Fil d'Ariane
Une femme déterminée et aimante de sa liberté, tel est Idalia Candelas illustratrice mexicaine, la quarantaine, femme coquette au regard direct en contraste avec la souplesse de sa main, qui dirige le trait curviligne glissant sur une feuille de papier pour raconter des histoires, et pas n’importe laquelle : une histoire de femmes épanouies, libres et légères dans leur solitude.
La solitude féminine n’est pas une mauvaise affaire et elle est très courante malgré les apparences
Idalia Candelas, illustratrice
Ses dessins fins et sensuels nous montrent des femmes dans la cuisine, en train de se dénuder, une cigarette à la bouche ou à la main, assises sur le canapé le regard perdu dans le vide ou déambulant en sous-vêtements dans leurs maison ; les femmes de Idalia, seules toujours seules ! et en paix avec elles mêmes sont le portrait d’une « solitude post-moderne ».
Ce concept voulu sort d’une réflexion directe et sincère que cette Mexicaine veut défendre : « j’aime penser à toutes les possibilités qu’offre le sujet car il est tabou et les gens tentent de l’esquiver, alors que la solitude féminine n’est pas une mauvaise affaire et elle est très courante malgré les apparences ». A l’ère de l’internet, des clics et déclics avec l’hyperactivité de l’index, des amis virtuels et réels sur le net : « il y a une solitude qui ne se voit pas, les réseaux sociaux cachent la réalité, les gens sont accompagnés mais de manière superficiel ». Mais elle est catégorique et sereine « la solitude n’est pas un acte irrémédiable, ce n’est pas comme ça que je la vois, car il y a beaucoup de gens que vivent ainsi et qui sont heureux ».
Depuis son appartement à Ciudad de México, (et grâce à Internet) elle nous raconte qu’elle n’a pas mené une « longue enquête » pour aboutir à ses esquisses. Avec son travail d’artiste elle veut simplement raconter ce qu’elle ressent, s’exprimer d’une manière non traditionnelle et plus libre sur une autre façon de vivre : « je veux dire par là qu’il y a des femmes, et beaucoup plus que l’on ne croit, qui sortent du chemin soi-disant établi, des femmes qui ne mènent pas une vie traditionnelle en voulant se marier, avoir des enfants, fonder une famille, il y en a certaines qui ont opté pour d’autres chemins afin de mener leur vie professionnelle ou bien faire tout autre chose pour se sentir bien ».
D’autant plus qu’au Mexique « c’est difficile d’être célibataire et de vivre seule à 40 ans ! Les gens te regardent avec un air de dire 'oh ma pauvre fille, elle est amère et aigrie', il n’existe pas de légèreté vis à vis de ce choix d’une solitude assumée ». D’ailleurs lors d’une interview, une femme lui a demandé si ses amies n’avaient pas peur de l’inviter aux soirées « par peur que je leur vole leurs maris ».
Le public, et pas seulement féminin, s’est identifié avec ces femmes libres en solitude
Idalia Candelas, illustratrice
Idalia a connu un succès inattendu avec son livre « A solas » : «je suis très contente et surprise de la portée de mon livre, le public et pas seulement féminin s’est identifié avec ces femmes libres en solitude, et pas seulement celles de 40 ans. Le livre a rencontré un public assez large qui va des adolescentes jusqu’aux femmes de 60 ans».
Maintenant que ses dessins de femmes sont connus et qu’elle a longuement et publiquement parlé de solitude, les gens ne lui posent plus la question "Pourquoi tu n’es pas mariée ? Pourquoi tu n’as pas d’enfants ?". Au moins ça s’est fait, et maintenant, ils connaissent ses réponses. Cependant une interrogation persiste : Idalia a le sentiment que le sujet n’est pas tout à fait réglé en Europe.
Alors qu'en Espagne, en Allemagne, en Suède le livre « A solas » attire l’attention du public, elle est surprise de l’identification des femmes européennes avec le fait de revendiquer la solitude féminine et d’assumer avec joie d’autres parcours de vie ; « je croyais que c’était une question mexicaine ou latino-américaine de se soumettre à un modèle et que dans d’autres pays européens, les conventions sociales à propos d’une femme qui décide de vivre seule étaient résolues… hélas ! C’est loin d’être le cas ; je me rends compte que c’est un sujet universel et qu’on maintient le stéréotype qui édicte que la femme seule, sans mari ou sans enfants est une femme à qui il manque quelque chose ».
Avec toute la notoriété acquise après la publication de son livre, elle avoue s’être sentie un peu dépassée et submergée par l’engouement inattendu pour son œuvre, et ironie du sort, Idalia Candelas n’est plus vraiment seule : avec ses plus de 40 000 abonnées sur Instagram, et plus de 30000 fans sur Facebook, elle communique à travers ce qu’elle sait faire et qui la passionne : dessiner.
A l’occasion de multiples interviews et interventions publiques, il y a des gens qui lui écrivent et demandent si elle ne souffre pas de sa solitude : « je pense qu’il y a des formes de solitude qui sont difficiles à vivre, celle de la ville par exemple mais dans mon cas la solitude est une forme de liberté. J’ai appris à vivre seule, je voyage beaucoup toute seule j’adore ça ! Je pense que le monde n’est pas encore tout à fait prêt à voir des femmes prendre la route seules, alors que c’est une rencontre avec soi, tu peux t’arrêter où tu veux, comme tu veux. Au delà des voyages je crois que la solitude fait peur car les gens ne veulent pas se confronter à ce qu’ils sont intérieurement, c’est pour ça que 'mes' femmes vivent avec la solitude mais qu’elles ne souffrent pas, qu'elles ne sont pas déprimées, se sentent sûres d’elles mêmes et profitent de leur propre compagnie »
Je ne veux pas rentrer dans une catégorie, je veux simplement dessiner
Idalia Candelas, illustratrice
Idalia elle ne veut pas devenir un étendard, ni un modèle à suivre pour les femmes qui décident de vivre seules, faisant fi des tabous.
Elle refuse les étiquettes de féministe : « on m’a beaucoup sollicitée pour que je participe à des rencontres ou séminaires avec des titres comme ‘on hait le pénis !’ ou encore ‘vaut mieux être seule et que les hommes ne nous disent pas ce qu’il faut faire’. Moi, je ne veux pas rentrer dans une catégorie, je veux simplement dessiner et évoquer ce que je vis et que beaucoup des mes amies et amis vivent en choisissant une vie en solitaire. Mes dessins sont l’illustration de mon expérience et une réponse aux gens qui questionnaient mon choix ».
Les illustrations de Idalia Candelas ne s’arrêteront pas avec la publication de « A solas ». Elle pense déjà à explorer la solitude masculine car elle est convaincue que « nous avons tant des choses en commun que nous pouvons partager ». Mais pour l’instant un trait plus marqué et sensuel se prépare, une série des dessins érotiques d’un point de vue féminin sera bientôt prêt à sortir de son cocon.