Après le plafond de verre, le tapis roulant de verre
La crise aidant, les hommes investissent désormais les métiers dits «féminins». Mais si cette nouvelle présence masculine induit une augmentation des salaires, elle dessert les femmes en matière de promotion.
Pompier ou infirmière ? Alors que la crise économique a, de part et d'autre de l'Atlantique, détruit des milliers d'emplois dans l'industrie, certains hommes lorgnent désormais du côté des secteurs considérés comme typiquement féminins pour trouver un job. C'est ainsi le cas pour les professions de santé, d'éducation ou encore de services. Si certains promoteurs de la mixité des emplois - notion selon laquelle femmes et hommes devraient avoir accès à n'importe quel poste - se réjouissent de cette première avancée, d'aucuns sont sceptiques. D'abord parce que la réciprocité n'est pas vraie. Autrement dit, si les hommes deviennent «sage femmes» ou instituteurs de maternelle, les femmes ne semblent pas encore pénétrer le monde fermé de l'informatique, par exemple, et encore moins celui de la logistique ou de la haute technologie. La faute à la crise, peut-être, mais aussi aux préjugés, qui ne facilitent pas les vocations féminines pour ces emplois dits «masculins». Les salaires montent... En outre, comme l'explique dans une récente étude Caren Goldberg, professeure de gestion à l'American University, la nouvelle présence d'hommes dans les secteurs dits «féminins» n'apporte pas que des avantages aux femmes.... Certes, quand les hommes affluent dans les bastions féminins, les salaires ont tendance à augmenter, les hommes demandant simplement plus, ce qui se répercute (parfois) sur tous les salariés, quel que soit leur sexe. Un avantage donc. ...les chances de promotion baissent Mais la présence des hommes apporte également un inconvénient majeur pour les femmes : leurs chances de promotion diminuent. C'est ce que montrent les recherches de cette professeure. Là encore, les stéréotypes ont la vie dure. On cherche un manager ? Un organisateur ? Un «homme à poigne» pour un service difficile à gérer ? Et bien, on prend un homme, puisque, désormais, il y en a un ! Bref, quant il s'agit de faire carrière et d'obtenir une promotion les hommes dépassent rapidement les femmes dans leurs domaines de prédilection. C'est, après le fameux «plafond de verre», ce que cette spécialiste appelle « le tapis roulant de verre ». Pis, les recherches de Caren Goldberg montrent que les hommes réussissent mieux leur carrière dans les secteurs dominés à 70% par des femmes que dans ceux où les hommes dominent et où la concurrence (avec d'autres hommes) est vive. Autant dire que les hommes ne pourront que se réjouir de leurs avancées dans les domaines «féminins» - et les femmes ne pourront que continuer à se battre...
Lysiane J.Baudu
Ancienne grand reporter à La Tribune, Lysiane J. Baudu a rencontré, pendant ses 20 ans de journalisme international, des femmes du monde entier.
Ces "rencontres" feront l'objet de billets, qui lui permettront de faire partager ses impressions, ses analyses, son ressenti au contact de ces femmes, dont l'action professionnelle fait sens pour toutes les autres, de même que pour la société.