Fil d'Ariane
Dans ce spectacle décapant de 90 minutes, l’humoriste n’a ni filtre ni tabou : elle parle de sexualité, de sa crise existentielle de la quarantaine, ses séances chez une psy, la découverte de son premier poil pubien gris, sa séance d’épilation au laser, ses rencontres sur Tinder et ses amants de passage, ses séances de masturbation, de consommation de pornographie et de sa découverte de la porno féministe, etc… le tout avec des propos très crus et audacieux qui sont plus souvent qu’autrement très drôles.
Je ne voulais pas me censurer. Je n’en avais pas envie, je suis un peu tannée de cette espèce de règle qui dit que les hommes ont le droit des choses, les femmes ne peuvent pas.
Mélanie Ghanimé
« Je ne voulais pas me censurer, explique Mélanie. Je n’en avais pas envie, je suis un peu tannée de cette espèce de règle qui dit que les hommes ont le droit des choses, les femmes ne peuvent pas, etc. En ce qui concerne la pornographie par exemple, j’ai fait des recherches et j’ai découvert qu’il existe une pornographie que l’on dit féministe parce qu’elle se fait dans le respect des femmes qui en font, alors j’ai voulu passer le message dans mon spectacle que oui, cette pornographie existe et que c’est mieux de regarder de la porno féministe que celle qui ne l’est pas ».
Car féministe, la jeune femme l’est et le revendique à 100% : « Il faut savoir que moi, j’avais normalisé beaucoup dans mon éducation le principe de la dévalorisation parce que j’étais une fille. Cela ne fait pas longtemps que je suis revenue de ça, je me suis rendue compte que c’était ancré en moi et je me suis dit : oh mon Dieu c’est terrible parce que je fais partie du problème. Mais le mouvement #MeeToo #MoiAussi a été tout un réveil pour moi : c’est comme si je revoyais tous les moments où je n’avais rien dit dans ma vie. Par exemple, ces moments où je passais des entrevues pour un travail et où on me demandait : toi, tu fais les entrevues la porte ouverte ou la porte fermée ?... Alors quand j’ai vu toutes ces femmes parler, raconter, ça m’a tellement saisi, je me suis dit : oh my god, le nombre de fois où on ne dit rien, parce qu’on a peur de perdre sa job, parce qu’on ne veut pas déranger, parce qu’on se dit que c’est comme ça… C’est assez ! ».
Pour Mélanie, le rayonnement de ce mouvement s’est fait partout et il a éveillé les consciences sur beaucoup de problématiques dans nos sociétés. « On la voit la différence maintenant » estime-t-elle.
Le milieu de l’humour québécois a d’ailleurs été fortement ébranlé par ce mouvement #MeToo #MoiAussi parce qu’un personnage central dans ce milieu, Gilbert Rozon, le fondateur du festival Juste pour Rire, a été accusé par des dizaines de femmes d’agressions et d’harcèlement sexuel. « Cette affaire Rozon a été une commotion dans le milieu humoristique québécois et c’est une bonne chose, affirme Mélanie. Car c’est encore un « boys club » l’humour, il y a encore beaucoup de travail à faire et des luttes à mener pour sortir de ce système ».
Elle donne l’exemple d’invitations qu’elle reçoit de festivals parce qu’elle est une fille, parce qu’il faut qu’il y ait au moins une fille dans le festival, et ça, ça la choque ! « Moi je veux qu’on vienne me chercher parce que je suis moi, Mélanie Ghanimé, pas parce que je suis une fille » conclut-elle.
Ces questions, et d'autres, traversent son spectacle...
@MelanieGhanime est contente que les cours d'éducation sexuelle soient de retour dans les écoles, mais elle se demande si c'est une bonne idée que ce soit les profs des autres matières qui les donnent... #HEG_TQ (À voir ici --> https://t.co/N52MmjBpU2) pic.twitter.com/WTFmc8kAPA
— L'heure est grave (@HEG_TQ) 15 novembre 2018
Il y a beaucoup d’humoristes au Québec – pas pour rien qu’il existe même une école de l’humour à Montréal, unique en son genre d’ailleurs – mais peu de femmes se lancent dans cette carrière car les défis y sont nombreux.
« Dans mon cheminement personnel, dans mes prises de conscience, de ce que je me donne le droit de faire, de la valeur que je me donne, mon défi, c’est de passer par-dessus mes vulnérabilités pour m’assumer à 100% et me donner tous les droits, pour moi c’est ça mon défi. Chaque humoriste fait ce métier pour ses raisons, moi, mon cheval de bataille dans la vie, c’est me donner le droit d’être qui je suis. J’aime avoir l’humilité de le partager avec des gens, y compris mes échecs. J’ai un contact direct avec les gens en partageant avec eux ma quête de moi-même » déclare l’humoriste.
Mélanie Ghanimé ne croit pas qu’il existe un humour québécois ou un humour français, elle estime plutôt que l’humour est universel, même s’il existe toute sorte d’humour avec des références culturelles qui varient selon la société dans laquelle on vit. « Le rire, c’est souvent provoqué par des effets de surprise. Et pour moi, l’émotion c’est vraiment au centre de ma créativité, et l’émotion c’est universel. Quand on découvre son premier poil pubien gris, c’est universel ! » dit-elle dans un éclat de rire. Un état d'esprit qui irrigue son compte twitter...
C’fait que je roulais en voiture, au soleil, j’ai eu un moment de gratitude, j’ai inspiré le soleil, profondément et là j’ai vu la femme dans la voiture de droite, manger sa crotte de nez.
— Mélanie Ghanimé (@MelanieGhanime) 26 octobre 2018
Hashtag gratitude en esti
Bon week-end !! #hashtaggratitudeenesti #coucoujetaivu
Je suis devenue bonne sur scène en humour quand j’ai arrêté de vouloir recevoir l’autorisation des gens pour faire ce que je faisais. Et ça a tout changé, tout !
Mélanie Ghanimé
Cette travailleuse acharnée veut maintenant améliorer son improvisation quand elle interagit avec son public. Elle adorerait aller jouer dans le reste de la Francophonie, ou participer au célèbre festival de l’humour à Marrakech. Mais avant, elle se donne l’objectif de se faire découvrir par le grand public québécois, qui ne la connait pas encore vraiment, en allant à sa rencontre lors de cette prochaine tournée.
Elle fait partie de cette couvée de jeunes humoristes québécois qui n’ont peur de rien et qui n’ont pas leur langue dans leur poche. Il faut appeler un chat, un chat. Avec Mélanie, « What you see is what you get » comme on dit au Québec : elle a une belle authenticité sur scène et elle y est comme elle est dans la vie : entière, intense, et drôle.
« Je suis devenue bonne sur scène en humour quand j’ai arrêté de vouloir recevoir l’autorisation des gens pour faire ce que je faisais. Et ça a tout changé, tout ! Hier je ne suis pas montée sur scène pour prouver aux gens que je valais la peine. Je suis montée sur scène pour m’amuser d’abord et avant tout. Ce n’est pas la même chose ». C’est simple : on prend Mélanie Ghanimé comme elle est, ou on ne la prend pas !