« Un musée dédié aux vulves, aux vagins et aux personnes qui les portent. » La Londonienne Florence Schechter travaille depuis le printemps dernier à la création d’un musée, le premier au monde selon elle, consacré au vagin. Une proposition insolite derrière laquelle se cache un projet déjà bien construit, intéressant et non dépourvu d’humour, mêlant sexualité, santé et questions de société.
«
Il y a bien un musée sur les pénis en Islande, alors pourquoi ne pas en créer sur le vagin ? » C’est l’argument de Florence Schechter, Londonienne de 26 ans, lorsqu’elle évoque l’origine de son projet. La jeune femme, spécialisée en communication scientifique, a décidé de créer, au Royaume-Uni, un musée, le premier au monde selon elle, dédié au sexe des femmes. C’est en travaillant à la réalisation d’une vidéo You Tube sur le sexe des animaux qu’elle apprit l’existence d’un musée du phallus, situé en Islande.
Après quelques recherches, elle fut surprise de constater qu’il n’existait pas d’équivalent pour l’organe féminin. «
Il y a bien un musée en ligne mais il n’y a pas de bâtiment physique que vous pouvez visiter. » Qu’à cela ne tienne, Florence décida alors d’équilibrer les choses et de se lancer dans cette idée, un peu loufoque, de musée du vagin. Elle y travaille depuis le printemps dernier.
Un enjeu de santé publique
Le musée devrait comporter plusieurs galeries. L’une consacrée à la biologie, à la constitution de l’appareil génital (l’idée est de s’intéresser, bien sûr, aux autres organes périphériques), aux questions de santé, d’orientation et d’identité sexuelle … Une autre prévoit d’aborder le vagin et ses représentations dans l’art et une troisième le rapport qu’entretiennent les sociétés humaines avec cette partie du corps des femmes. «
Il peut d’agir de rites religieux autour des règles mais aussi de l’excision et autres mutilations génitales, des problèmes de violence domestique, d’agressions sexuelles, explique Florence.
Ou encore de s’intéresser à la manière dont les tribunaux ont traité ces cas ».
Une dimension historique devrait aborder le développement de la gynécologie, de la contraception mais aussi les différentes formes d’oppression qu’ont connues les femmes, ou encore la prostitution et le féminisme. Florence compte aussi, via son musée, soutenir diverses associations luttant, par exemple, pour une meilleure représentation des femmes en politique. L’idée serait aussi d’exercer une part de lobbying sur des thématiques comme la décriminalisation de l’avortement. (Hors Irlande du Nord, l’avortement est une procédure commune au Royaume-Uni. Mais il faut l’accord de deux médecins et toute personne contrevenante est en théorie passible de prison à cause d’une loi de 1861 - les poursuites sont toutefois rares aujourd’hui. Des voix, de médecins en particulier, s’élèvent pour obtenir une « décriminalisation » et pour que la décision revienne légalement à la femme concernée).
Pour la Londonienne, l’enjeu est important, ne serait-ce que pour des questions de santé. «
Les gens ne sont pas assez bien informés. » Une étude récemment menée par l’association britannique de lutte contre les cancers, en particulier gynécologiques, «
The Eve Appeal » affirme que près de la moitié des femmes au Royaume-Uni ont des difficultés à localiser le vagin sur un schéma de l’appareil reproducteur féminin. «
Cela n’a peut-être l’air de rien mais beaucoup de personnes ne savent pas non plus identifier des symptômes simples de cancers et puis il y aussi la question de l’infertilité, des MST… », explique Florence.
La sexualité féminine sans tabou
Certaines femmes auraient également du mal à évoquer leurs problèmes sexuels. «
Près d’un tiers des jeunes femmes britanniques ont reconnu avoir évité d’aller chez le docteur parce qu’elles étaient trop embarrassées. » La jeune femme précise que le musée permettrait aussi de rappeler les définitions de «
consentement et d’agression sexuelle. Beaucoup de viols et d’agressions sexuelles ne sont pas dénoncés parce que les gens ont honte et ne savent même pas toujours ce que cela signifie. »
Je trouve ça génial d’entendre quelqu’un parler ouvertement et honnêtement de vagins. Je viens d’une famille plutôt issue de la classe moyenne et l’on ne parlait pas de cela du tout entre nous. C’est tellement rafraîchissant.
Ana, 20 ans
Monter un tel projet n’est pas aisé car cela demande beaucoup d’argent. La jeune femme tente actuellement de collecter des fonds pour ouvrir un musée pop-up, temporaire, à Brighton (sud de l’Angleterre, sur la côte) et espère pouvoir un jour établir un site permanent à Londres. Elle organise aussi pas mal d’événements pour se faire connaître (le musée a tenu sa première expo d’art en août en Écosse et des projections de films, discussions, représentations ont régulièrement lieu à Londres).
Tout cela est encore modeste mais l’idée fait son chemin auprès du public. «
Je trouve ça génial d’entendre quelqu’un parler ouvertement et honnêtement de vagins, sourit Ana, 20 ans, à la sortie d’une discussion autour d’un livre, proposée par le musée.
Je viens d’une famille plutôt issue de la classe moyenne et l’on ne parlait pas de cela du tout entre nous. C’est tellement rafraîchissant. »
De son côté, Athena Lamnisos, directrice générale de The Eve Appeal, salue l’initiative, rappelant que la connaissance de son propre corps est «
absolument vitale. Si nous pouvons éduquer les femmes, leur permettre de connaître leurs vagins depuis leurs vulves de manière innovante et intéressante, à travers des expositions, alors un tel musée ne peut être qu’une bonne chose. » De quoi encourager Florence dans son projet.
Plus d’infos sur le musée du vagin en devenir ici > https://www.vaginamuseum.co.uk/about