Fil d'Ariane
Au Royaume Uni, les femmes ne pourront plus être poursuivies après avoir avorté au-delà de la limite des 24 semaines de grossesse. Plusieurs femmes ont été jugées en Angleterre ces trois dernières années pour avoir mis fin à leur grossesse en dehors du cadre autorisé, conformément à un texte de loi vieux de 152 ans.
Des manifestants brandissent des pancartes lors d'une marche de soutien au groupe Abortion Rights, à Londres, le 9 juillet 2022.
Au Royaume-Uni, une femme sur trois recourt à l'IVG au cours de sa vie. Dans un pays où 85 % de la population se dit favorable au droit à l’avortement – soit l’un des taux les plus élevés du monde – il était temps d'écrire un nouveau chapitre pour le droit des femmes à disposer de leur corps.
La loi de 1967 a permis la libéralisation de l’avortement en Angleterre, en Écosse et au pays de Galles, jusqu'à 24 semaines de grossesse. Seulement voilà, passé ce délai, le risque était la prison. Selon un texte de 1861, il est même prévu l’emprisonnement à vie “de toute femme se livrant à l’interruption illégale d’une grossesse”.
Mardi 17 juin 2025, les députés britanniques ont voté pour l'abolition des poursuites pénales à l'encontre des femmes recourant à une interruption de grossesse hors délai, en adoptant un amendement déposé par la députée travailliste Tonia Antoniazzi.
Ce changement, qui sera valable en Angleterre et au Pays de Galles, a été approuvé par une large majorité à la chambre des Communes, avec 379 voix pour et 137 voix contre. Il était soutenu par une cinquantaine d'organisations, dont le principal syndicat de médecins BMA, des associations de défense des droits des femmes et des cliniques pratiquant l'avortement.
(Re)voir Royaume-Uni : des zones tampons autour des cliniques d'avortement
Plusieurs affaires ont choqué l'opinion ces dernières années. Parmi elles, celle de Nicola Packer. Cette Britannique de 45 ans a été innocentée en mai 2025 à l'issue d'un procès éprouvant. Cette femme avait découvert sa grossesse en novembre 2020, pendant la pandémie de Covid-19, et s'était fait prescrire des médicaments abortifs à prendre à domicile, pensant être enceinte de six semaines. Mais elle était en réalité enceinte d'environ 26 semaines, bien au-delà de la limite légale pour une IVG.
Après avoir accouché chez elle d'un fœtus mort dans des conditions traumatisantes et s'être fait opérer en urgence à l'hôpital, Nicola Packer a été dénoncée à la police qui l'a placée en garde à vue, avant d'être poursuivie.
En 2023, le cas d'une autre femme avait ému le pays. Carla Foster, alors âgée de 44 ans, avait été condamnée à vingt-huit mois de prison, dont quatorze fermes, pour avoir volontairement mis un terme à sa grossesse au-delà des 24 semaines prévues par la loi. A l'époque, la presse de droite comme de gauche s’en était indignée, réclamant une évolution de la législation.
Six femmes ont été jugées en Angleterre ces trois dernières années pour avoir mis fin ou tenté de mettre fin à leur grossesse en dehors du cadre autorisé. Tonia Antoniazzi, députée travailliste
Sur la BBC, Tonia Antoniazzi a déclaré que la police avait enquêté sur "plus de cent femmes soupçonnées d'avortement illégal ces cinq dernières années, y compris des femmes qui ont subi des fausses couches naturelles" ou ont accouché d'enfants morts-nés.
Selon une loi datant de 1861, l'avortement reste une infraction pénale en Angleterre et au Pays de Galles, et peut entraîner une peine d'emprisonnement pouvant en théorie aller jusqu'à la perpétuité.
Adoptée à l’origine par un parlement exclusivement masculin élu par des hommes uniquement, cette loi victorienne est de plus en plus utilisée contre les femmes et les filles vulnérables Tonia Antoniazzi, députée travailliste
Aujourd'hui encore, "des femmes sont arrêtées sur leur lit d'hôpital, amenées à la police et soumises à des enquêtes pénales lorsqu'elles sont soupçonnées d'avoir mis fin à leur grossesse", s'était indignée auprès de l'AFP la députée travailliste, avant le vote à la Chambre des communes. "Adoptée à l’origine par un parlement exclusivement masculin élu par des hommes uniquement, cette loi victorienne est de plus en plus utilisée contre les femmes et les filles vulnérables", a-t-elle lancé devant les député.e.s.
La loi sur l'avortement de 1967 a introduit des exceptions pour légaliser l'IVG sous certaines conditions : avant 23 semaines et six jours de grossesse, et sous l'égide d'un professionnel de santé. Après ce délai, cette procédure n'est autorisée que si la vie de la mère est en danger, ou s'il existe un risque important que l'enfant naisse avec un handicap grave.
Avant le vote, le groupe anti-avortement Society for the Protection of Unborn Children, avait qualifié cette proposition de "plus grande menace pour les enfants à naître depuis des décennies".
Une fois le texte définitivement adopté par le Parlement, plus aucune femme ne pourra être poursuivie, quel que soit l'avancement de sa grossesse. Néammoins, l'amendement qui a été adopté ne change pas la durée légale pour procéder à une IVG, et toute personne aidant une femme à avorter hors délai ou hors cadre médical resterait passible de poursuites.
En Grande-Bretagne, l'avortement a été partiellement légalisé par la loi sur l'avortement de 1967, qui autorise les avortements jusqu'à 24 semaines de grossesse si deux médecins sont d'accord. Les avortements plus tardifs sont autorisés dans certaines circonstances, notamment en cas de danger pour la vie de la mère.
“C’est le plus grand pas en avant depuis soixante ans”, applaudit The Guardian, comme le rapporte Le Courrier International. “Les femmes qui mettent un terme à leur grossesse en dehors des règles fixées, c’est-à-dire au-delà de la limite des 24 semaines ou via l’achat de pilules abortives en ligne, ne seront plus sous la menace d’une arrestation voire d’une peine de prison”, décrypte le quotidien britannique. Une fois ratifié, ce changement législatif devrait entrer en vigueur dans les prochaines semaines.
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