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Voici une idée conviviale et éducative pour passer du temps en famille : des cartes à jouer à l'effigie de femmes uniquement. Des personnalités féminines d'exception, certaines déjà inscrites dans nos mémoires, d'autres à découvrir. Au recto, l'image, au verso, la biographie. L'occasion, le temps d'une partie de cartes, de (re)faire connaissance avec les grandes femmes qui ont marqué l'histoire.
"Tant que les lapins n'auront pas d'historiens, l'histoire sera racontée par les chasseurs" - Kevin Haddock aime à citer l'historien américain Howard Zinn, qui éclaire la genèse de son projet. Cofondateur d'Editions LIBRE, éditeur indépendant et engagé, Kevin Haddock est l'instigateur de ces jeux dont les cartes sont toutes à l'effigie de personnalités féminines : "C'est un choix politique que de mettre en avant telle ou telle personne, dans les manuels scolaire d'histoire par exemple, où quelqu'un comme Théroine de Méricourt, qui a pris une part active à la révolution française, passe à l'as. Faire vivre une histoire populaire, pas seulement l'histoire officielle, c'était notre parti pris," explique-t-il.
Résultat : deux jeux sans valet ni roi, mais pleins de modèles féminins à suivre. Deux jeux de 54 cartes à utiliser de la même façon, ou presque, qu'un jeu classique. De fait, le verso de ces cartes-là n'est pas banalisé : il porte la biographie de celle qui est représentée au verso. Parfait pour jouer à la bataille, par exemple, mais au poker ou à la belote, un peu d'expérience, de mémoire ou de connaissances pourraient inciter à la tricherie - un joueur affranchi peut identifier la carte que tient son adversaire en déchiffrant ce qui est inscrit au verso.
Lorsqu'il découvre, en anglais, un jeu de cartes similaire qui présente des figures afroaméricaines de l'histoire des Etats-Unis, les Black history flash cards, Kevin Haddock publie déjà des ouvrages engagés, notamment dans le féminisme, l'écologie et le néocolonialisme. Avec la Brigade Anti Négrophobie, Editions LIBRE se lance dans l'élaboration d'un premier jeu de carte illustrant l'histoire noire, en respectant strictement la parité hommes/femmes.
L'ultime sélection des personnages des jeux "Femmes de France" et "Femmes révolutionnaires", toutefois, a incombé à deux femmes. Sur la base des propositions de Kevin Haddock, elles ont fait 90 % des choix, tout en complétant la liste de l'éditeur. L'éditeur tenait à une vision critique sur le règne de la science et de la technologie : "Nous avons ainsi privilégié une Lucie Baud, par exemple, qui a organisé les premières grèves en France, plutôt que l'astronaute Claudie Haigneré," explique-t-il.
La matière ne manquait pas pour Jeanne Delétoille, qui travaillait alors sous l'égide de Lysiane Mangin, éditrice des Editions LIBRE : "La difficulté, c'était la recherche d'harmonie et d'équité entre les continents et les époques. Respecter un pourcentage par siècle qui soit plus élevé pour les plus récents et moindre pour les temps anciens," se souvient-elle.
Je me suis rendu compte que j'en savais très peu. Je ne savais pas que des femmes s'étaient illustrées aussi tôt dans l'histoire de l'humanité.
Jeanne Delétoille, rédactrice des biographies figurant au verso des cartes
Jeanne Delétoille s'est ensuite attelée à la rédaction de toutes les biographies en 385 caractères, pas un de plus : "Pour une femme comme Frida Kahlo, par exemple, c'est très peu. Dans ces cas-là, je privilégiais l'essence révolutionnaire ou le côté novateur." Pour d'autres personnalités, pour les plus anciennes, par exemple, ou celles qui sont issues de cultures orales, c'était, au contraire, le manque d'information qu'il lui fallait combler : "Commencer par Wikipédia, puis dépouiller les textes qui pourraient avoir trait à leur action, puis recouper les informations. C'était le cas pour les soeurs Trung, par exemple, deux Vietnamiennes du Ier siècle qui ont lutté à dos d'éléphant contre l'armée chinoise qu'elles ont repoussée à plusieurs reprises."
En rédigeant ces fiches, Jeanne Delétoille a mesuré les lacunes qui existent dans notre culture : "Je me suis rendu compte que j'en connaissais très peu. Et pourtant, je suis déjà sensibilisée au sujet. Je ne savais pas que des femmes s'étaient illustrées aussi tôt dans l'histoire de l'humanité." De fait, si 20 % des femmes présentées dans ces "cartes éclair" sont des personnalités connues, les autres le sont beaucoup moins, voire pas du tout - ou pas encore.
Le coup de coeur des créateurs de ces jeux ? Jeanne Delétoille a un faible pour l'écoféministe Rigoberta Menchu, du jeu "révolutionnaires du monde" - une paysanne guatémaltèque devenue prix Nobel de la paix pour son engagement pour les droits des peuples autochtones. Kevin Haddock, lui, reste fan de Jeanne de Belleville, du jeu "révolutionnaire de France", l'une des première pirates françaises, surnommée "la terreurs des mers" et jamais capturée.
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