Au sommet du pouvoir chinois, où sont les femmes ?

Elles représentent la moitié de la population, mais brillent par leur absence dans les hautes sphères du pouvoir. La Chine n'a jamais eu de présidente, de Première ministre ni même de femme ministre des Affaires étrangères. A l'issue de son récent remaniement, l'instance de décision du PC ne compte plus aucune femme. Du jamais vu en un quart de siècle.
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Bureau politique Chine
©AP Photo/Ng Han Guan
Le président chinois Xi Jinping entouré des nouveaux membres du Comité permanent du Bureau politique à Beijing, le23 octobre 2022. 
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Chinoises dans une rue commerçante de Beijing
©AP Photo/Andy Wong
Chinoises dans une rue commerçante de Beijing, lors de la Fête nationale, le 2 octobre 2022.
 
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Largement représentées dans la population active, les Chinoises restent les grandes absentes des plus hauts niveaux du Parti communiste et du gouvernement. Elles sont les grandes absentes du remaniement annoncé le 23 octobre 2022 par le Parti communiste, et leur situation dans les hautes sphère semble même s'aggraver, puisque le tout-puissant Comité permanent du Bureau politique – l'instance de décision du PCC – ne compte plus que des hommes. 

Recul des femmes au Comité central

Au Comité central, le "parlement du parti", le pourcentage de femmes a reculé : il passe de 5,4% à 4,9%, avec seulement 11 femmes sur 205 membres. Quant au Comité permanent, rien ne change. Le groupe de sept personnes qui détient les rênes du pouvoir est toujours uniquement composé d'hommes.

"Les femmes continuent d'être fortement sous-représentées au sommet de la politique chinoise", se désole la lettre d'information spécialisée Neican China. "Pour mémoire, les femmes représentent 48,8% de la population chinoise et 29,4% des membres du parti communiste", souligne-t-elle.

Sun Chunlan, la "dame de fer" : une exception

Seule femme présente jusque-là au Bureau politique, qui compte 25 membres, Sun Chunlan vient de prendre sa retraite à l'âge de 72 ans. Vice-Première ministre en charge des politiques sanitaires, Sun Chunlan était régulièrement envoyée inspecter les villes confrontées à des rebonds épidémiques. Ancienne cheffe du parti dans la province côtière du Fujian, dans l'est du pays, et de la ville de Tianjin, près de Pékin, elle était surnommée la "dame de fer" en raison des mesures strictes qu'elle ordonnait sur son passage.

Mais Sun Chunlan restait une exception dans la politique chinoise, dominée par les réseaux de camaraderie masculine et un sexisme bien ancré qui a souvent coupé court à des carrières prometteuses, notent plusieurs analystes.

Sun Chunlan
Clôture de l'Assemblée populaire nationale de Chine à Pékin, le 20 mars 2018 : de gauche à droite, les vice-premiers ministres Sun Chunlan, Hu Chunhua et Liu He.
©AP Photo/Mark Schiefelbein

Depuis 1948, le Bureau politique du PCC n'a admis en son sein que huit femmes, dont seules trois ont atteint le poste de vice-Première ministre. Médias et observateurs espéraient que Sun Chunlan soit remplacé par une autre femme. Soit Shen Yueyue, dirigeante de la Fédération des femmes chinoises, ou Shen Yiqin, cheffe du parti dans la province du Guizhou (sud). 

Mais aucune femme n'a été promue.

"La moitié du ciel"... mais pas du bureau politique

Il semble bien loin le slogan proclamé dans les années 1950 par le fondateur du régime Mao Tsé-toung, qui dirigea la Chine de 1949 à 1976 : "Les femmes portent la moitié du ciel".

"Je ne vois pas comment les femmes sont censées 'porter la moitié du ciel' en Chine si elles ne sont pas autorisées à faire partie du Bureau politique", s'interrogeait sur Twitter Jacob Gunter, analyste à l'Institut Mercator d'études chinoises (Merics).

Pour Minglu Chen, professeure à l'université de Sydney, "l'engagement du Parti communiste chinois envers les droits des femmes est plus un engagement pour améliorer leurs droits économiques. L'idée du parti est que les femmes rejoignent le monde du travail", avance-t-elle. Mais dans une société encore très conservatrice, cette étape est déjà difficile à franchir : "Beaucoup de femmes disent avoir du mal à combiner les rôles de bonne mère, épouse et employée", note l'universitaire.

Chinoises Mao
Ouvrières défilant en Chine, le 25 janvier 1967. Certaines portent un brassard de gardes rouges. 
©Photo AP

Le cercle vicieux de la discrimination 

Pour progresser dans sa carrière, notamment en politique, il faut aussi souvent passer par des moments de socialisation, notamment lors de repas arrosés où l'atmosphère est essentiellement masculine. A commencer par l'entourage de Xi Jinping. "La plupart des anciens collègues masculins de Xi, dans les provinces du Zhejiang et du Fujian, font désormais partie du Bureau politique", observe Victor Shih, professeur de sciences politiques à l'université de Californie de San Diego.

Si les quotas avaient été strictement appliqués, on commencerait à en voir les fruits... La situation actuelle est aussi le résultat de la domination d'un seul parti.
Minglu Chen, professeure à l'université de Sydney

"Pourtant, aucune de ses ex-collègues femmes n'a réussi à entrer au Bureau politique, ni même à obtenir des postes de direction au niveau provincial, déplore l'universitaire. La discrimination aux niveaux les plus bas, empêche d'obtenir ensuite des postes plus élevés", souligne Victor Shih.

Des quotas, mais pas de contrôle

La Chine a, certes, mis en place, en 2001, un système de quotas exigeant la présence d'au moins une femme à tous les niveaux du gouvernement et du parti, hormis au Bureau politique. Mais faute de mécanisme de contrôle, il n'est pas vraiment respecté. "Si un meilleur système de quotas avait été mis en place et strictement appliqué, alors on commencerait à en voir les fruits", estime Minglu Chen. La situation actuelle "est aussi le résultat de la domination d'un seul parti", estime-t-elle.