Après les Egyptiennes, des Jordaniennes se mobilisent contre le harcèlement sexuel
Depuis 2011, des étudiantes jordaniennes se mobilisent pour lutter contre le harcèlement, essentiellement verbal, qu'elles subissent dans les universités. Dans ce combat, elles ont trouvé le soutien de certaines de leurs professeures et aussi de condisciples masculins.
Les étudiant(e)s de la classe de littérature de Rula Quawas
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« Et si on faisait des cochonneries ? », « Née pour sucer », « Tu viens chez moi ? ». En 2011, des étudiantes en colère de l’Université de Jordanie ont décidé de dénoncer le harcèlement sexuel récurrent sur leur campus d’Amman à travers une vidéo choc diffusée sur Youtube. Une initiative au départ anodine qui a mis en lumière le calvaire quotidien des étudiantes et des femmes en Jordanie et qui, jusqu’aujourd’hui, sème la controverse. « Il est impossible de circuler sur le campus sans entendre ce genre de commentaires » raconte Zainab, l’une des quatre productrices du film qui a préféré ne pas donner son vrai nom à cause de pressions familiales. « Ils font ça à tout le monde ; aux femmes enceintes, à celles qui portent le niqab (un voile intégral couvrant aussi le visage à l'exception des yeux), à tout le monde ».
Zainab fait partie des quatre étudiantes qui, encouragées par Rula Quawas, leur professeur de théorie féministe, ont eu l’idée d’attirer l’attention sur le problème du harcèlement sexuel dont sont victimes la plupart des femmes sur le campus de l’université numéro un du pays. L’affaire, qui n’a d’abord reçu que peu d’attention en dehors du cours, a fait boule de neige après la diffusion de la vidéo sur les réseaux sociaux et le renvoi de Rula Quawas de son poste de doyenne de la faculté des langues étrangères à l’automne 2012. Dans leur vidéo, les étudiantes brandissaient des pancartes montrant les commentaires à caractère sexuel dont elles font l’objet et qui, selon elles, restent impunis jusqu’à ce jour. « J’ai soutenu le projet et j’ai donné mon feu vert », se souvient Rula Quawas, connue pour son engagement féministe. Contrairement à ce que prétend la direction de l’université, la professeure et doyenne du Département des langues étrangères est convaincue que son renvoi est directement lié à son implication dans le projet. Elle affirme d’ailleurs avoir reçu une réprimande de la part de l’université en juin 2012 pour avoir atteint à sa réputation avant d’être finalement démise de ses fonctions de doyenne au mois de septembre suivant. Phénomène de société ? Pour Zainab, harceler les femmes est un test de virilité ; les harceleurs étant presque toujours en groupe. Elle croit également que les salles de classes mixtes, une nouveauté pour la plupart des étudiants arrivant à l’université, sont une des causes du harcèlement. Mais selon le président de l’établissement, Ekhleif Al-Tarawneh, le phénomène, bien qu’il existe, n’a pas l’ampleur que prétendent les jeunes activistes. Il explique que les deux-tiers des étudiants de l’Université de Jordanie sont issus de tribus - une structure traditionnelle qui réprimande fortement toute atteinte à l’honneur des femmes, empêchant de fait tout harcèlement sexuel. Ibrahim Alajaleen, un ancien étudiant de Rula Quawas, soupçonne quant à lui la vidéo d’avoir touché une corde sensible de l’université, laquelle aurait préféré garder les yeux fermés sur la situation. Il affirme même que près d’un étudiant sur deux se prête à une forme ou à une autre de harcèlement verbal. « Quand la vidéo a été mise sur Internet, les gens ont commencé à dire que cela donnait une image négative des Jordaniennes. Je crois que ça a plutôt montré aux responsables de l’université qu’ils peuvent changer les choses », conclut Ibrahim.