Vêtue de son costume typique et coloré fait main, Nirupa Dewan a le sourire en cette matinée de printemps. Pourtant, la situation qu’elle dénonce n’a rien de réjouissant. Cette représentante de la ligue des Droits de l’Homme du Bangladesh a décidé de franchir les frontières de son pays natal pour faire connaître les atrocités dont les femmes de sa communauté sont victimes.
A l’Est de ce pays, tristement connu pour ses usines textiles, habitent les Jumma (1 à 2 millions d’habitants). Une constellation de onze groupes ethniques originaires des collines des "Chittagong Hill tracts" (au sud est du pays) parlant leur propre langue et pratiquant le bouddhisme, parfois l’hindouisme et même le christianisme. Et qui représentent à peine plus d'1% de la population de ce pays enclavé dans l'Inde et peuplé principalement de Bengalis qui parlent le bengali et sont de confusion musulmane.
Pour les autorités, le territoire Jumma était composé de terres vierges n’attendant qu’à être domptées. Peu à peu les Bengalis s’y installent mais ce peuple autochtone ne se résigne pas à perdre ses racines. En 1978, le gouvernement envoie l’armée pour mater l’insurrection. La guerre éclate. En 1997 un accord de paix met fin à cette guerre mais pas au conflit. Cet accord n’est que partiellement appliqué : les Bengalis continuent à s’y installer. (voir encadré ci-dessous)
A l’Est de ce pays, tristement connu pour ses usines textiles, habitent les Jumma (1 à 2 millions d’habitants). Une constellation de onze groupes ethniques originaires des collines des "Chittagong Hill tracts" (au sud est du pays) parlant leur propre langue et pratiquant le bouddhisme, parfois l’hindouisme et même le christianisme. Et qui représentent à peine plus d'1% de la population de ce pays enclavé dans l'Inde et peuplé principalement de Bengalis qui parlent le bengali et sont de confusion musulmane.
Pour les autorités, le territoire Jumma était composé de terres vierges n’attendant qu’à être domptées. Peu à peu les Bengalis s’y installent mais ce peuple autochtone ne se résigne pas à perdre ses racines. En 1978, le gouvernement envoie l’armée pour mater l’insurrection. La guerre éclate. En 1997 un accord de paix met fin à cette guerre mais pas au conflit. Cet accord n’est que partiellement appliqué : les Bengalis continuent à s’y installer. (voir encadré ci-dessous)

Les femmes, premières victimes de la violence
Dans ce contexte délétère, les premières victimes sont les femmes harcelées, violées et tuées par l’armée ou les Bengalis. Si les exemples se comptent par dizaines, le cas de Sabita Chakma est emblématique. La jeune femme de 30 ans était partie chercher du fourrage près de la rivière. C’est son mari qui l’a retrouvée morte et dévêtue dans un champ. Il a porté plainte, il a reçu de menaces. Ainsi va la vie dans ces collines où aller chercher de l’eau à la rivière ou se rendre à l’école est mortifère.
C’est ce que déplore Nirupa Dewan, qui depuis 2010, se bat sans relâche contre ces crimes et milite pour la réconciliation. « Je travaille pour mon peuple », affirme-t-elle, petites lunettes accrochées au nez. Ce qu’elle exige c’est l’arrêt de la violence, la reconnaissance de son peuple dans la Constitution et la restitution des terres attribuées arbitrairement. Les conquérants de la population allochtone se présente avec des titres de propriété achetés ou donnés par les autorités et s’installent en bafouant les droits de ceux qui y étaient à l’origine. La plupart des habitants autochtones ne disposent d'aucun papier pour prouver qu’ils sont effectivement chez eux.
Pour cette femme volontaire de 62 ans « la priorité est de régler le problème des terres, à l’origine du conflit ». Elle sait qu’elle s’attaque à une montagne. En attendant, les femmes ne comptent pas rester les bras croisés. Soutenues par diverses ONG et par la Ligue des Droits de l’homme dont Nirupa Dewan fait partie, elles s’organisent en réseaux pour protester à l’unisson. Une révolution. Car, depuis le début de la guerre il y a une cinquantaine d’années, le silence fait loi.
Dans ce contexte délétère, les premières victimes sont les femmes harcelées, violées et tuées par l’armée ou les Bengalis. Si les exemples se comptent par dizaines, le cas de Sabita Chakma est emblématique. La jeune femme de 30 ans était partie chercher du fourrage près de la rivière. C’est son mari qui l’a retrouvée morte et dévêtue dans un champ. Il a porté plainte, il a reçu de menaces. Ainsi va la vie dans ces collines où aller chercher de l’eau à la rivière ou se rendre à l’école est mortifère.
C’est ce que déplore Nirupa Dewan, qui depuis 2010, se bat sans relâche contre ces crimes et milite pour la réconciliation. « Je travaille pour mon peuple », affirme-t-elle, petites lunettes accrochées au nez. Ce qu’elle exige c’est l’arrêt de la violence, la reconnaissance de son peuple dans la Constitution et la restitution des terres attribuées arbitrairement. Les conquérants de la population allochtone se présente avec des titres de propriété achetés ou donnés par les autorités et s’installent en bafouant les droits de ceux qui y étaient à l’origine. La plupart des habitants autochtones ne disposent d'aucun papier pour prouver qu’ils sont effectivement chez eux.
Pour cette femme volontaire de 62 ans « la priorité est de régler le problème des terres, à l’origine du conflit ». Elle sait qu’elle s’attaque à une montagne. En attendant, les femmes ne comptent pas rester les bras croisés. Soutenues par diverses ONG et par la Ligue des Droits de l’homme dont Nirupa Dewan fait partie, elles s’organisent en réseaux pour protester à l’unisson. Une révolution. Car, depuis le début de la guerre il y a une cinquantaine d’années, le silence fait loi.

La loi du silence
« Le viol est une souillure. On ne peut pas dire haut et fort qu’on a été violée puisque cela empêche les femmes de se marier », explique une femme jumma réfugiée en France et préférant garder l’anonymat. « Ce n’est que récemment que certaines statistiques font état des agressions et des viols mais elles n’ont rien de fiable car tout le monde se tait », ajoute-telle. A titre d’exemple le rapport de 2013 de la fondation Kapaeeng signale 11 viols en 2013, soit le double qu’en 2007. « Invraisemblable », pour cette jeune femme arrivée il y a plus d’une décennie dans l’Hexagone pour fuir la violence. « Il y en a sans doute bien plus », soupire-t-elle.
« Le viol est une arme de guerre, résume Nirupa Dewan avec son phrasé paisible. Souiller les femmes c’est compromettre la survie de la population. Alors, c’est très dur d’en parler. » D’autant que les responsables jouissent d’une totale impunité. Même ceux qui ont envie de protester baissent les bras. Ils savent que jusqu’à présent aucune condamnation n’a abouti. Les accusés peuvent cependant être arrêtés et passer quelques jours derrière les barreaux, mais des expertises médicales biaisées viendront les disculper.
Briser le silence est donc la première étape d’un long chemin à parcourir. « Les hommes sont prêts à cheminer avec nous ! Comment pourraient-ils ignorer la souffrance de la moitié de leur population ? », se réjouit cette femme engagée qui s’active dans tout le territoire pour qu’aucun crime n’échappe aux nombreux rapports qu’elle doit rédiger.
« Le viol est une souillure. On ne peut pas dire haut et fort qu’on a été violée puisque cela empêche les femmes de se marier », explique une femme jumma réfugiée en France et préférant garder l’anonymat. « Ce n’est que récemment que certaines statistiques font état des agressions et des viols mais elles n’ont rien de fiable car tout le monde se tait », ajoute-telle. A titre d’exemple le rapport de 2013 de la fondation Kapaeeng signale 11 viols en 2013, soit le double qu’en 2007. « Invraisemblable », pour cette jeune femme arrivée il y a plus d’une décennie dans l’Hexagone pour fuir la violence. « Il y en a sans doute bien plus », soupire-t-elle.
« Le viol est une arme de guerre, résume Nirupa Dewan avec son phrasé paisible. Souiller les femmes c’est compromettre la survie de la population. Alors, c’est très dur d’en parler. » D’autant que les responsables jouissent d’une totale impunité. Même ceux qui ont envie de protester baissent les bras. Ils savent que jusqu’à présent aucune condamnation n’a abouti. Les accusés peuvent cependant être arrêtés et passer quelques jours derrière les barreaux, mais des expertises médicales biaisées viendront les disculper.
Briser le silence est donc la première étape d’un long chemin à parcourir. « Les hommes sont prêts à cheminer avec nous ! Comment pourraient-ils ignorer la souffrance de la moitié de leur population ? », se réjouit cette femme engagée qui s’active dans tout le territoire pour qu’aucun crime n’échappe aux nombreux rapports qu’elle doit rédiger.

Se former pour se libérer
A la parole s’ajoute une arme redoutable : l’éducation. Les jeunes filles de cette région sont de plus en plus nombreuses à fréquenter les bancs de l’école et de l’université. « C’est ainsi qu’elle pourront se battre pour leur peuple et devenir autonomes », insiste Nirupa Dewan.
D’ailleurs, cette défenseure des Droits humains fait figure d’exemple. Quand elle prend sa retraite en 2010, elle est à la tête d’un établissement scolaire. L’aboutissement d’une longue carrière dans l’enseignement. Elle n’a fait qu’emboîter les pas de sa mère et de sa tante, les premières femmes jumma à obtenir le secondary school certificate. Le sésame pour accéder aux études supérieures. « Fonctionnaire, mon grand-père était progressiste », se souvient-t-elle. Si progressiste qu’il n’a été en rien étonné quand sa petite fille s’est engagée auprès des femmes pour encourager le sport féminin.
Nirupa Dewan, qui a été à plusieurs reprises la cible de menaces, est optimiste quant au sort de son peuple et des femmes : « Nous devons travailler avec les Bengalis pour nous en sortir. Ils sont nombreux à vouloir dialoguer avec nous y compris le Premier ministre Sheikh Hasina, qui est une femme. »
Les défis sont pourtant de taille pour les femmes Jumma qui non seulement doivent combattre les abus qui découlent de ce conflit, mais encore se débarrasser du poids des traditions. « Dans notre culture, les femmes n’ont pas droit à l’héritage. Moi, j’ai eu de la chance. J’ai pu hériter au même titre que mon frère. Tout cela va changer peu à peu. Nous y travaillons en tout cas. »
A la parole s’ajoute une arme redoutable : l’éducation. Les jeunes filles de cette région sont de plus en plus nombreuses à fréquenter les bancs de l’école et de l’université. « C’est ainsi qu’elle pourront se battre pour leur peuple et devenir autonomes », insiste Nirupa Dewan.
D’ailleurs, cette défenseure des Droits humains fait figure d’exemple. Quand elle prend sa retraite en 2010, elle est à la tête d’un établissement scolaire. L’aboutissement d’une longue carrière dans l’enseignement. Elle n’a fait qu’emboîter les pas de sa mère et de sa tante, les premières femmes jumma à obtenir le secondary school certificate. Le sésame pour accéder aux études supérieures. « Fonctionnaire, mon grand-père était progressiste », se souvient-t-elle. Si progressiste qu’il n’a été en rien étonné quand sa petite fille s’est engagée auprès des femmes pour encourager le sport féminin.
Nirupa Dewan, qui a été à plusieurs reprises la cible de menaces, est optimiste quant au sort de son peuple et des femmes : « Nous devons travailler avec les Bengalis pour nous en sortir. Ils sont nombreux à vouloir dialoguer avec nous y compris le Premier ministre Sheikh Hasina, qui est une femme. »
Les défis sont pourtant de taille pour les femmes Jumma qui non seulement doivent combattre les abus qui découlent de ce conflit, mais encore se débarrasser du poids des traditions. « Dans notre culture, les femmes n’ont pas droit à l’héritage. Moi, j’ai eu de la chance. J’ai pu hériter au même titre que mon frère. Tout cela va changer peu à peu. Nous y travaillons en tout cas. »
Les accords de paix, un fragile statu quo entre autochtones et pouvoir central

L’accord de paix de 1997 prévoit le retour des réfugiés et des mesures de compensation pour ceux qui, ayant abandonné leurs terres, s’en trouvent dépourvus. Il comprend le démantèlement des bases militaires. Il envisage la mise en place d'institutions autonomes et la fin de la colonisation par des populations extérieures. Ce qui n’a été que partiellement respecté. En revanche le Chittagong Hill Tracts Regional Council a bel et bien été mis en place. Il est constitué de trois conseils locaux correspondant aux trois districts de la région. Sont nommés pour cinq ans 22 membres, des hommes et des femmes. Le président doit être autochtone et a le statut de ministre d’Etat. Depuis 2008, le peuple des Chittagong Hill Tracts peut compter sur un roi qui est l’autorité maximale dans la région. Pour certains, l’arrivée de ce roi est un pas vers l’application des accords de paix.