Avec Maria Eugenia Donoso, la beauté se porte large

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Avec Maria Eugenia Donoso, la beauté se porte large
Maria Eugenia Donoso, directrice de l'agence “Plus Trends“
(capture d'écran)
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Rescapée de l'anorexie, Maria Eugenia Donoso vient de fonder la première agence de mannequins XXL en Équateur. Celle-ci compte désormais une vingtaine de modèles aux formes généreuses. Une réussite dans un pays où 38 % de la population est en surpoids. Mais la belle histoire cache une tragédie. Il aura fallu que cette maladie emporte l'une de ses amies pour que, ancienne mannequin elle-même, elle exorcise ses démons et crée son agence.
Le déclic

"Il faut transformer chaque obstacle en tremplin" affirmait le cinéaste Jean Renoir. La phrase pourrait s'appliquer à Maria Eugenia Donoso. Mannequin il y a quelques années dans une agence "normale", la jeune femme vit un supplice à l'ombre des flashs. Elle ne doit pas prendre de poids. C'est une lutte féroce avec elle-même.  Elle accepte la tyrannie de ses employeurs qui traquent le moindre gramme superflu. Maria bascule dans l'anorexie. Un enfer qui n'a rien de glamour. Dépression, anxiété, nausée, problèmes au foie et à la thyroïde. La jeune et svelte femme brune pèse alors 44 kilos pour 1,70. Elle confie aujourd'hui à l'Agence France Presse : "Ils m'ont dit que je devais maigrir. J'ai redoublé d'exercices. J'ai arrêté de manger, ce qui a provoqué un rejet de nourriture".
Mais elle n'est pas la seule à subir un tel diktat. Cette phobie des aliments provoque la mort de l'une de ses amies. Ce drame est aussi un déclic : "Je me suis rendue compte que, oui, on peut mourir d'anorexie". Avec une terrible volonté, Maria Eugenia sort de cette maladie avant que les séquelles ne deviennent irréversibles.

Une autre vie  commence.

Elle détruit toutes les photos de cette période-calvaire et décide de créer en 2012, dans la foulée, sa propre agence. Ce sera "Plus Trends".
Sa philosophie est simple : "?Renforcer l’auto-estime des femmes sans tenir compte de leur taille?. Ce que nous voulons, explique-t-elle, c'est montrer un type de beauté qui colle plus à la réalité." Bonjour les tailles généreuses, adieu l'impitoyable 90-60-90 ! Elle ouvre aussi un blog, www.mariaeugeniadonoso.blogspot.com  où elle donne des conseils diététiques et recommande le quinoa, les germes de luzerne, la roquette, le fromage  le miel et l'huile d'olive.

Avec Maria Eugenia Donoso, la beauté se porte large
“Ce que nous voulons, c'est montrer un type de beauté qui colle plus à la réalité“
(capture écran)
Les "vraies femmes"

Ses mensurations (117-110-124),désormais, Maria les revendique. Elle est ainsi devenue la première Top-modèle "Plus Size" en Équateur ! Et les affaires marchent bien. Sa société, installée dans le nord de Quito, multiplie les commandes. On la réclame avec ses mannequins pour des campagnes publicitaires, des défilés et des couvertures de magazine. Maria prête son image pour des marques de parfums. Elle multiplie les interviews pour expliquer son concept. Une révolution ? Pas exactement. Plutôt un ajustement. En fait, Maria et ses mannequins représentent une facette de la "vraie vie" équatorienne : 38 % de la population, soit environ 5 millions de personnes, présentent en effet un surpoids. Les habituels mannequins longilignes qui pullulent dans les pages glacées des magazines féminins sont souvent très éloignés des "vraies femmes" que l'on croise dans la rue.

L'industrie de la mode, peu à peu, accepte de revisiter ses certitudes et finit par adapter son offre. Une sacrée victoire pour Maria :
"Nous avons aussi plusieurs tailles et styles pour répondre aux besoins et aux goûts des femmes et ne pas s'accrocher aux normes imposées par l'industrie" dit-elle. Être ronde est devenue une  force. Jadis un complexe, c'est désormais un atout.

Avec Maria Eugenia Donoso, la beauté se porte large
“Tu dois t'accepter“ conseille Maria Eugenia Donoso
(capture d'écran)
"Tu dois t'accepter"

Maria, 29 ans, sait parler à ses nouvelles recrues. Elle comptabilise déjà une dizaine d'années d'expérience et connait bien la dureté de ce métier. Elle enseigne à ses protégées l'estime de soi et les conseille pour des entretiens de motivation, la façon de bien paraître, s'habiller, etc. Selon l'agence AFP, désormais, "aucune d'elles n'évite les photos ou les miroirs". Une autre victoire. Maria aime à relativiser ce succès. Elle leur explique : "Cela ne change pas le monde. Cela ne va pas changer le gars qui te traite de grosse en riant, mais cela va changer la manière dont tu le perçois. Pour en arriver là, tu dois t'accepter".

Un chemin encore bien long

Le Ministère de la Santé Équatorien ne dispose d'aucun chiffre sur les comportements alimentaires maladifs. En Équateur, comme dans bien d'autres pays latino-américain, l'anorexie et la boulimie relèvent encore d'un tabou. Mais Maria, en bonne professionnelle de l'image, sait l'importance de l'impact publicitaire dans ce type de pathologies qui dévastent les corps et les âmes. Les adolescentes en sont les premières victimes.
Et puis aussi, certaines histoires tragiques trottent encore dans les consciences. En août 2006, en Uruguay, Luisel Ramos, 22 ans, tombe d'épuisement d'un podium  et meurt peu de temps après d'une crise cardiaque. Depuis trois mois, le mannequin se nourrissait exclusivement à base de laitue et de boisson light. Ana Carolina Reston Macan, un autre mannequin brésilien de 18 ans,  décède elle aussi en 2006 suite aux conséquences d'une sévère anorexie mentale. Elle ne s'alimentait que de pommes et de tomates. A son décès, elle ne pesait que 40 kilos, pour 1m74.
L'Argentine et le Japon sont les deux pays où les troubles alimentaires font le plus de ravages. En Argentine,  depuis décembre 2005, une loi a été adoptée par la province de Buenos Aires. Elle impose aux fabricants de vêtements  de proposer TOUTES les tailles à leurs clients, histoire de décourager les candidates aux régimes draconiens.
Exemple à suivre en Equateur ? Maria, qui sait les coulisses du glamour, s'y emploie.

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