Avec la présidence de Hassan Rohani, des pas en avant et en arrière pour les Iraniennes

Hassan Rohani, élu en juin 2013, se veut un président iranien modéré, qui laisse la place à plus de libertés et de droits pour les femmes. Un an après son arrivée au pouvoir, des efforts ont été remarqués en faveur de l’émancipation des femmes. Mais de récents événements montrent quelques pas en arrière, ou la difficulté pour le président de faire face au poids des conservateurs. Ainsi, le 7 juin dernier, Mahnaz Mohammadi, réalisatrice de documentaires et militante des droits des femmes, était incarcérée, accusée de "complot contre la sécurité de l’Etat".
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Avec la présidence de Hassan Rohani, des pas en avant et en arrière pour les Iraniennes
Mahnaz Mohammadi, cinéaste emprisonnée, photo Wikicommons
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"Je suis une femme, je suis cinéaste, deux raisons suffisantes pour être coupable dans ce pays", écrivait Mahnaz Mohammadi dans une lettre lue lors du 64e Festival de Cannes. Depuis, la cinéaste, connue pour son documentaire Femmes sans ombres en 2003, a bien été désignée coupable par Téhéran de "propagande contre le régime", et condamnée à cinq ans de prison. Mais elle peut compter sur le soutien de cinéastes français, qui ont lancé une pétition sur le site de la société des réalisateurs de film, en faveur de sa libération. Ils/elles écrivent : "Nous reprenons ses mots « Je suis une femme et je suis cinéaste, deux raisons pour être considérée comme une criminelle dans ce pays », pour lui témoigner tout le soutien de la communauté des cinéastes face à cette immense injustice." Parmi les signataires, des noms aussi prestigieux que ceux de Pascale Ferran, Hiam Abbass, Chantal Ackerman, Solveig Anspach, Yvan Attal, Christophe Barratier, Xavier Beauvois, Lucas Belvaux, ou encore l'éternel Constantin Costa-Gavras. Dans un message vidéo, diffusé sur Internet, juste avant son départ pour la prison d’Evin au nord de Téhéran, Mahnaz Mohammadi rappelle son engagement dans la défense des droits et notamment ceux des femmes. Une situation qu’elle juge toujours mauvaise, malgré le nouveau président. "Je suis persuadée que la femme dans la société iranienne est toujours une citoyenne de seconde zone", affirmait-elle.

Le message de Mahnaz Mohammadi juste avant son incarcération

Un ras-le-bol, que certaines iraniennes ont exprimé récemment via les réseaux sociaux, en postant des photos d’elles dévoilées, cheveux au vent, profitant de quelques instants de libertés. Une liberté furtive, qui leur a valu un lynchage dans les médias d’Etat, notamment pour la journaliste Masih Alinejad en exil, à l’origine du phénomène. Mais d’autres Iraniens ont également soutenu le gouvernement en manifestant contre ce non-respect du code vestimentaire imposé aux femmes dans le pays.
Avec la présidence de Hassan Rohani, des pas en avant et en arrière pour les Iraniennes
Une femme iranienne fait le V de la victoire en brandissant une photo de Hassan Rohani, le 15 juin 2013 à Téhéran. © AFP
Hassan Rohani, nouvel allié des femmes? Depuis quelques années pourtant, les femmes sont de plus en plus nombreuses à faire légèrement glisser leur foulard ou à en porter de plus colorés. Le nouveau président iranien, Hassan Rohani a également lâché du lest, en demandant à la police en octobre dernier, d’être plus conciliante concernant le respect du code vestimentaire islamique. Autre avancée notable: au mois de septembre, l’athlète Shirin Gerami a été autorisée à participer au championnat du monde de triathlon à Londres, alors que jamais auparavant une femme ne l’avait été pour une telle compétition. Lors de la journée nationale des droits des femmes (19 avril 2014), célébrée en Iran le jour anniversaire de Fatima, la fille du prophète, le président avait aussi adressé un message de soutien pour les femmes en déclarant: "Aujourd'hui, les femmes bénéficient de nombreux droits mais il existe toujours des insuffisances dans les droits des femmes et l'égalité entre les sexes. L'injustice et la violence contre les femmes doivent cesser". Mais même si le nouveau président iranien, Hassan Rohani, prône une amélioration de la condition féminine, il se doit de respecter le Guide suprême ayatollah Ali Khamenei et les ultra-conservateurs religieux avec qui il partage le pouvoir. Les "incidents" de ces dernières semaines, montrent donc des blocages persistants. Les Iraniennes ne peuvent toujours pas par exemple, se présenter aux élections présidentielles ("une grave violation des droits garantis par les lois internationales", dénoncée par le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits humains en Iran, Ahmed Shaheed, contraire à la Convention internationale sur les droits politiques et civils que l'Iran a pourtant ratifiée) et leur témoignage devant un tribunal équivaut encore à la moitié de celui d’un homme.
Avec la présidence de Hassan Rohani, des pas en avant et en arrière pour les Iraniennes
La vice-présidente iranienne Shahindokht Molaverdi au Sommet Mondial des Femmes. ©Bénédicte Weiss
Shahindokht Molaverdi, la recrue "féministe" Mais Hassan Rohani dispose pourtant des cordes à son arc. La nomination de plusieurs femmes au sein de son gouvernement, laisse présager des améliorations de la condition féminine dans les années à venir. Massoumeh Ebtekar a été désignée au poste de vice-présidente chargé de l'environnement, Elham Aminzadeh à celui de vice-présidente chargée des Affaires juridiques. Encore plus récemment, en octobre 2013, l’Iranienne Shahindokht Molaverdi a été nommée vice-présidente chargées des affaires des femmes et de la famille. Diplômée en droit international,son mémoire de maîtrise portait sur la violence contre les femmes. Croyante, pratiquante, vêtue d’un tchador noir, Shahindokht Molaverdi se montre ouverte au dialogue avec les laïques, concédant aux jeunes femmes qui se sont dévoilées récemment, que l’Etat ne pouvait pas "imposer la religion par la force". Début juin, la vice-présidente iranienne était présente au Sommet mondial des femmes. Elle insistait aussi sur le rôle clé des femmes dans "le développement social et économique" du pays: "Les femmes représentent 50% de la population et donc de la force de travail. C'est un capital précieux. Si l'on n'inclut pas les femmes, on réduit de moitié nos capacités vers le progrès. C'est comme un oiseau qui vole avec une seule aile". Shahindokht Molaverdi, la recrue "féministe" du gouvernement laisse entrevoir un vent de liberté pour les Iraniennes. C’est en tout cas un message d’espoir qu’elle a délivré suite au Sommet: "J’espère qu’à travers les divers échanges que nous avons eu à Paris cette semaine, la femme iranienne pourra bénéficier d’une avancée certaine."