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Cette année, les mensurations des Miss Pérou sont particulièrement importantes. pic.twitter.com/xDGeDpTVYe
— Brut FR (@brutofficiel) 31 octobre 2017
Depuis le début de l’année, au Pérou, plus de 90 femmes sont mortes dans le pays et les plaintes pour violences dépassent les 160.000.
Alors que le mouvement Ni Una Menos ("Pas une de plus", ndlr) prépare une nouvelle marche, Romina Lozano et Jessica Newton nous expliquent les raisons de cette action.
Rencontre à Lima.
Terriennes : Comment est née l’idée de cette action ?
Romina Lozano : C’est un projet qui rassemble toutes les participantes parce que c’est un grand problème dans le pays. Il y a beaucoup de violence de genre et les femmes sont les plus touchées. On voulait que les gens prennent conscience de l’importance du problème. Si chacune d’entre nous vient d’une région différente du pays, la violence contre les femmes touche tout le monde. On a donc voulu hausser la voix et dire stop à ces agressions.
Jessica Newton : L’objectif est d’attirer l’attention des autorités. Être la voix de toutes les femmes maltraitées qui vivent la violence dans le pays et qui ont peur dans leurs maisons. Il faut arrêter toute cette violence. Le concours de beauté de Miss Pérou est le plus adapté pour demander de l’aide puisque la cérémonie est très regardée.
Terriennes : Comment s’est fait le choix du choix pour chaque participante ?
Romina Lozano : C’est une décision personnelle. Par rapport à ce qui touche le plus notre région. Moi par exemple, je suis originaire de la forêt, de la région de San Martin (Nord du Pérou, ndlr). Là-bas, le trafic de femmes est un problème très important. Je ne l’ai pas vécu directement mais on me l’a souvent raconté. Des personnes très proches l’ont vécu. C’est une thématique très importante pour moi.
Terriennes : Le public d’un concours de beauté n’est pas forcément le plus sensibilisé aux questions féministes. Y-avait-il un risque d’être inaudibles ?
Romina Lozano : Les concours de beauté sont critiqués pour leur choix de montrer les femmes en maillot de bain ou seulement en train de sourire. Mais, cela ne signifie pas qu’elles ne soient pas fortes ou ne soient pas intelligentes. Ce que l’on voulait montrer c’est que derrière chaque jolie femme, il y a quelqu’un de fort et qui lutte pour que la violence disparaisse, pour représenter les femmes qui n’ont pas de voix.
Jessica Newton : Beaucoup de personnes n’avaient aucune idée de la violence faite aux femmes dans notre pays. Et je pense qu’ils ont pris le temps d’écouter. Qu’ils n’ont pas changé de chaîne tout de suite. Cela a permis de leur ouvrir les yeux, de leur montrer que nous sommes un pays violent. L’impact a été fort parce qu’ils ont entendu tous ces chiffres à un moment où ils ne s’y attendaient pas.
Terriennes : Des critiques se sont élevées sur les réseaux sociaux, mettant en doute le fait que des femmes qui défilent en bikini soient légitimes pour tenir un discours pareil. Qu’en pensez-vous ?
Jessica Newton : Ce que j’ai noté c’est que cela venait surtout de femmes : nous sommes parfois plus machistes que les hommes ! Prétendre qu’une femme doit faire ou ne pas faire certaines choses pour avoir le droit au respect, c’est barbare. Il faut que l’on ait la liberté d’être comme on a envie d’être. Une femme en maillot de bain pense pareil quand elle est habillée. On ne doit pas faire un lien entre les vêtements et le respect.
Terriennes : Le hashtag #Perupaisdevioladores (Pérou pays de violeurs) a fait du bruit il y a quelques jours. S’agit-il d’une réalité ?
Romina Lozano : C’est une expression très forte. Nous sommes 3e au niveau mondial des agressions (ndlr : derrière le Bangladesh et l'Ethiopie) mais on peut changer les choses. On ne peut pas attendre que le changement soit seulement politique ou législatif. Il doit commencer à l’école, à la maison, en éduquant la société.
Jessica Newton : Le pire c’est sans doute qu’on ne parle que des cas rapportés officiellement. 2/3 des femmes péruviennes ont été violentées ! C’est un scandale mondial ! Ce n’est pas possible d’être préoccupé par autant d’autres sujets et qu’on laisse de côté la situation des femmes dans le pays.
(Dans le tweet ci dessous, une internaute écrit à propos du mot dièse #Perupaisdevioladores : "Cela se produit lorsqu'un pays n'est pas suffisamment éduqué.")
Esto sucede cuando no se educa de manera adecuada a un país.#PeruPaisDeVioladores https://t.co/XagffvpH6S
— Fanny Brigitte (@fbpa_01) 3 novembre 2017
Terriennes : Quelle est la prochaine étape ?
Romina Lozano : On a présenté beaucoup de chiffres, de problèmes. Désormais, on va devoir se fixer des objectifs, des priorités. On sait qu’on ne pourra pas changer les choses tout de suite. Mais, on va s'en donner les moyens à court terme et à long terme. Miss Pérou va devenir une plateforme plus large.
Jessica Newton : On va devoir s’allier avec d’autres organisations pour aider les femmes qui n’arrivent pas à dénoncer les violences dont elles sont victimes. On vit dans une culture ou la femme se sent encore coupable quand elle est agressée. Et c’est une honte. Il va aussi falloir arpenter tout le pays. D’une région à l’autre, les questions ne sont pas les mêmes. Dans les montagnes par exemple, c’est un problème d’alphabétisation avec les enseignants qui abusent des élèves. Chaque région a ses spécificités qu’il va falloir appréhender les unes après les autres.