Le Niqab fait une irruption remarquée dans la campagne électorale canadienne de cette fin d’été 2015. Une femme de religion musulmane a-t-elle, oui ou non, le droit de porter un Niqab lors d’une cérémonie d’assermentation pour acquérir la citoyenneté canadienne ? Oui a tranché ce mardi la Cour d’appel du Canada, déboutant ainsi le gouvernement canadien de Stephen Harper qui voulait interdire cette pratique.
A peine la décision de la Cour d'appel était connue que les réseaux sociaux se sont enflammés. Et dans la foulée, les partis et leurs candidats, engagés dans la campagne électorale du scrutin fédéral d'octobre prochain, se sont précipités pour se prononcer. Et répondre à cette question : la liberté des femmes est-elle compatible sur le territoire canadien avec ce voile quasi intégral (seuls les yeux paraissent) ? Non répondent conservateurs et bloc québecois, oui proclament les libéraux et les néo-démocrates.
Une jeune Pakistanaise…
La cause implique une Pakistanaise de 29 ans qui est venue rejoindre sa famille au Canada en 2008 et qui avait refusé de participer à une cérémonie d’assermentation parce qu’elle devait dévoiler son visage. Elle avait plutôt décidé de se tourner vers les tribunaux pour faire réviser un règlement adopté en 2011 qui interdit le port du niqab lorsqu’on prête serment pour devenir citoyen canadien.
Et la Cour fédérale lui a donné raison, pour des raisons qui semblent plus porter sur la forme que sur le fond : oui, elle peut prêter serment avec son niqab sur la tête ont décidé les juges. Mais seulement après avoir montré, auparavant, son visage à découvert à un officier fédéral assermenté. Le niqab n'est donc finalement autorisé que lors de la cérémonie publique, une fois toutes les autres étapes validées.
Le gouvernement a répliqué en portant la cause devant la Cour d’appel fédérale : «
Je pense que la majorité des Canadiens et des Canadiennes trouveraient offensant qu’une personne cache son identité au moment même où elle souhaite se joindre à la famille canadienne » avait alors déclaré le premier ministre Stephen Harper.
Et donc la Cour d’appel fédérale vient de débouter le gouvernement, en confirmant le premier jugement de la Cour fédérale après deux jours de consultation, une décision rendue sur le banc pour que la jeune femme puisse rapidement prêter serment, devenir citoyenne canadienne et ainsi voter pour les élections du 19 octobre prochain…
Dans la campagne électorale en cours
Cette histoire vient d’ailleurs de débouler dans la campagne électorale en cours comme un chien dans un jeu de quille parce qu’elle titille la sensibilité des électeurs canadiens. Le gouvernement conservateur déplore le jugement de la Cour d’appel et vient d’annoncer qu’il va maintenant porter la cause devant la Cour suprême, le plus haut tribunal du pays… Un avis partagé par Gilles Duceppe, le chef du Bloc Québécois, le parti en faveur de la souveraineté du Québec : «
On a été le seul parti qui a déposé un projet de loi demandant à ce qu’on vote à visage découvert, les services publics à visage découvert et l’assermentation à visage découvert. Les femmes ne doivent pas s’effacer de l’espace public » a précisé Gilles Duceppe.
Les adversaires des Conservateurs ne sont pas du même avis… Les Néo-Démocrates de Thomas Mulcair et les Libéraux de Justin Trudeau estiment qu’une femme de confession musulmane a le droit de conserver son niqab lors d’une cérémonie d’assermentation de citoyenneté. Les Conservateurs, eux, en plus de se tourner vers la Cour suprême, promettent de présenter un projet de loi pour obliger de prêter serment à la citoyenneté canadienne le visage découvert.
Maintenant, qu’en pensent les Canadiens ? Cette problématique peut-elle avoir un effet sur leurs intentions de vote ?
Une bonne affaire électorale ?
Beaucoup d’analystes politiques croient que ce jugement de la Cour d’appel fédérale arrive comme un baume sur la plaie des Conservateurs, en perte de vitesse dans les sondages depuis le début de la campagne électorale. Que leur décision d’en appeler à la Cour suprême et de maintenir leur position sur cette question va peut-être leur permettre de récupérer des votes potentiellement perdus après les mauvaises nouvelles au niveau de l’économie canadienne et l’impact négatif de la crise des migrants. Ce qui est certain, c’est qu’il s’agit d’une question très sensible qui soulève beaucoup de réactions et de controverse et qui est loin d’être réglée ici, quoiqu’en disent pour l’instant les tribunaux canadiens…