20 ans après la conférence de Pékin qui avait marqué un tournant dans la lutte contre les inégalités entre les sexes, l’Institut national d’études démographiques dresse un bilan des avancées sous la forme d’un Atlas mondial des femmes aux éditions Autrement. Un travail pédagogique qui offre de précieuses analyses chiffrées et cartographiées.
Les auteurs de l'Atlas mondial sur les femmes constatent que les inégalités entre les sexes tendent à se réduire, notamment dans l’éducation, la procréation, l’accès à certaines professions et les droits civiques. Aujourd'hui, il ne reste qu'un seul pays au monde qui n'accorde pas le droit de vote aux femmes : l'Arabie Saoudite. Aujourd'hui, sur les cinq continents, quasiment autant de fillettes que de garçons fréquentent l'école primaire. Sur le plan du droit international, bien que ce soit relativement récent, la cause des femmes s'est fortement structurée et consolidée. Une charte établissant des principes généraux d’égalité entre les sexes a été adoptée en 1945 par les Nations Unies. Depuis, plusieurs conférences internationales ont permis de préciser les objectifs. Le 18 décembre 1979, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Et la quatrième conférence mondiale de Pékin, en 1995 (dont les Nations unies préparent le vingtième anniversaire), s’est conclue sur une déclaration et un programme d’action pour l’autonomisation sociale, économique et politique des femmes.
Nuances et paradoxes Mais à ce bilan global relativement positif, les chercheurs apportent de nombreuses nuances et évoquent une « émancipation paradoxale des femmes ». « Les réductions, quand elles sont constatées, s’avèrent très inabouties avec de fortes disparités régionales », précise le sociologue Wilfried Rault, un des trois coordinateurs de l’ouvrage. Pire, quand les réduction s’amenuisent sur un plan, l’écart se creuse sur un autre. « Les inégalités se déplacent », résume le chercheur. Et peuvent aussi reculer (voir video). Par exemple si la scolarisation des filles a fait des bons au niveau du primaire, elle stagne au niveau du secondaire sur une large partie de la planète (Moyen Orient, Afrique subsaharienne et Asie du Sud-Est). Conclusion : « l’enjeu est moins celui de la scolarisation qu’il faut faire progresser mais celui des verrous qu’il faut faire sauter pour permettre aux filles de continuer leur scolarité », analyse Wilfried Rault. A savoir : le coût de l’inscription et les frais scolaires, le rôle pré-destiné des filles (s’occuper du foyer), la peur des agressions sexuelles à l’égard des filles qui sont sur le point de devenir femmes. Les phénomènes migratoires peuvent aussi être trompeurs. Depuis le début des années 90, les femmes, à l'instar des hommes, migrent de manière de plus en plus massive. On pourrait y voir « un signe d’autonomisation des femmes », écrit Stéphanie Condon. Mais « migrations et émancipation ne vont pas toujours de pair », alerte la socio-démographe. Beaucoup de migrantes deviennent des employées domestiques et se retrouvent dans une situation d’isolement et de grande vulnérabilité voire objets de violences et d’agressions sexuelles. D’autres encore migrent dans le cadre d’un mariage arrangé par agence matrimoniale ou par réseaux amicaux pour combler des hommes qui n’arrivent pas à trouver d’épouse dans leur pays comme en Chine où les hommes sont plus nombreux que les femmes en raison des avortements sélectifs qui se pratiquant contre les foetus féminins.
Des menaces et des régressions
Culture et sports, les inégalités existent aussi Cet Atlas mondial des femmes ne sert pas seulement à dégager des tendances générales tant dans la sphère publique que privée. Il explore aussi des secteurs plus inhabituels où la question de genre n’a été que récemment posée. Quid des inégalités dans le sport, la culture ou encore dans le cinéma français où « 25% des films sortis en 2012 ont été réalisés par les femmes mais où les femmes peinent beaucoup plus à trouver des financements et à obtenir la reconnaissance de leurs pairs par le biais des festivals », signale Brigitte Rollet.
Vies sexuelles et divergences Au coeur du féminisme des années 70, la sexualité n’est pas oubliée par les chercheurs et est même analysée tout au long de la vie des femmes : avant le couple, pendant le mariage, après 50 ans... Globalement, « les femmes sont de plus en plus nombreuses à connaitre leurs premières expériences sexuelles alors qu'elles ne sont ni mariées ni en couple », observe Michel Bozon. Mais cela se traduit par des organisations hétérogènes de la sexualité juvénile. En Afrique subsaharienne et en Inde, l'âge du mariage ayant été légèrement reporté dans les décennies récentes, les filles ont accès plus tardivement à la sexualité mais toujours de manière plus précoce que les garçons. Ici les stratégies parentales visent traditionnellement à faire coïncider dès la puberté vie sexuelle, reproductive et sexuelle. A l'inverse, dans les cultures méditerranéenne et arabe, les filles ont tendance à accéder à une vie sexuelle plus tardivement que les garçons en raison de la virginité féminine qu'il faut savoir conserver jusqu'au mariage sans que cela coïncide nécessairement avec la puberté. Pour les femmes plus âgées, la vie sexuelle est aussi en mutation. Elle tend à s’allonger bien au-delà la ménopause. En France, des études le démontrent : « 7 rapports par mois en 2006 pour les femmes de 50 à 69 ans vivant en couple contre seulement 5 en 1992 », rapporte Michel Bozon. « Mais après 60 ans, souligne le chercheur, les hommes sont plus nombreux que les femmes à manifester un intérêt pour la sexualité. » Alors oui… la route vers l’égalité est encore longue !
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L'Atlas mondial des femmes, éditions Autrement en partenariat avec l'Institut national d'études démographiques.