Au Liban, Zeina Daccache est d’abord connue pour son rôle de comédienne à la télévision depuis dix ans dans une série politique satirique Bass Mat Watan sur la LBC. Alors quand elle rencontre pour la première fois les détenus avec qui elle va travailler sur une pièce de théâtre, ils ne sont pas franchement surpris : “Hé, mais vous êtes celle de la télé !” lui lancent-ils.
Actrice de formation, Zeina s’ennuyait dans son “cercle fermé d’intellectuels”. La jeune femme qui souhaitait devenir vétérinaire découvre le théâtre à l’université. Après la fac, elle s’envole à Londres pour faire l’
école Philippe Gaulier. Elle y côtoie des étudiants éclectiques, “des avocats, des femmes mariées..” et revient convaincue que “le théâtre n’est pas fait que pour des intellos.”
De retour à Beyrouth en 2001, elle devient volontaire dans un centre pour toxicomanes et y décroche un travail. Mais ce n’est qu’en 2005 qu’elle met un mot sur ses envies : la dramathérapie. Un mélange de théâtre et d’écoute pour soigner les maux avec les mots. La Libanaise refait alors ses valises et part faire un Master… au Kansas. “Au début quand je parlais de dramathérapie au Liban, les gens ne comprenaient rien. Mais c’est juste la réunion du théâtre et de la psychologie” explique-t-elle.
Seule dramathérapeute du Liban, Zeina se sent un peu seule. Inscrite à la
National Association for Drama Therapy (NADT) aux Etats-Unis, elle forme au sein de son centre depuis 2010 trente futurs dramathérapeutes. Cinq d’entre eux devraient être diplômés dans quelques mois.
Depuis mars 2013, Zeina Daccache travaille avec des handicapés mentaux à la prison de Roumieh,
la plus grande et surpeuplée du pays, dans l’immeuble bleu. “Ce sont 25 malades psychiatriques totalement oubliés, et encore ce ne sont que ceux qui ont été diagnostiqués. Ils mangent, dorment et prennent leurs médicaments. Certains sont là depuis 35 ans. Et vu qu’ils ne peuvent pas sortir sans être guéris ils risquent de mourir là…” détaille-t-elle. Avant et après chaque projet, Zeina et son équipe font des tests psychologiques sur les participants mais également sur les non-participants. Elle se réjouit : “Les résultats sont très positifs ! Grâce à ces projets, les détenus retrouvent un nom. Ils ne sont plus juste des numéros. On contribue à humaniser la prison.”