sa maison de Manhattan l'année dernière et il a employé Malia Obama, la fille aînée de l'ancien président Barack Obama, en tant que stagiaire cette année.

Dans un communiqué, le producteur n'a pas nié les fait d'agression sexuelle : "Je sais que la façon dont je me suis comporté avec mes collègues dans le passé a causé beaucoup de peine et je tiens à présenter mes excuses les plus sincères. Bien que j'essaie de m'améliorer, je sais que j'ai encore beaucoup de chemin à parcourir. " Il a ajouté qu'il travaillait avec des thérapeutes et qu'il avait l'intention de prendre un congé pour "traiter cette question de front"
Des promesses qui arrivent un peu tard.
 

La stratégie du carnet de chèques

Selon l'article du New York Times, Harvey Weinstein avait mis en place une stratégie  pour étouffer les éventuelles révélations de ses victimes afin de ne pas nuire à la "réputation commerciale" ou "à la réputation personnelle d'un employé" : le carnet de chèque.

Le quotidien a ainsi exhumé huit dossiers de règlement négocié allant de la fin des années 1990 jusqu’à 2015.

Ses proies n'étaient pas que des actrices.
Ainsi, Lauren O’Connor, une de ses assistantes, écrit en 2015  : " Je suis une jeune femme de 28 ans qui essaie de gagner ma vie et de faire carrière. Harvey Weinstein est un homme de 64 ans, connu dans le monde entier. L’équilibre des forces est, moi : 0 Harvey Weinstein : 10".

Rose McGowan
 Rose McGowan le 30 javier 2016 au Festival de Sundance
(Photo by Chris Pizzello/Invision/AP)

Rose McGowan, connue pour son rôle dans Scream, avait passé un tel accord à l’amiable en 1997 avec Harvey Weinstein, après avoir subi ses assauts pendant le festival de Sundance. Elle n'avait alors que 23 ans. L'accord portait sur environ 100 000 dollars. 

Selon diverses personnes au courant de ces négociations, la plupart des femmes impliquées dans ces "contrats" auraient recueilli entre  80 000 et 150 000 dollars.

En mars 2015, Harvey Weinstein invite Ambra Battilana, un modèle italien et une actrice aspirante, à son bureau de TriBeCa à New York pour "discuter de sa carrière". Quelques heures plus tard, la jeune femme contacte la police en affirmant que le producteur lui a attrapé les seins après lui avoir demandé s'ils étaient réels et, selon le rapport de police, il lui aurait mis la main sous sa jupe. L'affaire, évoquée par les tabloïds new-yorkais, sera classée sans suite par le bureau du procureur du district de Manhattan. Une fois encore, au terme d'un accord confidentiel, le producteur a acheté le silence de sa victime.

A celles et ceux qui s'étonnent de révélations si tardives, Lena Dunham, la créatrice de la série Girls a aussitôt risposté : " Celui qui affirme que ces femmes ont fait preuve de faiblesse pour avoir accepté un règlement ou avoir attendu si longtemps ne comprend rien à ce que signifie l’intimidation !"


Mais ce qui a laissé sans voix de nombreuses féministes, c'est la défense même de Harvey Weinstein dans cette affaire  : "J’ai grandi dans les années 1960 et 1970, quand toutes les règles sur le comportement et les lieux de travail étaient différentes." a-t-il plaidé.
Il faut croire que l'époque a changé.

Cela ne s'arrêtait pas. C'était un cauchemar
Asia Argento, comédienne

Angelina Jolie, Rosanna Arquette, Emma de Caunes, Asia Argento, etc : contre Harvey Weinstein, les stars d'Hollywood brisent la loi du silence

De nouveaux témoignages accablants pour Harvey Weinstein sont venus s'ajouter mardi 10 octobre à ceux déjà connus, dépeignant le producteur comme capable d'agression sexuelle mais aussi de viol, de manipulations et d'intimidation.

Après les révélations du New York Times jeudi qui avaient déclenché le scandale, l'actrice italienne Asia Argento et deux autres femmes ont assuré, dans un article du magazine "The New Yorker" paru mardi 10 ocotobre 2017, avoir été violées par le magnat hollywoodien, dont les agissements supposés ont été dénoncés par Barack Obama et Hillary Clinton. Selon Asia Argento, la fille du réalisateur italien Dario Argento, le producteur aurait eu une relation sexuelle orale non consentie avec elle en 1997 dans une chambre d'hôtel de la Côte d'Azur.

Dans le même article - 10 000 signes pour 10 mois d'enquête et une dizaine de témoignages recueilllis par Ronan Farrow, fils de l'actrice Mia Farrow et du réalisateur Woody Allen -, Lucia Evans, une actrice, accuse le producteur de l'avoir forcée à lui faire une fellation en 2004 et une autre jeune femme, qui a souhaité garder l'anonymat, l'accuse d'une relation sexuelle forcée. Ronan Farrow,  journaliste, militant des droits humains, avocat, n'a jamais pardonné à son père les conditions de sa séparation avec Mia Farrow, et avait aussi porté de graves accusations d'ordre sexuel et incestueux contre Woody Allen...

"Cela ne s'arrêtait pas. C'était un cauchemar", a déclaré au "New Yorker" Asia Argento, qui dit avoir été invitée par l'un des membres de l'équipe d'Harvey Weinstein, avant de se retrouver seule avec lui. Elle explique que l'incident a été "un traumatisme horrible". "J'ai été abimée", dit-elle encore.
Elle raconte qu'Harvey Weinstein a insisté pour la voir, ce qu'elle accepté. Il a aussi eu d'autres relations sexuelles avec elle durant les cinq années suivantes. Elle les qualifie de consenties mais dit s'être sentie "obligée" de céder à ses avances.   

L'article du "New Yorker" mentionne également d'autres actrices, notamment Rosanna Arquette et la Française Emma de Caunes. Les deux femmes évoquent des rencontres lors desquelles le producteur a tenté d'avoir une relation sexuelle avec elles, sans succès.

Dans un article du New York Times également publié mardi, Gwyneth Paltrow et Angelina Jolie décrivent des moments similaires, lors desquels elles ont refusé les avances très appuyées de celui qui est désormais le paria d'Hollywood après en avoir longtemps été l'un des rois.
Après l'incident impliquant Gwyneth Paltrow, Brad Pitt, qui était en couple avec l'actrice à l'époque, aurait demandé à Harvey Weinstein de ne plus jamais avoir de comportement équivoque avec elle, ce que l'acteur a confirmé au Times. Le quotidien new-yorkais mentionne aussi l'actrice française Judith Godrèche.

Le producteur assure que toutes les femmes qui ont fait état publiquement, en déclinant leur identité, de relations sexuelles avec lui, étaient consentantes, a affirmé sa porte-parole Sallie Hofmeister.

Le "New Yorker" a également publié mardi l'extrait d'un enregistrement réalisé par la police de New York effectué alors que Harvey Weinstein tentait d'attirer une mannequin italienne, Ambra Battilana Gutierrez dans sa chambre. On y entend le discours insistant du producteur, entre menace et douceur, qui lui demande de "ne pas ruiner (leur) amitié pour cinq minutes" dans sa chambre.

Dans un communiqué publié mardi soir, Michelle et Barack Obama se sont dits "dégoûtés" par les accusations visant Harvey Weinstein. "Tout homme qui se comporte de manière dégradante avec les femmes doit être condamné et rendu responsable de ses actes, quelles que soient sa richesse et son statut", a écrit l'ancien président.

L'ancienne candidate démocrate à la Maison Blanche, Hillary Clinton, s'est également déclarée "choquée et écoeurée par les révélations sur Harvey Weinstein", qui a financé ses campagnes électorales et celles de nombreux démocrates depuis des années. "Le silence doit cesser pour rompre le cycle d'impunité du harcèlement sexuel et des agressions", a tweeté l'actrice Mira Sorvino, qui dit avoir vécu avec Harvey Weistein une scène similaire aux dizaines qui émergent depuis quelques jours.


On apprend aussi que l'épouse d'Harvey Weinstein, Geor­gina Chap­man a décidé de le quitter. Actrice et styliste britan­nique, elle avait rencon­tré Harvey Wein­stein en 2004. Dans son commu­niqué, âgée de 41 ans, elle indique qu'elle a d'abord pensé à leurs deux enfants : « Le bien-être de mes jeunes enfants est ma prio­rité et je demande aux médias de respec­ter ma vie privée en cette période ».