Fil d'Ariane
Près de deux mois après le vote des députés argentins en faveur du droit à l'avortement, le Sénat a refusé, ce 9 août 2018, d'entériner ce choix : 38 des 72 sénateurs ont dit "non" au texte prévoyant l'Interruption volontaire de grossesse (IVG) pendant les 14 premières semaines de grossesse, 31 ont voté en faveur et deux se sont abstenus. Un choix à rebours de l'opinion publique, puisqu'un sondage commandé par Amnesty international avant le scrutin indiquait que 60% des Argentins étaient pour la légalisation de l'IVG.
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La campagne de ces dernières semaines aura pourtant changé les choses en profondeur, en Argentine, car partisan.es et adversaires de l'IVG n'ont pas ménagé leurs actions, qui ont culminé dans les dernières heures avant l'ultime débat parlementaire. "Avant, l'avortement était un sujet tabou dans la société argentine. Aujourd'hui, tout le monde en parle. Ces années de mobilisation ont réussi à souder les mouvements féministes et de nombreux acteurs de la société civile," explique Genevière Garrigos. Quoi qu'il arrive, continue cette féministe militante, la mobilisation continuera jusqu'à l'adoption de la loi.
Retour en images sur cette lame de fond qui a soulevé la société argentine :
La question des droits sexuels et reproductifs, dont le droit à l'avortement, la contraception et l'éducation sexuelle, est devenue centrale dans le pays. Le président argentin Mauro Macri veut, lui, donner la priorité à l'éducation sexuelle. Or pour Genevière Garrigos, il faut les trois volets pour que les choses évoluent réellement : "Dans tous les pays où l'avortement n'est pas légalisé, la mise en place de la contraception et de l'éducation sexuelle n'est pas aboutie," constate-t-elle. Une réalité que résume ainsi le slogan des partisan.es de la légalisation de l'IVG :
Education sexuelle pour choisir, contraception pour ne pas avorter, avortement pour ne pas mourir.
Slogan des pro-IVG en Argentine
Le débat sur la légalisation de l'avortement vient fusionner avec tous les mouvements contre les violences sexuelles et physiques à l'égard des femmes, comme le courant #NiUnaMenos qui envahit toute l'Amérique latine depuis plusieurs années.
Soutenus par une majorité de la population, ces mouvmeent révèlent une irrépressible volonté des sociétés d'aller de l'avant. "D'autres questions, comme le viol, viennent aussi se greffer sur le débat. Le gouvernement doit se donner les moyens de suivre", dit Geneviève Garrigos.
Et même si les mouvements conservateurs et religieux, très présents dans toute l'Amérique latine, peuvent faire pression au niveau politique et il sont fait reculer le droit à l'IVG, les sociétés, elles continuent à aller de l'avant et les débats à progresser.
Aujourd'hui, en Amérique latine, seuls Cuba, l'Uruguay, le Guyana et la ville de Mexico permettent aux femmes d'avorter dans tous les cas de figure. Sur les 7 pays qui l'interdisent en toutes circonstances dans le monde, même si la vie de la femme est en danger, six sont en Amérique latine. Autant de pays qui ont reculé pendant les années 1990 et qui, avant, autorisaient l'IVG. Au Salvador, par exemple, une femme qui fait une fausse-couche encourt 50 ans de prison.