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Ce jeudi 27 septembre à Camp Sarah, un quartier du centre de Bagdad, Tara Farès se trouve au volant de sa Porsche blanche décapotable aux fauteuils rouges. Deux motocyclistes ralentissent à sa hauteur, et soudain retentissent les coups de feu - "trois tirs mortels".
Tara s'écroule. Transférée à l'hôpital, elle ne survivra pas à ses blessures, dont deux à la tête. L'ex première dauphine de la « Reine de beauté de Bagdad » élue en 2014 - et non pas Miss Irak comme cela a souvent été écrit - n'avait que 22 ans. Icône des femmes libres en Irak, elle vient d'être assassinée en pleine rue à Bagdad. Star des réseaux sociaux, elle menait ostensiblement un style de vie qui détonait en Irak. Pour l’heure, aucune revendication. Mais pour les internautes, qui trouvent sur Instagram, Twitter et consorts un espace de liberté salutaire dans un pays très conservateur, Tara a été punie pour son mode de vie.
Né d'un père kurde irakien et d'une mère chrétienne libanaise, Tara vivait à Erbil, mais elle séjournait aussi régulièrement en Turquie et travaillait dernièrement aux Emirats. Elle avait vécu en Europe, où elle avait adopté tous les codes des jeunes occidentales.
Souvent en voyage, la blogueuse, qui se signalait rarement à Bagdad, sa ville natale, postait régulièrement pour ses 2,7 millions d'abonnés sur Instagram des photos d'elle en blonde, rousse ou brune. Au restaurant, dans les magasins ou ailleurs, elle se mettait en scène dans des tenues et des poses sages ou plus glamour, voire osées. Ces clichés, qui récoltaient des dizaines de milliers de "likes", révélaient ses tatouages, manucures et tenues exubérantes. Ils faisaient débat au sein de la société irakienne.
"Ce jeudi, c'était Tara (...) Jeudi prochain, qui est-ce que ce sera ? Où va l'Irak ?" s'inquiétait un internaute. Ahmad al-Basheer, satiriste exilé en Jordanie dont l'émission qui tourne en dérision la politique irakienne est très suivie et lui a valu des menaces de mort, appelait, lui, à la vigilance. "Celui qui trouve une excuse à ceux qui tuent une fille uniquement parce qu'elle a décidé de vivre comme la plupart des filles de la planète est complice de son meurtre", écrivait-il.
L'assassinat de Tara Fares a ému bien au delà de l'Irak. Les réseaux sociaux ont bruissé d'hommages avec les mots dièses #TaraFares ou #TaraFaris... A commencer par l'ancienne Miss France (2001) Elodie Gossuin-Lacherie
Je suis une femme. Je suis Tara Fares. #TaraFares ✊
— Elodie Gossuin News ♡ (@EloGossuinNews) 28 septembre 2018
Les Islamistes viennent d'assassiner #TaraFares, miss #Irak et surtout femme libre
— Kerima (@kkerima) 28 septembre 2018
Tu es tombée ma soeur, nous continuerons le combat et nous espérons un jour voir nos sœurs du moyen orient libres pic.twitter.com/9bkmm9n0Ux
Ils ont détesté sa beauté et sa liberté, ils se sont opposés à son aspect vestimentaire tout le temps,le modèle irakien Tara Fares a été assassinée hier à Bagdad.
— Waleed Al-husseini (@W_Alhusseini) 28 septembre 2018
En ce mois, plus de 3 femmes ont été tuées
Cette société totalitaire ne connait que la culture de la mort.#TaraFaris pic.twitter.com/6KOkY4BASW
Irak / Tara Fares assassinée
— jean rossignol (@jeanrossignol) 28 septembre 2018
"Un des derniers posts de Tara Fares «je ne suis pas effrayée par ceux qui rejettent l'existence de Dieu. Ce qui me fait vraiment peur, ce sont ceux qui tuent et massacrent en toute foi pour prouver l'existence de Dieu. #TaraFares"
+ de 1 100 vues : pic.twitter.com/t6VB9qpuTu
Tara Farès avait le malheur d'être trop jolie, trop indépendante et trop libre
— Eric Anceau (@Eric_Anceau) 28 septembre 2018
Les intégristes et les obscurantistes ne le supportaient pas et l'ont assassinée hier
La meilleure des réponses à notre échelle est de diffuser massivement son image#MissIrak #TaraFares #TaraFaris pic.twitter.com/tBkOKQ1lPt
Son seul crime, c'était d'avoir choisi la vie, au mauvais endroit.Un internaute sur Twitter
L'assassinat de Tara Farès s'inscrit dans une vague de mystérieux décès de célébrités du monde de la mode et de la beauté à Bagdad. Deux célébrités ont disparu dans d'étranges circonstances en août dernier. La première, Rafeef al-Yaseri, symbolisait à la fois la réussite et le culte de l’apparence puisqu’elle était chirurgien plasticien et organisait des programmes nationaux spécialisés dans les affaires médicales dédiées aux femmes. Elle a été tuée à son domicile mi-août. Une semaine plus tard, c’est Rasha al-Hassan, propriétaire et directrice d'un grand centre de soins esthétiques à Bagdad, qui était retrouvée morte chez elle.
L’ancienne Miss #Irak, #TaraFares, abattue de 3 balles en plein centre de Bagdad, un crime odieux qui fait suite aux assassinats de #RafeefAlYaseri, #RashaAlHassan et #SouadAlAli, des femmes dont le seul tort fut d’être libres, indépendantes & courageuses.
— Fabrice Metogo (@NonRacisme) September 29, 2018
Mercredi soir, la mission de l'ONU en Irak (Unami) s'était déjà alarmée de la mort - également par balles - d'une autre femme, la militante des droits humains Souad al-Ali, à Bassora à la pointe sud du pays. Selon la police, cette Irakienne de 46 ans a été assassinée par son ex-mari pour un différend familial. L'Unami a toutefois rappelé "condamner tout acte de violence, en particulier contre les femmes, dont le meurtre, les menaces et l'intimidation, comme des actes totalement inacceptables".
A 4000 kms de là, au Kirghizistan, Zere Asylbek, jeune chanteuse de 19 ans adepte et star des réseaux sociaux elle aussi, fait face aux menaces de mort et à la haine depuis la mise en ligne de son dernier clip le 18 septembre 2018. Et doit désormais vivre cachée pour ne pas subir le même sort que Tara Farès.
A retrouver sur ce sujet dans Terriennes :
> Au Kirghizistan, le clip féministe de Zere Asylbek en soutien-gorge violet déclenche une colère noire