Fil d'Ariane
Dans le chaos de la guerre pour le pouvoir qui oppose soldats et paramilitaires à Khartoum, au Soudan, les belligérants se livrent à des violences sexuelles généralisées. Tel est le constat que dresse l'ONG Human Rights Watch.
Protestations contre les violences faites aux femmes et demandant la libération de tous les détenus devant le bureau des droits de l'homme de l'ONU à Khartoum, au Soudan, le 2 février 2022.
Depuis New York, l'ONG Human Rights Watch a recueilli la parole de 42 soignants et acteurs de terrain dans la capitale soudanaise, Khartoum. Ces témoignages font état de 262 cas de violences sexuelles entre le début de la guerre, en avril 2023, et février 2024. Des violences, dont des "viols et viols collectifs", qui touchent principalement "des femmes et des filles âgées de neuf à 60 ans", précise le rapport publié le 29 juillet 2024.
Parmi les victimes de violences sexuelles traitées par les professionnels de santé interrogés par HRW, "au moins quatre femmes sont décédées des suites" des blessures qui leur ont été infligées. Le rapport de 88 pages décrit également "des conditions qui pourraient s'apparenter à de l'esclavage sexuel".
Les Forces de soutien rapide (FSR) sont notamment accusées d'avoir "violé individuellement et collectivement et forcé à se marier un nombre innombrable de femmes et de filles dans les quartiers résidentiels de la capitale soudanaise", affirme Laetitia Bader, directrice adjointe Afrique de HRW.
Si la plupart des témoignages pointent les Forces de soutien rapide, l'armée est aussi mise en cause. Bien que "moins nombreux", les cas imputés à l'armée signalés à l'ONG ont "augmenté" depuis sa "prise de contrôle d'Omdourman", la banlieue nord-est de Khartoum, début 2024. HRW accuse spécifiquement les FSR de "crimes de guerre et de crimes contre l'humanité", et les deux parties de "crimes de guerre" pour leurs attaques sur le système de santé.
La guerre qui oppose depuis plus de quinze mois l'armée, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, aux Forces de soutien rapide (FSR) de son ex-adjoint, le général Mohamed Hamdane Daglo, a fait des dizaines de milliers de morts.
La guerre a aussi ravagé les infrastructures du pays, dont les hôpitaux et centres de soins : "Les attaques des belligérants sur le système de santé et le personnel médical", couplées "aux restrictions imposées aux déplacements des civils, aux combats en cours dans les zones peuplées et à l'obstruction délibérée de l'aide" ont notamment rendu indisponibles "les soins de santé d'urgence après un viol", dénonce le rapport de HRW.
Les femmes avaient déjà du mal à accéder à la contraception d'urgence, aux médicaments abortifs et aux médicaments antiviraux à la suite d'un viol. Aujourd'hui, certaines cherchent, en vain, à interrompre leur grossesse.
Selon Human Watch Rights, difficile d'évaluer l'ampleur des violences sexuelles. Les victimes hésitent à témoigner par crainte d'être stigmatisées, par méfiance à l’égard du système judiciaire, à cause de l’effondrement des institutions et de la peur des représailles.
Toujours est-il que, dès février 2024, le bureau des droits de l'homme de l'ONU alertait dans un rapport sur des dizaines de viols et autres formes de violence sexuelle, y compris sur des enfants, dans le cadre du conflit au Soudan. Autant d'agressions pouvant être assimilées à des crimes de guerre. Le rapport onusien révélait qu’au 15 décembre 2023, au moins 118 personnes avaient été victimes de violences sexuelles, notamment de viols, de viols collectifs et de tentatives de viol, dont 19 enfants, la plupart perpétrés par les Forces de soutien rapide, dans l'espace public ou au sein des foyers. Le rapport citait le calvaire d'une femme soumise à des viols collectifs pendant 35 jours, mais il indiquait aussi que seulement quatre victimes avaient signalé ces violences aux autorités.
En août 2023, déjà, alors que le pays entrait dans son quatrième mois de conflit, Human Rights Watch accusait les forces paramilitaires de soutien rapide de s'en être pris à des femmes et des jeunes filles de la région du Darfour occidental. Dans une déclaration séparée, une trentaine d'experts des Nations unies les accusaient aussi de viols et de violences sexuelles contre des femmes et des filles.
En conclusion de son rapport de juillet 2024, Human Watch Rights appelle l'ONU et l'Union africaine à "déployer d'urgence une force de protection des civils" au Soudan.
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