Argentine : Estela de Carlotto et son petit-fils disparu enfin réunis

Estela Carlotto, figure historique des Grands-mères de la Place de Mai, irradie de bonheur : après 36 ans de recherches, elle vient de retrouver la trace de son petit-fils Guido, disparu pendant la dictature militaire. 500 bébés d'opposants politiques avaient alors été enlevés à leurs mères.
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Le combat de toute une vie
Estela de Carlotto, Grand-Mère de la Place de Mai à Buenos Aires, qui a perdu sa fille sous la dictature (photo : J.J. Destouches).
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Le combat de toute une vie

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06.08.2014Avec AFP
"Je veux le toucher, regarder son visage" "Je ne voulais pas mourir avant de le serrer dans mes bras. Je vais bientôt pouvoir l'embrasser. Je veux le toucher, regarder son visage", jubile Estela Carlotto, 83 ans. Guido, fils de Laura Carlotto et Oscar Montoya, est aujourd'hui un musicien de 36 ans. Après un premier contact téléphonique mardi 5 août avec sa famille biologique, il a demandé un peu de temps pour réaliser, avant de les rencontrer. "Il est très ému, il a besoin de temps", dit avec tendresse Mme Carlotto au sujet de son 14e petit-fils. D'après le récit d'un compagnon de détention de Laura Carlotto, membre de la guérilla des Montoneros, la jeune femme avait baptisé Guido son fils mis au au monde le 26 juin 1978, alors qu'elle était emprisonnée dans les geôles de la dictature. Laura Carlotto fut finalement torturée et exécutée d'une balle dans la tête. 500 bébés enlevés Les Grands-mères de la Place de Mai estiment que 500 bébés d'opposants politiques, enlevés à leur mère ou nés en captivité, ont été adoptés par des dignitaires du régime militaire, qui a fait 30 000 morts ou disparus, selon les organisations de défense des droits de l'Homme. Plus d'une centaine de ces enfants ont été identifiés et ont pu reprendre contact avec leur famille après avoir été élevés par des parents qu'ils pensaient parfois être leurs véritables géniteurs. L'ancien dictateur argentin Jorge Videla (1976-1981) a été condamné en 2012 à 50 ans de prison pour vols de bébés d'opposants sous la dictature. Il est mort en détention l'année suivante. Présidente des Grands-mères de la Place de Mai, Estela Carlotto est une figure historique de ce mouvement de femmes argentines qui, au plus fort de la répression, manifestaient Place de Mai, devant le palais présidentiel, pour réclamer aux autorités militaires leurs enfants ou petits-enfants disparus. "La chaise vide ne l'est plus" Estela Carlotto a reçu mardi le résultat des tests ADN. "Le résultat est positif. Nous avons trouvé mon neveu. Il s'est présenté spontanément (début juillet), il a fait un test ADN et la coïncidence est de 99,9%", venait de déclarer Kivo Carlotto, oncle de Guido. Emue mais souriante, Estela Carlotto a communiqué sa joie à une pléiade de journalistes au siège de l'organisation des Grands-mères de la Place de Mai, dans le centre de Buenos Aires. Elle était entourée d'une vingtaine de trentenaires, filles ou fils d'opposants exécutés par le régime militaire, puis adoptés le plus souvent par des policiers ou militaires. "Je veux partager ce bonheur avec vous. Je l'ai vu, il est beau, c'est un artiste. Il a cherché, il m'a cherchée, comme nous l'avons cherché", a-t-elle dit d'une voie assurée. Elle a confié qu'elle ignorait la grossesse de sa fille au moment de sa disparition. "J'ai rêvé qu'elle soit libérée. C'était une militante. (...) Aujourd'hui, j'ai mes 14 petits-enfants, la chaise vide ne l'est plus... L'histoire complète, nous ne la savons pas encore, mais cela viendra", a-t-elle ajouté. Des centaines de procès Les gouvernements de Nestor (2003-2007), puis de Cristina Kirchner (2007-2015) ont traduit devant la justice les responsables de l'une des plus sanguinaires dictatures latino-américaines. Des centaines de procès ont eu lieu et les plus hauts dirigeants ont été condamnés. Estela Carlotto a lancé un message d'espoir à celles qui n'ont pas encore retrouvé l'enfant ou le petit-fils qu'elles recherchent depuis plus de 30 ans. "Dans cette maison on ne dort pas. Ne vous découragez pas", a-t-elle assuré, engagée à poursuivre son combat.