Fil d'Ariane
Menacées, les féministes pakistanaises, les citoyennnes qui veulent vivre librement, inventent donc des méthodes plus provocatrices, défiant tous interdits dits et non-dits, pour s'imposer dans l'espace public : pour l'une, Zenith Irfan, 21 ans, ce sera conduire une moto ; pour d'autres se faire auto-entrepreneuses à la tête d'un triporteur rose réservé aux femmes, comme Saniya Rajan ; pour les plus courageuses, c'est de, tout simplement, s'installer à la terrasse d'un café.
Un acte, en apparence minuscule qui pourrait leur coûter la vie.
Je préférerais vivre dans une société où les femmes peuvent agir librement
Zenith Irfan, motarde
Ces actions, petites en apparence, d'un courage au quotidien, qui posent les cailloux d'un futur plus prometteur, prennent toute leur ampleur face à la violence continuelle qui s'exerce contre les femmes (et exceptionnellement contre les hommes), comme le révèle cette litanie d'informations fournies par l'Agence France Presse en quelques jours de ce mois de juin 2016.
● 17 juin 2016, Lahore : Une jeune femme enceinte de son deuxième enfant a été égorgée par des proches pour s'être mariée sans leur consentement, dans l'est du Pakistan. Muqaddas Bibi, 22 ans, avait épousé Taufiq Ahmed il y a trois ans en dépit de l'opposition de sa famille, qui considérait qu'un mariage d'amour - par opposition à un mariage arrangé - était une source de honte. Selon le chef du commissariat local, lorsque la jeune femme est arrivée chez elle, son père, son frère et sa mère lui ont tranché la gorge avec un couteau, la tuant sur le coup. Muqaddas Bibi avait une fillette de 10 mois, et elle était enceinte de sept mois lorsqu'elle a été tuée.
● 16 juin 2016, Multan : fait divers inversé - un Pakistanais brûlé à l'acide par une femme qu'il refusait d'épouser. Momil Mai, une mère de quatre enfants mariée, habitant près de la ville de Multan (centre du pays), entretenait depuis plusieurs années une relation avec Saddaqat Ali, 25 ans, également marié, selon la police. Mercredi soir, M. Ali est allé voir Mme Mai, comme d'habitude, mais elle lui a jeté de l'acide après qu'il a une nouvelle fois refusé de l'épouser
● 14 juin 2016, Islamabad : Une militante des droits humains agressée pendant un débat télévisé. Le débat entre les deux protagonistes s'est envenimé lorsque le sujet des "crimes d'honneur" a été abordé, après que plusieurs femmes ont été tuées récemment pour avoir épousé l'homme de leur choix sans le consentement familial. La militante Marvi Sirmed, sur son compte Twitter, affirme que ses propos ont enflammé le clerc, qui aurait tenté de l'agresser lors d'une pause, avant qu'un autre participant ne s'interpose pour l'en empêcher.
● 14 juin 2016, Lahore : Une jeune Pakistanaise chrétienne a été tuée par son frère après qu'elle a insisté pour se marier avec un homme de son choix, un rare cas de crime perpétré au nom de l'honneur dans une famille chrétienne. Anum Ishaq masih, qui avait un peu moins de 20 ans, a été tuée dans un quartier proche de la garnison de Sialkot, une grande ville du centre du pays,. Saqib Ishaq Masih, 23 ans, a tué sa soeur en lui frappant la tête avec un gourdin en bois.
● 10 juin 2016, Lahore : Un couple de Pakistanais a été tué à Lahore pour s'être marié sans le consentement des parents. Saba Ashraf, 18 ans, et Karamat Ali, 35 ans, s'étaient mariés il y a un an et demi sans avoir obtenu au préalable l'accord de leurs pères. Les deux jeunes gens étaient de retour à Lahore pour tenter de renouer le lien avec leurs familles. Au cours d'une conversation qui a dégénéré, Muhammad Ashraf, le père de Saba, a ouvert le feu sur elle, sur son mari et sur un voisin qui tentait de la défendre, selon la police locale.
● 8 juin 2016, Lahore : Une adolescente brûlée vive par sa mère pour s'être choisi un mari. Zeenat n'avait que 16 ans quand elle a épousé un jeune homme contre l'avis des siens. Une audace qui lui a couté la vie lorsque sa mère excédée l'a brûlée vive dans leur modeste maison à Lahore. Le meurtre de Zeenat est le troisième en autant de mois d'une jeune fille accusée d'avoir bafoué l'honneur de sa famille au Pakistan. Des centaines comme elle sont tuées chaque année, mais très rarement par une femme, et encore moins leur mère.
Un groupe influent de dignitaires sunnites pakistanais a donc émis une fatwa condamnant les crimes perpétrés au nom de l'honneur, qu'un porte-parole a qualifiés d' "immoraux et injustifiables" lundi, après une série de meurtres de femmes qui ont choqué le pays. Le Sunni Ittehad Council (SIC), organisation alternative au CII, estime que de tels meurtres constituent un "grand péché". Cet édit religieux est soutenu par une quarantaine de membres de ce conseil, une fédération d'organisations sunnites qui jouit d'une grande influence dans la province pakistanaise du Pendjab. "Allah a décrété que les femmes devraient être libre d'épouser la personne de leur choix, tant que les deux parties sont d'accord", affirme le secrétaire général du SIC pour le Pendjab, le moufti Saeed Rizvi. Dans cette fatwa, les responsables musulmans réclament au gouvernement des lois permettant aux forces de sécurité et aux tribunaux de punir dans la semaine tous les coupables de tels crimes.
On rappellera que des centaines de femmes sont tuées chaque année au Pakistan par des proches sous prétexte qu'elles auraient bafoué l'honneur familial. #yaduboulot
A retrouver dans Terriennes, d'autres pionnières pakistanaises
> Pakistan : à moto ou au volant d'un camion, elles "n'ont besoin de personne"
> 'Le voile, c’est ton regard qui le met' : quand des artistes s'emparent du foulard
> La journaliste Asma Shirazi reçoit le prix Peter Mackler : “je n’ai jamais abandonné et je n’abandonnerai jamais“
> Malala : icône hyper-médiatisée de la paix
> Les ouvrières pakistanaises, fières de leurs ballons pour la Coupe du Monde
> Le jardin de la paix de Rubina Bhatti pour protéger les Pakistanaises
> 1992 - 2012, l'épopée de Zahida, première femme chauffeure de taxi du Pakistan
> Les mécomptes des Pakistanaises aux législatives de mai 2013