Après le oui au mariage pour tous en Suisse, oui à la PMA pour toutes ?

A 64%, les Suisses ont dit oui mariage pour tous. La PMA pour toutes, l’accès aux technologies médicales d’aide à la procréation aux couples de femmes constitue l'un des enjeux majeurs de cette réforme. Retour sur les arguments des camps qui s'affrontent sur ce sujet. 
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campagne mariage pour tous suisse
"Un 'Oui, je le veux' dans les urnes le 26 septembre équivaut à une déclaration d’amour aux valeurs de la Suisse.", écrit le site officiel du camp du OUI au mariage pour tous qui sera soumis au vote en Suisse ce 26 septembre. Image de la campagne. 
©mariage-oui.ch
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Quelle que soit l’orientation sexuelle des individus concernés, les nouvelles technologies de la reproduction soulèvent des défis sociaux, politiques et éthiques. Qui peut y avoir accès? Quelles techniques autoriser ou, au contraire, limiter? Autant de questions qui ont alimenté le débat en Suisse, qui a dit oui à 64% au mariage pour tous le 26 septembre 2021. 

>La Suisse dit oui au mariage pour tous-tes, retrouvez notre correspondant Michel Cerutti. 

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La loi sur la procréation médicalement assistée (LPMA) a institué une commission nationale d’éthique dans la médecine humaine pour réfléchir à ces questions, à mesure que la biotechnologie se développe et repousse les limites de la reproduction humaine. Cette commission regroupe des spécialistes en droit et en médecine. Plusieurs membres ont bien voulu répondre aux principaux arguments des opposants au mariage pour tous, qui axent leur campagne surtout sur cet enjeu majeur de la votation sur le mariage pour tous.

oui mariage pour tous suisse
Campagne d'affichage des partisans au oui au mariage pour toutes et tous en Suisse.
©oui-mariage.ch

Une porte ouverte vers la GPA?

A commencer par celui-ci: l’accès au don de sperme pour les femmes lesbiennes ouvrirait la porte à la gestation pour autrui (GPA), soit le fait de porter un enfant pour d’autres que soi. C’est l’argument de la «pente glissante». «C’est faux», rétorque Christine Clavien, de l’institut Ethique Histoire Humanités de l’Université de Genève. «La GPA reste interdite pour quiconque quelle que soit son orientation sexuelle et le sera encore probablement longtemps: d’ici à ce que ce débat soit discuté au parlement, puis soumis à votation populaire, beaucoup d’eau coulera sous les ponts.»

La GPA soulève des questions plus complexes que la PMA, notamment parce qu’elle impacte la santé de mères porteuses parfois socialement vulnérables.
Christine Clavien, Université de Genève

Une décision pour laquelle la Suisse n’est pas prête, estime encore Christine Clavien: «La GPA soulève des questions plus complexes que la PMA, notamment parce qu’elle impacte la santé de mères porteuses parfois socialement vulnérables. Comme pour le don d’organe, elle peut être réalisée de manière tout à fait éthique, sans pression et pour des motifs altruistes, ou, inversement, s’accompagner d’abus. Nous devrons à l’avenir mener ce débat, qui par ailleurs ne concerne pas seulement les couples homosexuels, mais aussi les couples hétérosexuels et, au final, l’ensemble de la société.»

Quant au don de sperme, auquel un oui le 26 septembre élargirait l’accès, c’est une pratique encadrée par la loi sur la procréation médicalement assistée (PMA) de 1998, qui précise, à l’article 5, les conditions d’accès à cette technologie réservée aux couples mariés: elle doit permettre de remédier à la stérilité d’un couple lorsque les autres traitements ont échoué ou sont vains. Ou d’écarter un risque de transmission d’une maladie grave aux descendants.

Une décision contraire à la loi?

Autre argument entendu durant la campagne: l’accès des couples de femmes à la PMA serait contraire à cette loi, étant donné que ces dernières ne peuvent pas être considérées comme stériles. Une interprétation trop étroite du texte, estime la juriste Andrea Büchler, présidente de la Commission nationale d’éthique. Selon elle, un oui le 26 septembre ne nécessiterait pas de modifier l’article 5 de la LPMA: «La stérilité ne doit pas forcément être comprise du point de vue médical. Il peut s’agir d’une impossibilité sociale de procréer», relève-t-elle.

L’homosexualité n’empêche pas d’aimer et de prendre soin de ses enfants.
Christine Clavien
non mariage pour tous suisse
Affiche de la campagne des opposants au Mariage pour tous.
©capture d ecran

La PMA revient-elle à valider une forme de droit à l’enfant? «Cette formule est un abus de langage. Il s’agit ici de donner un droit non à l’enfant, mais à l’accès à une technologie. Cette technologie, c’est un coup de pouce de la médecine pour permettre de réaliser un projet parental. Selon le principe d’égalité, les personnes qui ont un projet parental ne devraient pas être discriminées pour la réalisation de ce projet sur la base d’un critère aussi futile que leur orientation sexuelle. L’homosexualité n’empêche pas d’aimer et de prendre soin de ses enfants», renchérit Christine Clavien.

En réservant la PMA aux couples mariés et hétérosexuels, «l’Etat s’érige en promoteur d’un modèle familial spécifique et ne tient pas compte d’autres modèles, pourtant admis socialement (couples homosexuels, couples non mariés) et dans lesquels les enfants se développent en toute harmonie», souligne la Commission nationale d’éthique, en 2019, pour qui le don de sperme devrait être accessible non seulement aux couples de même sexe, mais aussi à ceux qui ne sont pas mariés et aux femmes seules.

Quel impact sur la pratique de la PMA en Suisse?

Il existe 35 centres spécialisés dans la médecine de la reproduction en Suisse et près d’un tiers d’entre eux pratiquent le don de sperme. A ce jour, la Suisse compte 777 donneurs. Depuis 2001 et l’existence d’un registre de donneurs, la Suisse a enregistré 4234 naissances à la suite d'un don de sperme. En Suisse romande, le centre médical de fertilité CPMA fait figure de principale banque de sperme, à côté du CHUV. Actuellement, le centre dénombre quelque 50 couples impliqués dans un processus de PMA et peut compter sur le sperme d’une trentaine de donneurs.

J’ai demandé à une dizaine d’entre eux s’ils étaient d’accord que leur sperme soit confié à des couples de femmes. Ils ont tous dit oui.
Daniel Wirthner, responsable de la banque des gamètes

Le directeur médical du CPMA, gynécologue et responsable de la banque des gamètes, Daniel Wirthner prépare déjà ses donneurs: «J’ai demandé à une dizaine d’entre eux s’ils étaient d’accord que leur sperme soit confié à des couples de femmes. Ils ont tous dit oui. Les donneurs sont souvent des jeunes hommes, plutôt ouverts.» Quant à la demande, il ne se risque pas à faire des pronostics: «Nous parvenons à répondre aux besoins actuels. Mais j’ignore totalement si ce serait encore le cas à l’avenir, ni même dans quelle mesure ils augmenteraient, car nous ne savons pas combien de femmes effectuent une PMA hors de Suisse à l’heure actuelle. J’imagine qu’un certain nombre de couples continueraient à se rendre à l’étranger, car les lois y sont souvent plus libérales, par exemple en ce qui concerne la sélection d’un donneur.»

Selon la loi suisse, seuls les centres de procréation médicalement assistée peuvent avoir accès aux banques et choisissent le donneur selon des critères médicaux: pour écarter les risques de transmission de maladies pour la femme et le risque de maladies héréditaires pouvant atteindre la santé de l’enfant. Toutefois, le médecin qui réalise l’insémination sélectionne en général un donneur dont les caractéristiques physiques ressemblent à celle du futur père.
 

De moins en moins de donneurs en Suisse

Depuis le changement de loi en 2001, le don de sperme n’est plus anonyme: un enfant né d’un don peut exiger de connaître l’identité du donneur. Du moins, s’il sait qu’il a été conçu ainsi. Car les parents, eux, n’ont aucune obligation de révéler à l’enfant la façon dont il a été conçu. Le changement de loi a pour effet que les donneurs, en Suisse, sont moins nombreux que dans d’autres pays. Or, la suppression de l’anonymat du don de sperme n’a pas constitué de difficulté majeure, souligne Daniel Wirthner, car elle coïncide avec une baisse de la demande liée à l’évolution des technologies de la reproduction.

Article original à retrouver sur le site de notre partenaire Le Temps

A retrouver sur le site de Terriennes : 
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