Avec 'Mon tout petit', Albertine et Germano Zullo croquent à quatre mains la maternité

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Mon tout petit de Albertine et Germano Zullo
Quand l'enfant paraît et croît... Planche de "Mon tout petit", signé Albertine et Germano Zullo
La Joie de Lire
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La Suisse les aime depuis longtemps. La France les découvre. Albertine et Germano Zullo écrivent à 4 mains mais pensent à 2 têtes des histoires tendres et sur le fil du rasoir. Leur dernier-né « Mon tout petit » est une merveille.

MERE, DIT-ELLE

Une histoire touchante. A pleurer. Je ne dis pas ça parce que je suis mère. Enfin, pas seulement. Une page blanche, un trait. Et par la magie de ce trait sur cette page à peine crème, la simplicité complexe de la maternité. Vous n’avez rien contre les oxymores ?

Une maman, grande, une géante, avec quelque chose d’un peu 'hommasse'. Un  grand corps revêtu d’une robe comme une tente. Un visage au long nez, empreint de sollicitude. Elle accueille son enfant. Au départ, l’idée de l’enfant. Il n’est pas encore. Seulement un secret caché dans la coquille de ses mains. Enfin, il apparaît. Pas un bébé, non. Une personne de petite taille. Encore un nain qui peu à peu va envahir la page. Et l’espace, au côté de cette mère qui veut  transmettre. Quoi ? Tout. Mais cette immensité de la transmission est dite avec une telle économie de mots que ça en devient léger comme une bulle. Un amour si modestement dit que c’est touchant à en pleurer.

Albertine et Germano Zullo
Albertine et Germano Zullo sont suisses, mari et femme, et artistes
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L'AMOUR, DIT-ELLE

Ils sont suisses, mari et femme. Ils  vivent dans la campagne genevoise, à Dardagny précisément, là où Albertine est née. Elle n’a pas ressenti l’envie de partir. Ils travaillent ensemble, elle au trait, lui à l’écriture mais font atelier séparé.

On le découvre dans un article de l'hebdomadaire français Télérama. Albertine n’a pas aimé l’école, celle de l’assimilation qui ne fait pas de place à la différence. Famille foutraque mais pleine d’amour. En pyjama et bottes de pluie, le monde scolaire c’est le choc des cultures. Echappée belle vers le dessin. Ecole des arts décoratifs, Ecole supérieure d’art visuel de Genève. Diplômée en 1990, elle ouvre son atelier de sérigraphie et un an plus tard, devient illustratrice pour la presse suisse francophone. Le Nouveau Quotidien, L’Hebdo, Bilan, Femina, Le Temps et Les Carnets de Versailles.

En 1993, ta-dam ! elle rencontre Germano Zullo. Lui est né italien, à Genève. L’école, pas mieux que sa moitié (et pour eux, ce n’est pas qu’une façon de parler). L’intégration, mouais. Ces Italiens qui baragouinent, les Suisses ne les aiment guère. "Oui, nous sommes italiens. Notre village s'appelle Gioia Sannitica. Un véritable trou au pied de Monte Erbano, province de Caserta, à quelques kilomètres au nord de Napoli ".

Pour les vacances, en voiture Simone ! Retour à la terre familiale. Des transits ferroviaires qui font voyager l’imaginaire du petit Germano, plutôt rouquin « même pas la tête d’un italien, trahison » confie t-il dans sa courte autobiographie Quelques années de moins que la lune. « Gioia est un lieu géographique mais pour moi c'est aussi un lieu littéraire. Une boîte à secrets, à trésors, un objet sur lequel je dois travailler. »

Lui tombe tête la première dans la lecture et le dessin. " Lorsque j'écris, je creuse un trou jusqu'au centre de la terre en pensant y découvrir quelque chose. Probablement le trésor de l'Atlantide. Lorsque j'écris, je suis un parasite. Je ne donne rien à l'univers. Je ne suis utile à personne. Lorsque je n'écris pas, j'écris toujours. " Sa troisième passion a nom Albertine.

Mon tout petit, le livre
« Mon tout petit » de Germano Zullo et Albertine, 80 pages, – Editions La joie de lire, Genève, janvier 2015, 14€90

En 96, ils se marient. Depuis, leurs chemins personnels et artistiques sont liés. Il écrit, elle dessine : « pas de règles pour travailler ensemble. Un principe : que l’imaginaire de l’un n’empiète pas sur celui de l’autre ». Une réussite : leurs œuvres 'jeunesse' sont primées à travers le monde : Pomme d’Or de Bratislava, 1999 ; Prix suisse Jeunesse et Médias, 2009 ; Prix sorcières, 2011 ; New York Times Book Review Best Illustrated Book, 2012 ; Prix du jury Hans Christian Andersen 2014 de l’illustration.

TRANSMETTRE, DIT-ELLE

Aujourd’hui, Albertine enseigne.  L’illustration à la Haute Ecole d’art et de design de Genève.  Jusqu’en 2011, la sérigraphie à l’Ecole supérieure des beaux-arts de Genève. Gageons qu’avec elle, apprendre doit être un rien iconoclaste. Quand on lui demande de parler de son travail, Albertine fait aussitôt référence au jeu. Un jeu sérieux, précise-t-elle.  On veut bien le croire. Ces amoureux qui font tout ensemble n’ont pas mis d’enfant au monde mais ils ont conçu une trentaine de bébés littéraires, la plupart publiés par leur éditrice fétiche, Francine Bouchet aux éditions La Joie de lire.