La nouvelle a été rendue publique par le bureau de Riyadh de l'agence de presse Reuters. Quatre femmes détenues depuis plus d'un an en Arabie saoudite viennent de recouvrer la liberté. Hatoon Al Fassi et Loujain Hathloul feraient partie de cette deuxième vague de libérations, après celle intervenue fin mars, au cours de laquelle Eman al-Nafjann, Aziza al-Youssef et Rokaya Mohareb avaient pu quitter la prison.
Ces militantes avaient été arrêtées puis jetées en prison en mai 2018, un mois à peine avant la levée historique d'une mesure interdisant aux femmes de conduire dans le pays.
L'organisation de défense des droits humains ALQST, qui documente et promeut les droits humains en Arabie saoudite, l'avait annoncé sur Twitter : "Aujourd'hui, à l'issue de la deuxième audience de leur procès, les militantes saoudiennes ont appris que leur défense était recevable et que la date de la prochaine audience leur serait bientôt communiquée, en l'absence de journalistes et diplomates" :
Breaking:
— القسط ALQST (@ALQST_ORG) March 28, 2019
News of the release of Dr. Rokaya Mohareb and activists Aziza al-Youssef and Eman al-Nafjan.
And promises that the others will be released on Sunday 31 March.
Elles faisaient partie d'un groupe de plus d'une dizaine de militant.e.s ayant défendu le droit des femmes à conduire ou demandé la levée du système de tutelle qui oblige les femmes à obtenir la permission d'un parent masculin pour de nombreuses démarches. Le procès des militantes, accusées de porter atteinte aux intérêts nationaux et d'aider les "ennemis de l'Etat", a été très suivi.
BREAK NEWS!!!LIBÉRATION DE 3 MILITANTES SAOUDIENNES selon mes informations. Il s'agit de Eman al Nafjan, Aziza Al Yousef et Roukaya... les autres femmes pourraient être libérées dimanche prochain...
— Clarence Rodriguez (@ClarenceArabie) March 28, 2019
@midatlantic61 @France24_fr @ActuElles @hrw_fr @TERRIENNESTV5 @djemilaben pic.twitter.com/adYK17eOEv
Des traitements de "choc" en prison
En novembre dernier, Amnesty International et Human Rights Watch avaient publié des témoignages sur leurs conditions de détention faisant trembler d'effroi.
Selon le communiqué d'Amnesty publié mardi 20 novembre 2018, les militantes détenues depuis mai dans la prison de Dhahban, au bord de la mer Rouge, ont été torturées à plusieurs reprises. L'ONG cite trois témoignages. L'un rapporte qu'au moins une militante a été suspendue au plafond, tandis qu'une autre a été sexuellement harcelée par ses interrogateurs, masqués.According to 3 separate testimonies we obtained, the activists in #SaudiArabia were repeatedly tortured by electrocution & flogging. In one reported instance, one of the activists was made to hang from the ceiling. https://t.co/rTm8Se3fBi
— AmnestyInternational (@amnesty) 20 novembre 2018
{Selon 3 témoignages distincts que nous avons obtenus, les activistes de #ArabieSaoudite ont été à plusieurs reprises torturées par électrocution et flagellation. Dans un cas rapporté, l'une des activistes a été suspendue de force au plafond.]
Lynn Maalouf, directrice Moyen-Orien chez Amnesty International
Pour Lynn Maalouf, directrice de recherches sur le Moyen-Orient à Amnesty, "Quelques semaines à peine après le meurtre brutal (du journaliste Jamal Khashoggi tué le 2 octobre au sein du consulat de son pays à Istanbul, ndlr), ces révélations choquantes de cas de torture, de harcèlement sexuel et d'autres abus mettent en lumière, s'ils sont confirmés, d'autres scandaleuses violations des droits de l'Homme par les autorités saoudiennes".
Human Rights Watch
Human Rights Watch apporte d'autres détails. Trois militantes ont été "embrassées de force". Selon ces sources, à l'issue de ces interrogatoires, les femmes présentaient des signes physiques de torture, notamment des difficultés à marcher, des tremblements incontrôlables des mains, ainsi que des marques rouges et des égratignures au visage et au cou. "Nous savons qu’à la suite de ces tortures, l’une des prisonnières ne pouvait plus se tenir debout et qu’une autre était prise de tremblements tels qu’elle ne pouvait pas saisir le moindre objet. Nous savons aussi que l’une d’elles a tenté à plusieurs reprises de se suicider", lit-on dans le rapport de HWR.
"Ces cas de torture mettent en évidence qu'il n'existe pas de limites à la cruauté absolue des autorités saoudiennes contre les critiques et les défenseurs des droits de l'Homme", estime Michael Page, directeur adjoint de HRW pour le Moyen-Orient.
Des accusations confirmées par le journal Le Monde qui cite une source souhaitant rester anonyme : "C’est du jamais-vu. Jusque-là, les femmes emprisonnées dans le royaume souffraient des irrégularités habituelles de procédures, comme la privation d’avocat, de médicaments ou de visites. Nous n’avions jamais entendu parler, dans le passé, de mesures aussi agressives."
Le quotidien cite plusieurs témoignages qu'il a recueillis auprès de ses informateurs : "les actes de torture ont cessé à partir du mois de septembre ou d’octobre, mais les mauvais traitements n’ont pas pris fin (...) Certaines des femmes sont toujours à l’isolement, sans pouvoir communiquer avec leurs proches. Les autres ont droit à un coup de téléphone toutes les semaines et seulement une visite de leur famille par mois »
Une liberté de conduire qui coûte cher
Plus d'une dizaine de militantes avaient été arrêtées entre les mois de mai et juillet 2018, les autorités les accusant de trahison mais aussi d'avoir voulu saper la stabilité du royaume. Une vague d'arrestations qui coincidait "étrangement" avec la levée de l'interdiction faite aux femmes de conduire. Décision présentée comme un signe d'ouverture sans précédent du régime saoudien.>Droits des femmes en Arabie saoudite : conduire ou s'exprimer, il faut choisir

Mais aussi des activistes plus jeunes, héritières des combats engagés par leurs ainées, comme Lujain Al-Hathloul. La jeune femme a déjà connu l'ombre des geôles saoudiennes. Il y a huit ans, elle avait arrêtée puis détenue pendant deux mois et demi, après s’être présentée à la frontière entre l’Arabie saoudite et les Emirats au volant d’une voiture.
Que fait le gouvernement pour demander que toutes ces militantes pour le droit de la personne soient libérées et capables de travailler en toute sécurité en Arabie saoudite ?
Hélène Laverdière, députée canadienne
Le 8 juin, la députée canadienne Hélène Laverdière avait pris la parole devant les parlementaires pour plaider la cause de Lujain Al-Hathloul, ancienne étudiante de l'Université de la Colombie-Britannique et celle de ses consoeurs, afin d'interpeller les autorités canadiennes.
>Crise diplomatique sur fond de droits des femmes : l'Arabie saoudite expulse l'ambassadeur canadien

Figure aussi sur cette liste, Hatoon al- Fassi, éminente militante des droits des femmes et universitaire. Cette dernière aurait également été arrêtée peu de temps après la levée de l'interdiction de conduire, elle a reçu début novembre le prix de la liberté académique de l’Association des études du Moyen-Orient, remis en son absence à la réunion annuelle de l’association.
Début octobre, dans un entretien accordé à l'agence Bloomberg, le prince Mohammed Ben Salmane, désormais connu sous le diminutif MBS déclarait ne disposer "d'aucune information suggérant qu’elles n’ont pas été traitées conformément au droit saoudien et aux procédures en vigueur en Arabie saoudite".
Arabie saoudite: MBS, présenté comme "réformiste" par les médias occidentaux, emprisonne par milliers. @AmnestyAR parle même de torture et de viol des femmes arrêtés pour avoir milité pour les droits des femmes que MBS se targue d'avoir octroyer!! pic.twitter.com/YGj5HbzWnV
— Desertup (@Desertup) November 21, 2018
Les autorités saoudiennes n'ont pas réagi pour l'instant aux accusations des deux ONG, qui viennent ternir un peu plus encore l'image du régime saoudien, mis en cause dans l'affaire Khashoggi. Un royaume, qui, sous la houlette du prince héritier cherche depuis des mois à s'acheter une nouvelle conduite concernant les droits des femmes.
Cela fait aujourd'hui 100 jours que les femmes saoudiennes ont obtenu le droit de conduire. Félicitations à toutes les conductrices du Royaume. #Vision2030 pic.twitter.com/U689x53aFe
— Arabie Saoudite en France (@KSAembassyFRA) 4 octobre 2018
#ArabieSaoudite: Du vent ds l' Abaya!!! Les saoudiennes ne veulent plus porter cette longue robe noire et austère. En signe de contestation elles la portent à l' envers défiant les autorités. @midatlantic61 @ActuElles @JamaisSansElles @Geopol_Analisi@TERRIENNESTV5@Terrafemina pic.twitter.com/z2CESCwbi3
— Clarence Rodriguez (@ClarenceArabie) 18 novembre 2018
>Rana Ahmad : « Si je rentrais en Arabie Saoudite, je serais tuée tout de suite »
> Arabie saoudite, une femme, militante des droits humains, face à la peine de mort
>L'Arabie saoudite scandalisée par une femme non voilée, vue en minijupe sur Twitter
>L'Arabie saoudite à la Commission des droits des femmes de l'ONU : stupeur et tremblements