Fil d'Ariane
Cela se passe au Niger, dans ce pays d’Afrique de l’Ouest qui cumule pauvreté, analphabétisme et ignorance de l’islam, alors que 80% de sa population est de confession musulmane. Et c’est d’ici que des initiatives innovantes voient le jour. Après l’Ecole des maris, destinée à faire comprendre aux hommes l'intérêt économique de l'émancipation des femmes, le programme baptisé "Le savoir pour la dignité", initié par le Fonds des Nations-Unies pour la population (UNFPA), en collaboration avec le gouvernement, s’adresse, cette année, à plus de 10.000 adolescentes de 10 à 19 ans et devrait s’étendre à 250.000 d’ici à 2018.
C’est au Niger que ces milliers de jeunes apprennent à dire «non» aux normes sociales qui les enferment dans l’obscurantisme et l’oppression, alors que les préjugés et les traditions patriarcales imprègnent tout être, toute famille, toute la société. Et que les violences conjugales restent une norme sociale, et un sujet tabou...
C’est ici que se diffuse une éducation citoyenne, populaire au sein des populations en très grande vulnérabilité, celles qui subissent le plus l’analphabétisme, la pauvreté et le poids de la religion mal comprise. C’est ici que Manira, Aïcha, Ousseina et tant d’autres apprennent à lire et a écrire, à refuser les mariages et grossesses précoces, à se rendre au planning familial, à découvrir leur corps et leurs droits.
L’UNFPA débourse 123 dollars pour chacune pendant les huit mois d’instruction civique. Dans cette entreprise l’agence onusienne, le gouvernement et l’association Lafia matassa unissent leurs efforts et misent sur le « dialogue communautaire » pour que la société cesse de transformer les adolescentes en victimes de mariages et grossesses précoces.
« Le débat et la sensibilisation sont indispensables avec les familles, les élus, les chefs traditionnels et les responsables religieux si l’on veut arriver à changer les normes sociales néfastes à l’épanouissement de chacune et de chacun», explique Monique Clesca. Cette représentante de l’UNFPA au Niger et la ministre de la Promotion des femmes, Maïkibi Kadidiatou Dandobi ont en tête les chiffres alarmants qui entravent le développement même du pays : 73% des filles de 15 à 19 ans ne savent ni lire ni écrire ; plus de 75% d’entre elles sont mariées avant l’âge de dix-huit ans et près de 30% le sont avant d’atteindre quinze ans. Les épousées doivent, de plus, prouver leur fertilité dans l’année suivant l’union scellée.
Pour étendre ces programmes d'accès au savoir su côté des filles, mieux vaut avoir l'aval des hommes, des chefs de communauté, des élus locaux.
Ainsi Daouda Nouhou, le maire de la commune de Méhana, dans la région de Tillabéri, intervient-il dans les cas litigieux: "J'explique qu'il faut arrêter de gacher la vie de nos fillettes."
Abdoulaye Tondi, chef traditionnel, à Méhana, également dans la région de Tillabéri, renchérit : "Il faut une rupture avec la tradition des mariages précoces et forcés. La population comprend de plus en plus les conséquences néfastes sur la santé des jeunes. Nous sommes dans une nouvelle ère et je soutiens la sensibilisation sur ce sujet."
En accédant au savoir, ces filles et adolescentes deviennent des êtres majeurs, respectées comme individu à part entière, autonomes, aptes à faire naître l’espoir d’un autre monde au Niger…
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