Asia Bibi : l'appel des associations françaises pour empêcher sa condamnation à mort
Asia Bibi, jeune chrétienne pakistanaise emprisonnée depuis 2010 pour blasphème a vu sa sentence confirmée, le 16 octobre, par les juges de la Haute Cour de Lahore : elle reste condamnée à mort. Une décision encore suspendue à un appel ultime ou une grâce et qu’ont dénoncée plusieurs associations françaises. Le 29 octobre 2014 sur le parvis des droits de l’homme au Trocadéro à Paris, une quarantaine de personnes manifestaient, en espérant changer son destin.
Manifestation sur le parvis des Droits de l'Homme au Trocadéro à Paris le 29 octobre 2014, pour la libération de la Pakistanaise Asia Bibi. /TV5Monde
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Un suivi de l'affaire depuis 2011 en France
C’est un simple verre d’eau apporté à des femmes musulmanes de son village, qui va faire basculer la vie d’Asia Bibi en 2009. Celles-ci, jugeant l’eau impure car la chrétienne y avait bu avant elles, vont se plaindre de la jeune femme à un imam, et de ses propos sur le prophète. Asia Bibi est alors accusée de blasphème et mise en prison en 2010.
Hier à Paris, les manifestants contre la peine capitale dont elle pourrait bientôt être victime, avaient donc leur verre d’eau à la main, en soutien à la jeune femme qui s'est toujours déclarée innocente. "L'idée que l'on puisse condamner à mort une femme pour des raisons d'eau et ce qu'ils disent être un blasphème, c'est absolument insupportable", s'est indignée la philosophe et féministe Elisabeth Badinter, présente sur place. Elle espère une intervention prochaine du président François Hollande : « ça aiderait la cause que nous défendons ».
Déjà en 2011 la France avait manifesté son soutien à la famille d’Asia Bibi. Le mari et une de leur fille avaient été accueillis à Paris, notamment au Quai d’Orsay. Récemment, le ministère des Affaires étrangères a aussi renouvelé « sa profonde préoccupation quant au sort d’Asia Bibi », soulignant que la France considérait le délit de blasphème comme « portant atteinte à la liberté de religion ou de conviction ». « Le Pakistan a des relations commerciales importantes avec la France et l’Europe, cela peut jouer », estime Fazal-ur Rehman Afridi, président d’un institut de recherche pakistanais.
Pancarte et “verres d'eau“ en soutien à la jeune femme. /TV5Monde
Malala Yousafzai, attendue pour lancer un appel
Les associations féministes mobilisées ont quant à elle préparé une pétition, qui déjà recueilli environ 2000 signatures. Elles espèrent en avoir au moins 50 000 pour que leur mobilisation ait un réel impact. « Notre objectif est d’attirer l’attention du président pakistanais pour qu’il revienne sur sa décision et qu’il libère Asia Bibi », a commenté la présidente de l’association Ni putes ni soumises, Asma Guénifi. Asif Ali Zardari, le président pakistanais avait d’abord annoncé qu’il pourrait la gracier au début de l’affaire. Mais, s’attirant les foudres des musulmans radicaux, il avait finalement préféré attendre la décision de la Haute Cour de Lahore.
Pour Asma Guénifi, cette manifestation est aussi l’occasion « d’alerter sur la condition des femmes au Pakistan où se déroule encore beaucoup de drames comme celui de Malala ». L’histoire de la jeune détentrice du prix Nobel de la Paix fait en effet écho à celui de la chrétienne, et certains espèrent même qu’elle interviendra pour la faire libérer. « Il faut raconter ces histoires pour montrer les injustices », souligne Lise Haddad, présidente du Mouvement pour la Paix et contre le Terrorisme. Mais aussi pour « faire évoluer la loi sur le délit de blasphème, car il y en aura encore d’autres dans son cas », ajoute Fazal-ur Rehman Afridi, dans un pays ou les tensions entre les chrétiens minoritaires et les musulmans sont toujours fortes.
Asia Bibi, soutenue par les chrétiens et le Vatican
En 2011, le livre « Blasphème », racontant le calvaire d’Asia Bibi était paru, co-écrit par la journaliste Anne-Isabelle Tolet. Cette dernière, considère aujourd’hui que manifester pour la libération d’Asia Bibi en tant que chrétien n’est pas la bonne stratégie à adopter, car cela pourrait envenimer la situation. Elle était contre l’intervention du pape Benoît XVI. « La communauté internationale (…) doit leur faire prendre conscience qu’ils commettent une injustice. Pas en leur disant ‘vous êtes des méchants islamistes et vous opprimez les chrétiens’, mais plutôt : ‘vous avez salué le prix Nobel de Malala, donc libérez cette pauvre paysanne’ », a déclaré la journaliste à Radio Notre Dame.
Aujourd’hui, Asia Bibi serait détenue dans une toute petite prison et des conditions très difficiles selon les récits des ONG. Les avocats de la jeune femme veulent désormais saisir la Cour Suprême du Pakistan. Ils ont trente jours pour préparer leur dossier. Si sa peine était maintenue, Asia Bibi serait la seconde personne exécutée pour délit de blasphème au Pakistan depuis 2008 (à l'exception d'un soldat condamné en cour martiale).
Loi sur le blasphème au Pakistan : Edictée sous la dictature en 1986, elle condamne « ceux qui, par des paroles ou des écrits, des gestes ou des représentations visibles, avec des insinuations directes ou indirectes, insultent le nom sacré du Prophète. » Cette loi est très controversée au Pakistan, car elle serait souvent utilisée à des fins de vengeances personnelles.
Affiche de campagne pour la grâce d'Asia Bibi, le 29 octobre à Paris - TV5MONDE
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