Alors que l’une des ambitions affichées de la présidence canadienne du G7, dont le sommet se déroule les 7 et 8 juin 2018 à La Malblaie au Québec, est de permettre à un plus grand nombre de femmes de participer et d'exercer un leadership à tous les niveaux de décision, des femmes chercheures veulent se faire entendre. Et comprendre. Elles veulent éviter que les recherches soient pensées au masculin.
Parmi les sept dirigeants qui s’assoiront autour de la table du G7, seulement deux seront des femmes: Theresa May, du Royaume-Uni et Angela Merkel, de l’Allemagne. L'égalité des sexes dans les positions de leadership n'est pas un thème nouveau. Des avancées sont observées, notamment dans le domaine des sciences. Mais encore aujourd'hui, dans le secteur de la recherche, plus on monte dans les échelons, moins il y a de femmes.
Justin Trudeau, Premier ministre du Canada et hôte du rendez-vous 2018 des grands de ce monde, l'a annoncé, puis répété,
comme ce lundi 4 juin : «
L’égalité des sexes est un droit de la personne fondamental. Il s’agit d'un élément clé pour bâtir des économies solides ainsi qu’une priorité majeure pour le Canada et sa présidence du G7. Personne ne peut aller de l’avant lorsque la moitié d’entre nous sont laissés pour compte. Pour assurer la paix, réduire la pauvreté et faire croître des économies qui profitent au plus grand nombre, nous devons nous attaquer aux causes principales des inégalités. Nous devons éliminer les obstacles qui empêchent les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre de participer librement et pleinement à toutes les sphères de notre société. (.../...) Avec les dirigeants du G7 à Charlevoix, nous écouterons les voix des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre. Ensemble, nous travaillerons pour assurer la sécurité, la liberté et l’autonomisation de chacun d’entre nous, peu importe son identité de genre. »70% des scientifiques sont des hommes
La directrice scientifique de l'Institut de la santé des femmes et des hommes aux Instituts de recherche en santé du Canada, Cara Tannenbaum, le constate, statistiques à l'appui. « Chez nous aux Instituts de recherche en santé du Canada, à peu près 70% des scientifiques qui font des demandes de subvention pour faire de la recherche sont des hommes. »
«
Les données de la science bénéficient-elles autant aux femmes qu’aux hommes ? Je n ‘en suis pas sûre », s’interroge encore Cara Tannenbaum. Elle, comme la professeure titulaire en génie mécanique à l'Université d'Ottawa, Catherine Mavriplis, croient que cette réalité risque de biaiser la façon de mener les recherches. «
On a des exemples dans le passé, comme la recherche sur les maladies cardiaques qui a été faite seulement sur des patients qui étaient des hommes. Ça a nuit aux femmes parce que les symptômes de crise cardiaque chez les femmes sont différents. »
Quand même les prototypes sont des mâles
Les exemples n'appartiennent pas uniquement au passé. Ils se présentent encore aujourd'hui, à l'heure de la recherche en intelligence artificielle dans laquelle les prototypes sont tous… des mâles. Ce qui inquiète Catherine Mavriplis. «
On entre dans un avenir où tout va être contrôlé par des ordinateurs, l'intelligence artificielle. Si on n'a pas des équipes diversifiées, il se peut que la programmation de ces ordinateurs-là soit un peu biaisée. »
Le gouvernement Trudeau se montre sensible à la question des femmes en sciences. Son budget de 2017 se voulait celui de l'innovation, celui de 2018, des femmes. Mais dre Cara Tannenbaum se demande « si on est rendu à vraiment réfléchir à savoir si les données de la science bénéficient autant les hommes que les femmes. »
Le Conseil consultatif sur l’égalité des sexes
Le premier ministre Trudeau a mis sur pied le Conseil consultatif sur l’égalité des sexes pour la présidence du G7. Sa co-présidente, l'ambassadrice du Canada en France, Isabelle Hudon, assure que les femmes en sciences est l'une des questions étudiées, notamment lorsque le rôle du secteur privé entre en jeu. Elle fait valoir que dans le secteur privé, il faut « s'assurer d'avoir la présence des femmes. Pas juste dans des postes de décision, mais aussi dans des secteurs névralgiques, entre autres la science. »
Les innovations technologiques et la science font des pas de géants. Mais les avancées des femmes dans ce domaine sauront-elles se faire au même rythme. Et à quel point cette question occupera les dirigeants du G7, alors que l'horaire risque d'être bousculé par l'actualité.
S’assurer de la présence des femmes dans des secteurs névralgiques
Isabelle Hudon, coprésidente du Conseil consultatif sur l'égalité entre les sexe et ambassadrice du Canada en France
On ne connaît pas encore l'exhaustivité des recommandations Conseil consultatif, mais ses grandes lignes. Son rapport titré « Faire de l'inégalité des genres une chose du passé » a été remis au premier ministre ainsi qu'aux sherpas des sept pays, et s'il n'est pas encore public, un long résumé est en ligne sur le site du G7. Isabelle Hudon indique qu'il contient une centaine de recommandations (économmie inclusive, santé, environnement, etc), dont celle de "s'assurer de la présence des femmes dans des secteurs névralgiques" . Elle s’attend à ce que des pays soient inconfortables avec certaines d’entre elles. « Mais il n'y a aucun pays qui va pouvoir se défiler. Parce qu'aucun d’entre eux ne pourra prétendre qu'aucune de ces recommandations ne s’applique à eux. » Les membres du groupe seront reçu.es par le G7 le samedi 9 juin 2018. Et les discussions pourraient être houleuses. Le groupe insiste sur la "reconnaissance que la santé et les droits sexuels et reproductifs (SDSR) sont fondamentaux et essentiels pour l'égalité des sexes dans des sociétés saines et inclusives". Au premier rang desquels le droit à l'avortement, honni par le président Trump...
Reportage et article originaux publiés le 4 juin 2018 par notre partenaire Radio Canada
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