Fil d'Ariane
La préisdente de PEN America Jennifer Egan (à gauche), Walid Al-Hathloul, Lina Al-Hathloul et Suzanne Nossel affichent leur soutien aux militantes saoudiennes emprisonnées Nouf Abdulaziz, Loujain Al-Hathloul et Eman Al-Nafjan en mai 2019 lors du gala littéraire de PEN America, à New York.
Le 15 mai 2018, plusieurs activistes féministes saoudiennes étaient arrêtées pour atteinte aux intérêts nationaux et aide aux "ennemis de l'Etat". Selon les médias officiels, elles étaient accusées de "former une 'cellule', constituant une menace pour la sécurité de l'Etat en raison de leurs liens avec des entités étrangères dans le but de saper la stabilité et le tissu social du pays". Sur les réseaux sociaux circulaient les visages des activistes assortis d'hashtag en arabe les qualifiant d'"agents d'ambassades"- pour que la population comprenne bien que ces personnes étaient malveillantes.
Or ce qu'avaient réclamé pacifiquement ces militantes, c'est avant tout le droit de conduire pour toutes les femmes du royaume - qui devaient l'obtenir un mois plus tard. Elles demandaient aussi des réformes de plus grande envergure du système répressif de tutelle masculine - elles voulaient, par exemple, que soit levée l'obligation d'avoir la permission d'un parent masculin pour effectuer de nombreuses démarches administratives.
Voir tout notre dossier ► LA MARCHE DES FEMMES EN ARABIE SAOUDITE
Déjà détenue en 2014 pendant 73 jours après avoir tenté de traverser en voiture la frontière entre les Emirats arabes unis et l'Arabie saoudite, Loujain al Hathloul, classée troisième femme arabe la plus puissante de l'année 2015, fut la première arrêtée, en mai 2018. Dans les jours et les semaines qui ont suivi, d’autres militantes pacifiques ont à leur tour été interpellées, telles Samar Badaoui ou encore Nassima al-Saddah, fin juillet 2018. Toutes deux régulièrement prises pour cibles et harcelées en raison de leurs activités en faveur des droits humains, elles faisaient l’objet d’une interdiction de voyager.
Samar Badaoui est la sœur du blogueur Raif Badaoui, condamné à 1 000 coups de fouet et 10 ans de prison pour avoir créé un site Internet dédié au débat public. La deuxième faisait campagne en faveur des droits civils et politiques, ceux des femmes en particulier mais aussi et ceux de la minorité chiite dans la province de l'Est. Nouf Abdulaziz est venue s'ajouter à la liste des militantes emprisonnées pour son soutien à Loujain al-Hathlou, ainsi que les professeures retraitées de l'université Roi-Saoud à Ryad, Hatoon Al-Fassi et Aziza al-Youssef.
Ces femmes sont toujours derrière les barreaux, alors qu'entre-temps, les Saoudiennes ont acquis certains droits pour lesquels elles se sont battues.
Lynn Maalouf, directrice des recherches sur le Moyen-Orient à Amnesty
International
Saudi Arabia’s ‘reform drive’ cannot be considered credible as long as these women & other peaceful activists are still being targeted for their work. pic.twitter.com/lj5RmkWJGE
— Amnesty International (@amnesty) May 15, 2020
Actuellement, treize militantes des droits des femmes font toujours l’objet de poursuites judiciaires en raison de leurs activités de défense des droits humains. Huit d'entre elles - Iman al Nafjan, d’Aziza al Yousef, d’Amal al Harbi, de Ruqayyah al Mharib, de Shadan al Anezi, d’Abir Namankni, de Hatoon al Fassi et une autre militante anonyme - ont été remises en liberté provisoire, mais elles demeurent en instance de jugement. Elles risquent toujours d’être condamnées à des peines d’emprisonnement au titre de la législation relative à la lutte contre la cybercriminalité, en raison de leur action en faveur des droits humains : "Même si elles ont été remises en liberté, plusieurs dizaines de militantes sont inculpées d’infractions en lien avec leurs activités militantes pacifiques et attendent d’être jugées," explique Lynn Maalouf, d'Amnesty International.
Sur les réseaux sociaux, la mobilisation continue pour Loujain al Hathloul, Samar Badaoui, Nassima al Sada, Nouf Abdulaziz et Mayaa al Zahrani qui, elles, sont maintenues en détention :
#Loujain in the last 2 years you have never forgotten in our talks , thinking & your photos are in our homes. U,Nasima,Samar,Nouf &other women thought the world what does it means to be #feminist & #WHRD in a country ppl have stereotypes about .#FreeLoujain #standwithsaudiheros pic.twitter.com/g2cd8AnYRT
— Mozn Hassan مزن حسن (@Mozn) May 15, 2020
Dear Dashni,
— Elisabeth Steenhoven (@ESteenhoven) May 15, 2020
Exactly what you are doing!
Raising your voice & urging immediate release
Loujain al-Hathloul #FreeLoujain
Samar Badawi #FreeSamar
Nassima al-Sada #FreeNassima
Nouf Abdulaziz
Maya’a al-Zahrani.#FreeSaudiHeroes
Together with activists worldwide pic.twitter.com/eP1Hf6WIWg
Au moins dix militantes ont subi des violations des droits humains en prison : actes de torture, violences sexuelles et autres formes de mauvais traitements. Pendant les trois premiers mois, elles sont restées au secret, sans pouvoir communiquer ni avec leur famille ni avec leur avocat. Plusieurs ont ensuite été soumises à de longues périodes d’isolement. "En prison, beaucoup ont subi des souffrances psychologiques et physiques, dont des actes de torture, des sévices sexuels et des périodes à l’isolement", confirme Lynn Maalouf, d'Amnesty International.
Et pourtant, à l’issue de l'enquête relative aux tortures qui avaient été infligées en 2018 à Loujain al Hathloul, personne n'a été inquiété. Quant à l'audience prévue le 11 mars et annulée à la dernière minute, officiellement en raison de la pandémie, elle demeure, une fois de plus, repoussée aux calendes grecques.
En septembre 2019, Lina al-Hathloul, sœur de Loujain al-Hathloul, s'est rendu à Genève pour demander au Conseil des droits humains une implication plus forte, afin que sa sœur et ses camarades de lutte soient enfin libérées. Une déclaration conjointe d’Etats était alors en préparation au Conseil à cet effet. Déclaration que la France et la Suisse, à l’inverse de plusieurs autres démocraties européennes, et pour la deuxième fois en six mois, se sont abstenues de signer. Pourtant, c'est un premier appel lancé en mars 2019 par 36 Etats qui avait notamment conduit, trois semaines plus tard, à la libération provisoire d’Aziza al-Yousef et Eman al-Nafjan...
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