"J’écris comme tant d’autres femmes écrivains algériennes avec un sentiment d’urgence contre la régression, la misogynie"
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Assia Djebar sera l’une des premières filles de son clan (amazigh) à obtenir son certificat d’études. Baudelaire, Gide, Rimbaud, Claudel, Giraudoux... Interne au collège, puis au lycée de Blida, sur les contreforts de l'Atlas, où elle est la seule musulmane à étudier le grec et le latin, elle découvre l'univers de la littérature et se met à consommer avec boulimie les fruits, pour une fille, parfois défendus. Elle commence à enseigner à Alger, puis part pour la France. Première musulmane admise à l'Ecole normale supérieure de Paris, en 1955, elle enseignera la littérature française aux Etats-Unis dès les années 1990.
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Toute sa vie, le regard du père... A l'âge de 5 ans, la fillette parvient à faire quelques mètres à vélo dans la rue, quand elle est stoppée net par son regard : "Je ne veux pas que ma fille montre ses jambes en montant à bicyclette !" A jamais blessée, elle se souvient encore un demi-siècle plus tard de "La seule blessure que m'infligea jamais mon père." Elle se souvient aussi de ses premiers rendez-vous amoureux, avec un Algérien qui s'adressait à elle en français pour la faire passer pour une étrangère : un mot d'arabe dans la bouche de cette jeune fille à l'allure si libre lui vaudrait des gestes d'hostilité. Auteure, elle se fera appeler Assia Djebar, de peur que son père identifie sa fille aux héroïnes émancipées et scandaleuses de ses romans. Dans les années 1960, elle disait : "J’écris, comme tant d’autres femmes écrivains algériennes avec un sentiment d’urgence, contre la régression et la misogynie."
Auteure, mais aussi cinéaste, Assia Djebar, a signé d'une quinzaine de romans, pièces de théâtre et scénarios traduits en 23 langues. Son roman La Soif, paru en 1957, mais commencé dès 1955, alors qu'elle n'avait que 19 ans, est suivi de "Les Impatients", un an plus tard. C'est en 1980, avec son célèbre recueil de nouvelles Femmes d’Alger dans leur appartement, puis L’Amour, en 1985, premier opus du Quator d'Alger, qu’Assia Djebar s'attaque vraiment à la problématique de la condition féminine dans le monde arabe. A travers sa mémoire personnelle et historique, elle en dépeint les contraintes et les déchirements. Citée plusieurs fois pour le prix Nobel de littérature, elle a reçu de nombreuses autres distinctions : le prix Liberatur de Francfort (1989) ; le prix Maurice Maeterlinck (1995), à Bruxelles ; l'International Literary Neustadt Prize (1996), aux États-Unis, ou encore le le prix international Marguerite Yourcenar, en 1997.
