Fil d'Ariane
« Bonjour, mon nom est Caroline Boudoux, je suis professeure en génie physique à l'École Polytechnique de Montréal. Mon laboratoire travaille sur les méthodes optiques permettant d'améliorer l'imagerie médicale. » Elle a 39 ans et dans son domaine, elle a tout de la super star. Diplômée d'un programme conjoint de Harvard et du Massachusetts Institute of Technology en sciences et technologie de la santé, Caroline Boudoux est également entrepreneure et auteure d'un nouveau manuel scientifique. Rien ne l'arrête.
Son laboratoire est un véritable lieu de création. Tout y est mis en oeuvre pour une utilisation optimale de la fibre optique afin d'observer le corps de l'intérieur, de détecter les anomalies, de débusquer les tumeurs, par exemple. Caroline Boudoux en a fait son expertise.
Son équipe d'étudiants compte trois hommes et quatre femmes. « J’aime bien que les femmes prennent leur place en génie, qu'elles s'y sentent de plus en plus à l'aise. »
Caroline Boudoux se sent investie d'une mission : faire en sorte que les femmes marchent dans son sillage.
La partie est loin d'être gagnée, car si les femmes sont plus présentes au premier cycle, plusieurs études démontrent qu'elles disparaissent progressivement lors du passage aux cycles supérieurs et sur le marché du travail, dans les postes de direction.
Du haut de ses 24 ans, Myriam Latulippe a, elle, décidé de pourfendre les préjugés qui perdurent chez ses pairs : « T’es dans un domaine pis tu peux pas juste être dans un domaine, faut que tu te surpasses, parce que faut que tu te démarques parce que t'es une fille dans un milieu d'hommes. »
Attirer les femmes , changer les mentalités, les efforts commencent à porter fruit. En astrophysique, par exemple, la parité homme-femme est atteinte. Dans d'autres domaines, notamment en intelligence artificielle, des changements s'opèrent.
C’est dans ce domaine, intelligence artificielle dans le milieu médical que Lisa Di Jorio travaille : « Les modèles qu'on reflète en intelligence artificielle reflètent leurs programmeurs, leurs créateurs. Comme très souvent ils sont programmés par les stéréotypes l'homme blanc hétérosexuel, on a de plus en plus de demandes de mixité d'un point de vue genre, d'un point de vue nationalité ».
Caroline, Myriam, Lisa, trois femmes qui croient qu'une transformation en profondeur est inéluctable. Même s'il reste du chemin à parcourir, elles espèrent que le point de bascule est en vue.
Une étude de l’office canadien des statistiques, réalisée en 2016, fournit des données sur les femmes âgées de 25 à 64 ans qui occupent des professions dans le domaine des sciences naturelles et appliquées au Canada, à l’aide des recensements de 1991 et 2001 et de l’Enquête nationale auprès des ménages (ENM) de 2011. Les conditions d’emploi des hommes et des femmes dans ces professions y sont également examinées au moyen de données provenant de l’Enquête sur la population active (EPA).
En dépit des progrès importants réalisés par les femmes sur le plan de la scolarité et de la participation au marché du travail, celles-ci demeurent sous-représentées au sein des professions associées aux sciences naturelles et appliquées — qui offrent en moyenne des salaires relativement élevés, alors qu’elles sont sur-représentées dans les professions liées à l’enseignement primaire et secondaire et à la santé qui, en comparaison, offrent des salaires moins élevés. Bien que l’écart salarial entre les hommes et les femmes ait eu tendance à rétrécir au fil du temps, le domaine d’études est un élément qui pourrait expliquer une partie de l’écart salarial, au même titre que les différences en heures travaillées, en nombre d’années d’expérience ou que la présence d’enfants.
Les femmes demeurent moins représentées dans les professions scientifiques, particulièrement parmi celles qui nécessitent une formation de niveau universitaire. La sous-représentation des femmes dans les professions scientifiques est attribuable en partie à leur faible présence dans les domaines d’études liés aux sciences, aux technologies, au génie et aux mathématiques (STGM), et ce, malgré les efforts déployés pour les attirer. Selon l’Enquête nationale auprès des ménages (ENM) de 2011, la part des femmes au sein des diplômés en STGM était de 33 % au niveau universitaire alors que celles-ci constituaient près des deux tiers des diplômé.e.s dans les domaines autres que les STGM.
Parmi les travailleurs âgés de 25 à 64 ans, la part des femmes dans les professions scientifiques est passée de 18 % en 1991 à 23 % en 2011 pour les professions de niveau universitaire, et de 14 % à 21 % dans le cas des professions scientifiques de niveau collégial. En ce qui concerne les professions scientifiques de niveau universitaire toutefois, la hausse s’est principalement produite de 1991 à 2001.
Les femmes étaient à l’origine de 27 % de la croissance totale des effectifs dans les professions scientifiques de niveau universitaire observée de 1991 à 2011, mais de 75 % de la croissance des effectifs dans les professions non scientifiques de niveau universitaire.
Les conditions d’emploi restent plus avantageuses pour les hommes dans le cadre d'une profession scientifique : les hommes y gagnent 9 % de plus que les femmes en moyenne.
Publiée en janvier 2017, une enquête menée par l’office des statistiques du Québec cherche à comprendre : « la place des femmes dans la recherche scientifique en sciences sociales, en sciences humaines et en sciences de la santé est aujourd’hui bien établie. Toutefois, leur participation en sciences pures et appliquées demeure beaucoup plus limitée. »
Sur le plan des effectifs universitaires, une décroissance est observée pour la part des femmes parmi les nouveaux diplômés en sciences pures et appliquées, et ce, aux trois cycles des études universitaires. En contrepartie, la part des femmes parmi les postdoctorants a progressé, d’une période étudiée à l’autre, pour atteindre 32,1 % durant la période allant de 2004 à 2007.
Née le 7 novembre 1867 à Varsovie, la jeune Marya Salomea Sklodowska quitte sa Pologne natale en 1891 pour étudier à la Sorbonne. Brillante et volontaire, elle décroche une licence de physique puis une licence de mathématiques en 1894, année de sa rencontre avec Pierre Curie. Ils se marient l'année suivante. A la mort de celui-ci en 1906, elle succède à son mari comme chargée de cours de physique à la Sorbonne, tout en élevant seule ses filles, Irène et Eve.
Veuve depuis plusieurs années, la quadragénaire a une liaison avec le physicien Paul Langevin. Elle se met alors à porter une jolie robe blanche, comme le montrent des photos sur plaques de verre. Mais l'épouse de Paul Langevin porte plainte contre elle et la presse révèle l'affaire fin 1911. "Le coeur d'une femme a des aspirations que la science ne suffit pas à satisfaire", écrit Le Petit Journal. Le scandale met fin à leur romance.
En décembre de la même année, Marie Curie reçoit le prix Nobel de Chimie. Elle est encore à ce jour la seule femme au monde à avoir eu deux prix Nobel. Pendant la guerre de 1914-1918, Marie Curie participe à la conception d'unités chirurgicales mobiles de radiologie. Elle n'hésite pas à se rendre elle-même sur le front au volant d'une de ces voitures.