Fil d'Ariane
915 femmes, dont plus de 600 mineures, ont disparu au Pérou pendant les trois mois et demi de confinement imposé par la pandémie de la COVID-19. Or les autorités savent que derrière chaque disparition, ou presque, il y a une violence de genre.
Une femme et sa fille promenant leur chien à Barranco, un quartier de Lima, au Pérou, le 27 juin 2020.
Comme dans beaucoup de pays, les violences faites aux femmes, déjà endémiques au Pérou, ont redoublé dans le contexte de la crise sanitaire, accentuées par le manque de volonté des autorités de systématiser les recherches. Si l'on peut penser que, confinées, les femmes évoluent dans un environnement plus protégé, 471 femmes, filles et adolescentes ont disparu en mars au Pérou. Et puis en avril, mai et juin, malgré le maintien du confinement, les chiffres n'ont cessé de grimper.
"Toutes les trois heures, une femme disparaissait, résume le site d'investigation en espagnol Convoca. Un chiffre qui mettrait n’importe quel pays en alerte, mais pas le Pérou, où les violences faites aux femmes semblent être devenues naturelles." Fin juillet, Eliana Revollar, adjointe du Défenseur du peuple pour les droits de la femme au Pérou, le signalait dans les médias : "Du 16 mars au 30 juin, on a signalé 915 femmes disparues au Pérou".
Derrière une disparition, il y a un acte de violence.
Eliana Revollar, adjointe du Défenseur du peuple pour les droits de la femme
En 2019, 166 féminicides ont eu lieu au Pérou, dont un sur dix avait été, dans un premier temps enregistré comme une disparition... "Nous savons tous que la disparition d'une femme est liée à un problème de violence de genre, explique Eliana Revollar. Derrière une disparition, il y a un acte de violence préalable. Il peut y avoir un fémicide ou d'autres crimes, comme la traite, l'exploitation sexuelle, le viol."
Le Pérou est le deuxième pays d'Amérique latine comptant le plus de cas de nouveau coronavirus (plus de 384 000), derrière le Brésil, et le troisième en nombre de décès (plus de 18 000), après le géant sud-américain et le Mexique.
Si certaines disparues sont réapparues par la suite, on ne sait pas combien manquent toujours à l'appel, faute d'un registre national de la police. "Il y a une résistance de la police à enquêter sur ces affaires. Nous exigeons que l'on mette en place le registre national des personnes disparues", réclame Eliana Revollar. Un registre dont la création a pourtant été décidée en 2003 pour centraliser les affaires de disparition, faciliter les recherches et fournir des informations aux familles.
https://t.co/MhKuV1l6zy this lockdown has set women back enormously... In Peru, disappearances have almost doubled with a greater number of minors going missing.
— Jodi Koberinski (@JodiKoberinski) August 2, 2020
Il n'existe pas non plus au Pérou de site Internet fiable répertoriant les informations utiles pour retrouver une disparue. Le ministère de la Femme et des Populations vulnérables se défausse sur le bureau de l'Intérieur ; quant à la division chargée des personnes disparues de la police, elle ne s'exprime pas, explique Convoca.
C'est donc le défenseur du peuple, dont la mission consiste à défendre les droits des citoyens face à l'administration, qui dispose du tableau le plus proche de la réalité. "Nous devons savoir ce qui leur est arrivé", insistait dans les médias Walter Gutiérrez, défenseur du peuple. Et d'ajouter : "Les petites filles et les adolescentes représentent 70% des disparues".
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