Au Maroc, les “séducteurs“ ne seront plus protégés

Au Maroc, les “séducteurs“ et autres “rapteurs“ ou "agresseurs" de très jeunes filles pouvaient jusqu'à présent échapper à toute forme de poursuite judiciaire grâce au très controversé article 475 du code pénal marocain. Ce texte était devenu la cible des défenseur-e-s des droits humains et des féministes depuis l'affaire Amina Filali, lorsque cette jeune femme s'était suicidée en mars 2012, après avoir été contrainte d'épouser son violeur. Le le 8 janvier , la commission de la Justice à la Chambre des représentants a donc supprimé une partie de l'article 475 sur le détournement de mineur.
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Au Maroc, les “séducteurs“ ne seront plus protégés
Manifestation en mars 2012 après le suicide de la jeune Amina Al Filali - AFP
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La commission de la Justice, des droits de l'homme et de la législation à la Chambre des représentants a voté à l’unanimité la suppression de l’alinéa 2 de l’article 475 du Code pénal, qui ne traite pas directement du viol, mais du détournement de mineur : « lorsqu’une mineure nubile ainsi enlevée ou détournée a épousé son ravisseur, celui-ci ne peut être poursuivi que sur la plainte des personnes ayant qualité pour demander l’annulation du mariage et ne peut être condamné qu’après que cette annulation du mariage a été prononcée ». Ce vote des députés, à l'unanimité de la commission, est une victoire pour les associations de défense des droits humains, qui se battent pour un tel amendement depuis plusieurs années et notamment depuis le suicide d'Amina Filali en 2012, qui avait choqué la société marocaine. La jeune fille s'était suicidée après avoir été contrainte d'épouser son violeur. Un héritage français L’article 475 du Code pénal ne traite en fait pas directement du viol, mais du détournement de mineur: « quiconque, sans violences, menaces ou fraudes, enlève ou détourne, ou tente d’enlever ou de détourner, un mineur de moins de dix-huit ans, est puni de l’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 200 à 500 dirhams. »   Ce texte est un héritage de l’ancien Code pénal français (la France fut la puissance coloniale du Maroc jusqu'en 1956), abrogé en 1994. Il concerne les jeunes filles qui fuguaient ou avaient une aventure avec un cousin plus âgé par exemple. Si la jeune fille épousait son "ravisseur", ce dernier ne pouvait "être poursuivi qu'après l'annulation du mariage". Le code de 1994 énonçait ainsi dans son article 356  : "Celui qui, sans fraude ni violence, aura enlevé ou détourné, ou tenté d'enlever ou de détourner, un mineur de dix-huit ans, sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de 500 Francs à 15000 Francs. Lorsqu'une mineure ainsi enlevée ou détournée aura épousé son ravisseur, celui-ci ne pourra être poursuivi que sur la plainte des personnes qui ont qualité pour demander l'annulation du mariage et ne pourra être condamné qu'après que cette annulation aura été prononcée." Pour certains défenseurs des droits de la personne, cette amendement n'est pas suffisant. Une évolution réelle devra d'abord passer par celle des magistrats et de la société dans son ensemble. C'est ce que pense par exemple la juriste Michèle Zirari-Devif interrogée par le site d'information marocain H24info : "On ne peut que se féliciter de la suppression d'un alinéa qui conduisait à de telles décisions. Mais il est douteux que cela change beaucoup de choses. Il arrive assez fréquemment  que des viols soient requalifiés en relations sexuelles hors mariage car le tribunal a refusé de croire à la contrainte subie par la femme. Cette dernière, de victime devient coupable, puisque les relations sexuelles hors mariage sont une infraction sanctionnée d'une peine d'un mois à un an d'emprisonnement. Il arrive également, en cas de relations sexuelles hors mariage, que le ministère public  abandonne la poursuite si les deux personnes acceptent de se marier. Cela veut dire que le parquet -et s'il s'agit d'une mineure, son père et le juge de la famille qui intervient obligatoirement pour autoriser le mariage d'une mineure (art. 220 du code de la famille)- sont d'accord pour favoriser ou mettre en œuvre une pratique qui n'est en rien conforme à la loi."

“Sensibiliser les Marocain-ne-s dès l'école“

jt 64' TV5MONDE, 11 janvier 2014
Aïcha Ech-Chenna, présidente de Solidarité féminine au Maroc pense elle aussi que la loi ne changera rien sans évolution en profondeur des mentalités et rappelle qu'il a fallu de nombreuses manifestations pour changer les choses.
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