"Toute personne a le droit de bénéficier d'un avortement sûr et légal": par 324 voix (155 contre, 38 abstentions), les eurodéputés, réunis en session plénière à Strasbourg, ont décidé de demander au Conseil, qui représente les Etats membres, d'inscrire ce droit dans la charte des droits fondamentaux.
Une proposition modifiant l’article 7 de la Charte devrait être soumise au Conseil afin d’y ajouter que ‘‘toute personne a droit à un avortement sûr et légal’’, précise le communiqué du Parlement européen.
Irène Tolleret, députée européenne Renaissance
« La protection de la santé des femmes est un point clé de la résolution car nous le savons, interdire l’avortement ne fait pas naître plus d’enfants, mais met en danger la vie des femmes et notamment les plus précaires qui n’ont pas nécessairement les moyens pour se déplacer dans un Etat où l’avortement reste légal. » soutient Irène Tolleret, députée européenne Renaissance et membres de la commission des droits des femmes du Parlement européen.
Le Parlement vient de voter en faveur de la révision de la Charte européenne des droits fondamentaux pour inclure le droit à l’IVG.
— Irene Tolleret Vaccinee! (@ITolleret) July 7, 2022
Malgré l’entrisme de mouvements réactionnaires, aujourd’hui, nous avons dit haut et fort que la protection de l’#IVG est une priorité. pic.twitter.com/RvB1V3zazI
Adoptée en 2000, cette charte, juridiquement contraignante, a la même valeur que les traités. Inclure l'avortement dans les droits fondamentaux nécessite toutefois l'unanimité des pays membres, selon les traités actuels de l'UE.
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Elle est composée d'un préambule et 54 articles autour de six valeurs fondatrices : dignité, libertés, égalité, solidarité, citoyenneté, justice.

Le préambule de la Charte expose que “l’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité ; elle repose sur le principe de la démocratie et le principe de l’Etat de droit. Elle place la personne au coeur de son action en instituant la citoyenneté de l’Union et en créant le principe de liberté, de sécurité et de justice” .
Pas d'unanimité ?
Or ce sujet de société divise les Vingt-Sept. C'est pourquoi, les eurodéputés ont également demandé au Conseil "qu'il se réunisse pour discuter d'une convention permettant de réviser les traités" afin de remettre en cause la règle de l'unanimité.
«Le vote du Parlement européen a certes une dimension symbolique, mais c’est aussi l’envoi d’un message clair au Conseil, sur ce que souhaitent les représentants des peuples européens en matière d’avortement. Je déplore que les députés du Rassemblement National ne soient même pas venus dans l’hémicycle pour voter et que le président de la délégation Les Républicains, François Xavier Bellamy, ait voté contre. Cela me scandalise car l’avortement n’est pas une opinion, c’est un droit fondamental, car la santé est un droit fondamental. » s’insurge l’eurodéputée.
"Les députés expriment leur soutien et leur solidarité avec les femmes et les jeunes filles aux États-Unis, ainsi qu’avec toutes les personnes qui s’efforcent de fournir et de défendre le droit et l’accès à des soins d’avortement légaux et sûrs dans des circonstances aussi difficiles. Ils demandent au Congrès américain d’adopter une loi qui protégerait l’avortement au niveau fédéral", lit-on dans le communiqué de presse officiel .
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Droit à l'IVG : Europe vs Etats-Unis
La Cour suprême des Etats-Unis a mis fin le 24 juin à la garantie juridique fédérale de l'IVG dans tout le pays. Il appartient maintenant aux 50 Etats américains de se prononcer sur l'avortement.
"Les pays de l’UE devraient garantir l’accès à des services d'avortement sûrs, légaux et gratuits, à des services de soins prénataux et maternels, à la planification familiale volontaire, à la contraception, à des services adaptés aux jeunes, ainsi qu’à la prévention, aux traitements et au soutien en matière de VIH, sans discrimination", ont insisté les députés européens dans leur résolution.
Avant le coup de tonnerre provoqué par la décision de la Cour suprême américaine, le président français Emmanuel Macron, qui prenait alors la présidence tournante de l'UE, avait en janvier déjà souhaité inscrire le droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Son parti politique et l'actuel gouvernement français ont aussi en projet de l'inscrire dans la Constitution française.
L'avortement, un droit menacé jusqu'en Europe
Dans la quasi-totalité des pays européens, l'interruption volontaire de grossesse peut être légalement pratiquée. Sur 27 Etats membres, 24 pays de l’Union européenne ont légalisé ou dépénalisé l’avortement, sans besoin de justification de la part de la femme qui décide de recourir à l’IVG. Le délai maximal pour avorter varie de 10 semaines d’aménorrhée au Portugal à 24 semaines aux Pays-Bas, plus de la moitié des pays ayant fixé cette limite à 12.Le 23 février 2022, le Parlement français a définitivement approuvé l’extension à quatorze semaines de grossesse pour l’avortement, allongeant le délai de l’IVG qui était auparavant fixé à 12 semaines. Un débat est en cours pour inscrire ce droit dans la Constitution.
Depuis mars 2018, Chypre autorise l’IVG jusqu’à 12 semaines de grossesse. Après un référendum, l’Irlande est devenue le dernier pays de l’Union européenne à légaliser l’avortement en 2018.
A l’inverse, Malte l’interdit totalement. Les médecins peuvent écoper de quatre ans de prison et d'une interdiction à vie d'exercer la médecine. Les femmes qui se font avorter risquent, elles, jusqu'à trois ans de prison. Fin juin, le gouvernement maltais a annoncé un examen de l'application de l'interdiction de l'avortement dans le pays, après une polémique sur une touriste américaine enceinte qui s'est vu refuser d'avorter alors que le fœtus était condamné.
En Pologne, l’avortement n’est autorisé qu’en de cas de viol ou de danger pour la vie de la mère depuis janvier 2021. Après avoir tenté de l’interdire totalement en 2016, le gouvernement l’a restreint en supprimant la possibilité d’avorter en cas de malformation grave du fœtus, qui concernait plus de 90 % des IVG dans le pays. Cette lourde restriction du droit à l’avortement résulte de l’application par le gouvernement d’un arrêt rendu en octobre 2020 par le Tribunal constitutionnel, dont l’indépendance vis-à-vis de l’exécutif est remise en cause.
Removing the basis for almost all legal abortions in #Poland amounts to a ban & violates #HumanRights. Today’s ruling of the Constitutional Court means underground/abroad abortions for those who can afford & even greater ordeal for all others. A sad day for #WomensRights.
— Commissioner for Human Rights (@CommissionerHR) October 22, 2020
Le collectif féministe français NousToutes a salué la décision des député-e-s, en espérant qu'elle soit rapidement entérinée. Tous les espoirs sont donc aujourd'hui permis pour que l'Europe fasse de l'IVG un droit fondamental, même s'il faudra pour cela livrer une nouvelle bataille face aux pays ultra-conservateurs, et même jusqu'au fauteuil de la présidence du Parlement, occupé par une anti-avortement...
"Le Parlement européen demande que le droit à l'#avortement soit inscrit dans la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne". Une demande qui espérons-le sera entérinée rapidement. #IVG https://t.co/05u81d9TMS
— NousToutes 93 (@NousToutes93) July 7, 2022
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