Fil d'Ariane
La pilule abortive est utilisée dans plus de la moitié des avortements aux Etats-Unis. Dans ce pays où l'accès à l'IVG ne cesse de se durcir, elle fait l'objet d'une bataille judiciaire au point que, désormais, la Cour suprême s'en saisit.
Face à face devant la Cour suprême, le 21 avril 2023, à Washington : une manifestante pour le droit à l'avortement et un manifestant anti-avortement.
Il s'agira de l'intervention la plus importante de la Cour suprême des Etats-Unis sur la question de l'avortement depuis le séisme qu'elle a provoqué en annulant la garantie constitutionnelle à l'IVG en juin 2022. L'onde de choc n'a pas fini de se répercuter dans ce pays où l'avortement, dans certains Etats comme le Texas, la Louisiane ou le Mississippi, est purement et simplement interdit, sauf si la vie de la femme est en danger, mais même en cas de viol ou d'inceste.
C'est ce 13 décembre 2023 que la Cour suprême, la juridiction qui tranche les grands débats de société aux Etats-Unis, a annoncé qu'elle va se prononcer sur la décision de la cour d'appel de la Nouvelle-Orleans qui restreint l'utilisation de la pilule abortive. Cette décision, pour le moment suspendue, pourrait s'appliquer à l'ensemble des Etats américains si l'institution penchait en sa faveur. La juridiction suprême des Etats-Unis va étudier le dossier dans les prochains mois pour rendre une décision d'ici la fin de sa session annuelle, en juin 2024.
La question est celle de l'accès à la mifépristone, plus connue sous la désignation de RU 486 qui, combinée au misoprostol , a été utilisée par 5,6 millions de femmes depuis son agrément par l'Agence américaine du médicament, la FDA, en 2000, soit plus de la moitié des avortements aux Etats-Unis, selon l'institut Guttmacher, spécialiste du sujet. Les avortements utilisant mifépristone et misoprostol dans le délai autorisé sont très sûrs et efficaces, martèlent tous les experts.
La composition actuelle de la Cour n'augure pas une bonne décision. Plan C
Le casse-tête judiciaire a commencé le le 7 avril 2023, lorsqu'un juge fédéral au Texas, nommé par Donald Trump et connu pour sa foi chrétienne et ses positions ultra-conservatrices, a retiré l'autorisation de mise sur le marché de la mifépristone après avoir été saisi par des militants anti-avortement.
En dépit du consensus scientifique, Matthew Kacsmaryk a estimé qu'elle présentait des risques pour la santé des femmes.
La cour d'appel fédérale de la Nouvelle-Orléans a ensuite permis que la pilule abortive reste autorisée, mais en limitant les facilités d'accès accordées par la FDA au fil des ans.
C'est cette décision de la cour d'appel de la Nouvelle-Orléans qui sera étudiée au fond par les neuf sages à Washington, à la demande du gouvernement du démocrate Joe Biden et du fabricant de la pilule, le laboratoire Danco.
"Nous espérons que les juges vont maintenir l'autorité scientifique de la FDA dans ce dossier sans fondement", déclare le réseau d'information sur les pilules abortives Plan C. "Mais la composition actuelle de la Cour" et sa décision de juin 2022 "n'augurent pas une bonne décision."
Une confirmation de la décision de la cour d'appel de la Nouvelle-Orléans, rendue en août 2023, se traduirait par une réduction du délai pour bénéficier d'une IVG – sept semaines de grossesse maximum au lieu de dix –, une interdiction de l'envoi de la pilule abortive par la poste et le rétablissement de l'obligation de prescription exclusivement par un médecin.
La FDA "a placé la politique devant son devoir de protéger la santé et la sécurité, avec des résultats dramatiques", déplore Katie Daniel, de l'organisation Susan B. Anthony, opposée au droit à l'avortement. "La FDA n'est pas au-dessus de la loi, et la justice doit être rendue pour les dégâts qu'elle a causés", ajoute-t-elle.
Le 24 juin 2022, la Cour suprême, à majorité conservatrice à la suite des nominations décidées sous la présidence de Donald Trump, a annulé son arrêt Roe v. Wade qui garantissait depuis 1973 le droit des Américaines à avorter. Depuis, chaque Etat légifère en la matière. Depuis, le pays est fracturé entre la vingtaine d'Etats ayant interdit ou strictement restreint l'accès à l'avortement, principalement situés dans le Sud et le centre du pays, et ceux des côtes qui ont adopté de nouvelles garanties.
Début décembre 2023, une Texane à la grossesse risquée a dû quitter le Texas, où les IVG sont interdites sauf rares exceptions, pour pouvoir avorter, car son foetus est atteint d'une anomalie chromosomique associée à des malformations graves.
Le fait qu'elle ait dû fuir son Etat pour "recevoir les soins dont elle a besoin" est "scandaleux", selon le président Joe Biden qui, avec la vice-présidente Kalama Harris, "restent fermement engagés à défendre l'accès des femmes aux soins en matière de procréation", réaffirme Karine Jean-Pierre, porte-parole de la Maison-Blanche.
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