En Argentine, Baby Etchecopar, animateur-star d'une radio, vient d'être condamné pour ses propos anti-féministes, violents et sexistes. Ce spécialiste du dérapage misogyne devra offrir dix minutes d'antennes à des féministes pendant cinq mois. Une première dans un pays où la violence machiste tue une femme toutes les trente heures.
Baby Etchecopar anime une émission curieusement nommée "
El Angel del Mediodia" (L’Ange de midi) sur Radio 10, du lundi au vendredi de 10h à 14h.
Curieusement, car il n'y a ni ange ni poésie à l'antenne.
L'animateur, idole des chauffeurs de taxi, doit avant tout sa renommée à ses attaques verbales contre les féministes, qu'elles soient issues de classes dirigeantes ou populaires.
Un festival. Elles sont souvent traitées souvent de "
féminazis" et il n'hésite pas à leur raccrocher au nez avec des noms d'oiseaux.
Parfois, vous devez utiliser la bestialité pour ne pas utiliser d’armes
Baby Etchecopar
Trop, c'est trop.
Il vient d'être inculpé pour discrimination et violence de genre.
Et sa sanction est inédite dans le pays. Et au delà.
Le voici désormais contraint d'offrir une partie de son programme à des spécialistes féministes pour, dixit la décision de justice, "
approfondir les approches inhérentes à la violence et à la discrimination à l’égard des femmes."
Ce temps d'antenne vise "
en particulier les
attitudes et les stéréotypes patriarcaux, les inégalités dans la famille, le non-respect ou le déni des droits - les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des femmes -, promouvoir l'autonomisation, la capacité d'action et d'opinion des femmes" mais également
" à fournir des informations sur les ressources juridiques disponibles contre la violence ; promouvoir un langage inclusif et non sexiste ; encourager la dénonciation de ce type de violence et l'intervention des citoyens". Tout un programme.
Du vraiment neuf, bientôt, sur l'antenne de Radio 10 !
Et pas question pour Baby Etchecopar de faire le malin.
La justice a tout prévu.
L'animateur ne pourra ni interrompre ni attaquer les expert.es pendant, avant ou après leur participation, et le temps de parole ne pourra pas être remplacé par de la publicité.
C’est une idée non punitive, mais qui vise à améliorer la tolérance
Federico Villalba Diaz, procureure à Buenos Aires
Baby Etchecopar devra également donner 15.000 pesos (350 euros) à l'association catholique de charité Caritas et s’excuser pour ses agressions verbales.
Enfin, sans doute pour éviter à l'animateur un probable embarras à l'heure du choix de ses invité.es, la juge Susana Parada a déjà suggéré une liste d'expertes : la sociologue Dora Barrancos, l'avocate Gabriela Carpinetti et la ministre de la Cour supérieure de justice, Alicia Ruiz.
Du beau linge.
Leur présence à l'antenne est prévue au mois de mars 2018.
Une femme tuée toutes les trente heures en Argentine
Cependant, en Argentine, les réseaux sociaux ne font pas l'unanimité sur cette mesure inédite.
Il en va, pour certains, de la liberté d'opinion et celle-ci, selon eux, ne peut relever d'une sanction pénale.
Osvaldo Pérez Sanmartino, un célèbre constitutionnaliste à Buenos Aires, a
ainsi publié un texte du philosophe libéral John Stuart Mill sur "le mal qui est commis en empêchant l'expression d'une opinion" et qui, ce faisant, commet donc "un vol qualifié contre l'humanité".
Mais il y a les faits.
La question de la violence envers les femmes en Argentine (et dans toute l'Amérique Latine) est un drame au quotidien.
Le pays garde en mémoire la tragédie de Chiara Páez, une jeune Argentine de 14 ans, enceinte, et qui fut assassinée par son partenaire. Il l'enterra dans le jardin de ses grands-parents.
L'atrocité du crime fut un révélateur et la société argentine prit alors conscience de la tragédie que vivaient les femmes.
Citons aussi cette autre affaire, celle de Lucia Pérez, qui, le 8 octobre 2016, dans une station balnéaire à 400 kilomètres au sud de Buenos Aires est retrouvée morte de ses blessures après avoir été violée puis empalée par ses agresseurs.
Du raz-le-bol de cette ultra violence rarement sanctionnée, naquit le mouvement #NiUnaMenos (" Pas une de moins ").
En Argentine, la violence machiste tue une femme toutes les trente heures.
C’est bien pour moi de changer d’avis
Baby Etchecopar
En attendant la première émission prévue dans trois mois, l'animateur Baby Etchecopar fait profil bas.
Cette affaire semble l'inciter à la réflexion ( ce qui, vu son passé, peut être déjà considéré comme une victoire).
Il a ainsi déclaré après l'énoncé de la sanction : "Nous ne sommes pas infaillibles. Les hommes des médias n'ont pas toujours raison. Parce que nous avons un micro, nous pensons qu'avec lui, nous avons raison. Nous sommes tellement fiers de croire que nous sommes des enfants de Dieu. Parfois, vous devez utiliser la bestialité pour ne pas utiliser d’armes, de couteaux ni de revolver. Cela me semble bien que des femmes viennent pendant dix minutes pour défendre la femme. C’est bien pour moi de changer d’avis ".
Beaucoup de femmes espèrent qu'il ne sera pas le seul.