
Back to top
Dans les rues chiliennes, en ce mois de mai 2018, les étudiantes et les autres, brandissent des pancartes : "Nous sommes plus fortes que la peur" ou "Etre une femme ne doit plus être un risque"
Une marche historique rassemblant plus de 150000 personnes à Santiago, la capital et plus de 200000 à travers tout le pays ; en ce froid mercredi de mai 2018 (l’automne au Chili), les Chiliennes se sont retrouvées pour dénoncer les abus sexuels et exiger une éducation non sexiste, un cri massif à l’unisson ; avec des slogans comme « les filles ne devraient jamais avoir peur d’être intelligentes », « éducation non sexiste pour qu’ils arrêtent de nous tuer » ou « non au harcèlement sexuel et à l’impunité ».
Plus de 40 assemblées féministes-étudiantes ont appelé à cette première marche, dont les protagonistes étaient seulement des femmes ; les hommes pouvaient venir, mais en marge, pour s’occuper des circuits et sécuriser les parcours. Et manifester leur soutien ou leur admiration sur les réseaux sociaux. Comme celui ci : "Mes respects à toutes les camarades qui se mobilisent au Chili contre la violence masculine et pour une éducation #non sexiste. Tous les progrès qui peuvent être réalisés aujourd'hui seront le fondement d'un avenir plus juste. Jusqu'à la victoire, je serai toujours votre compagnon"
Mi respetos a todas las compañeras que se están movilizando por Chile contra la violencia machista y por una #educaciónnosexista. Todos los avances que hoy se puedan lograr, serán los cimientos de un futuro más justo.
— Danilo Cepeda Muñoz (@danilocemun) 16 mai 2018
Hasta la victoria siempre compañera✊ pic.twitter.com/fIfqwFY91Q
« Ça a été une marche historique du mouvement des étudiants, jamais auparavant ne s’était déroulée une manifestation avec pour objectif une éducation non sexiste, en soutien à toutes les femmes qui aujourd’hui sont mobilisées dans tout le pays. Nous sommes très émues, très heureuses car on voit que quand les femmes s’organisent, elles y arrivent » s’est réjouie dans la presse la porte parole de la Confech (Confédération des Étudiants du Chili), Paz Gajardo à l’origine de l’appel à manifester le 16 mai 2018.
Cette démonstration de force, on peut en avoir un aperçu dans la vidéo ci-dessous tournée par SIETELINCES .
En ce mois de mai particulièrement agité, les Chiliennes sont sorties dans la rue non seulement pour dénoncer mais encore pour exiger un changement structurel et culturel afin de traiter la violence de genre comme un phénomène global et ne pas le restreindre à la violence au sein du couple, comme cela a été le cas jusqu’à présent. Le Chili est pourtant doté d’un Ministère de la Femme, et une femme Michelle Bachelet à occupé deux fois la présidence, la plus haute fonction de l’Etat ; il y a des lois imposant des quotas dans le monde du travail pour plus de parité ; et même depuis peu, une loi autorisant l’avortement dans des cas précis, comme le danger pour la mère ; et d’autres mesures qui ont permis d’établir un cadre plus juste en matière d’égalité, mais tout cela n’est pas suffisant. La violence et les discriminations imposées par un modèle patriarcal ancestral persistent encore et elles sont profondément enracinées dans la culture chilienne.
"Des milliers de femmes ont protesté au Chili, appelant à une 'éducation non sexiste' et à la fin de la ' violence sexiste'. La marche massive a été lancée par des étudiants qui se sont prononcés contre les abus sexuels. Il y a quelques jours, une petite fille de 2 ans est morte après avoir été violée.", rappelle ce média argentin...
Miles de mujeres protestaron en Chile, pidiendo que haya una "educación no sexista" y el fin de la "violencia machista". La multitudinaria marcha fue convocada por estudiantes que se expresaron contra el abuso sexual. Hace días, una beba de 2 años murió tras haber sido violada pic.twitter.com/F1aSrzwNnW
— TN - Todo Noticias (@todonoticias) 16 mai 2018
A retrouver sur ces sujets dans Terriennes :
> Un ministère de la femme et de l'égalité de genre, une première au Chili
> Un petit pas au Chili : les députés autorisent l'avortement thérapeutique
> Chili : victoire de Michelle Bachelet, incertitudes pour la gauche
> Les manifestantes chiliennes dans la ligne de mire de la police
Le cri de colère veut se faire entendre dans les espaces éducatifs où les actes discriminatoires et vexatoires sont poussés par une dynamique propre, souterraine et qui jusqu’à présent bénéficient d’une indifférence presque endémique.
Ce mouvement a fait irruption avec une force et une ampleur inattendues, celles d’une génération de jeunes qui ont pris d’assaut les rues, les campus.
Maria José Viera-Gallo, écrivaine chilienne, féministe
Maria José Viera-Gallo, écrivaine chilienne, féministe, professeure de littérature créative à l’université voit du jamais vu dans cette révolte féministe : « Ce mouvement est singulier parce que d’abord il a pris à tout le monde par surprise, personne ne s’attendait à une telle ampleur. Les questions féministes, les débats sur le féminisme ici au Chili ne font pas parti de l’agenda public, ils ne sont pas présents dans les médias, tous ces sujets sont souterrains. Ce mouvement est très authentique et contre-culturel et il a fait irruption avec une force et une ampleur inattendues, celles d’une génération de jeunes qui ont pris d’assaut les rues, les campus. Ces jeunes femmes sont en train de permettre des espaces de discussion dans un pays où on ne parle pas ».
Actuellement dans le pays il y a 15 campus bloqués, 30 universités en grève tandis que des manifestations de lycéennes se succèdent à Santiago. « Il y a un choc très grand et avec un gouvernent de droite, ces jeunes se mobilisent et parlent à la place de beaucoup d’autres femmes que n’osent pas parler », nous explique encore Maria José Viera-Gallo.
Au delà des manifestations et blocus, les demandes des étudiantes tendent à établir un protocole pour plus de transparence dans les démarches lors d’une plainte, une amélioration des procédures, car actuellement, aucun texte n’encadre le harcèlement sexuel entre professeurs et étudiants au sein de l’université. De nombreux témoignages font état d’une omerta de la part des autorités universitaires lors des dénonciations.
Les femmes réclament surtout une éducation non sexiste avec une perspective de genre au sein de l’enseignement supérieur tout en rejetant la catégorisation entre carrières considérées habituellement pour les femmes et celles dévolues aux hommes.
Les discussions voudraient aussi aboutir à une parité dans les espaces administratifs, à des ateliers obligatoires sur l’égalité, et à un enseignement avec unes perspective de genre dans les différents cursus universitaires.
Les étudiantes-étudiants sont mobilisés depuis quelques années déjà avec des premières grandes manifestations en 2006, puis en 2011 pour une éducation gratuite et de qualité ; aujourd’hui, pour la toute première fois, toutes les revendications sont centrées sur la lutte contre la violence de genre.
On doit beaucoup au gouvernement de l’ancienne présidente Michelle Bachelet. Ce pays n’est plus le même après son passage
Maria José Viera-Gallo
Pour notre écrivaine chilienne, « si on fait une lecture politique de ce mouvement je crois qu’on doit beaucoup au gouvernement de l’ancienne présidente Michelle Bachelet, qui a ouvert la voie avec des thématiques très fortes comme la loi sur l’avortement par exemple ; elle a réussi un changement culturel très fort qui aujourd’hui donne ses fruits, ce pays n’est plus le même après son passage ».
Les débats sont quotidiens et ne comptent pas s’arrêter à la marche du mercredi 16 mai, la vague féministe chilienne insurgée, transversale et radicale est en marche.
Esto no es feminismo es hembrismo y terrorismo.
— Antonio Araúz (@ArauzImbert) 17 mai 2018
En Chile las estudiantes piden educación NO sexista y erradicar violencia machista.
? pic.twitter.com/wxeMjmJxWC