Trois ans après la déferlante #MeToo, et tous les autres qui ont suivi, voici maintenant le monde du rap à son tour pris dans la tourmente.
L'agresseur présumé se nomme Moha La Squale. Il est l'une des nouvelles stars de la scène rap française, révélé en 2018 avec son premier album "Bendero", plébiscité par le public (disque d'or, plus de 50.000 exemplaires vendus et des clips affichant des dizaines de millions de vues sur Youtube) et par la critique..
Selon les informations révélées par plusieurs médias dont Le Point, "Six victimes, dont trois avec une identité connue" ont porté plainte lundi 7 septembre 2020 au commissariat du IXe arrondissement de Paris. Les trois autres devraient porter plainte à leur tour prochainement, a indiqué une source proche à l'AFP.
Mardi 15 septembre, le Parquet de Paris annonce qu'une quatrième jeune femme a porté plainte pour "des faits de violence" et "menaces de mort".
Les plaignantes, âgées de 23 à 28 ans, sont des anciennes compagnes du chanteur. Elles "ont fourni à la police des témoignages assez longs" et "les auditions se sont terminées ce matin tôt", précise leur avocat Thibault Stumm. "Certains faits remontent à plus de deux ans, d'autres à quelques mois", a-t-il ajouté.
"J’avais des marques sur le front, je n’avais pas pu aller au travail parce que j’étais détruite. On ne peut pas y aller avec la pommette gonflée, même si ce ne sont pas des bleus, ça se voit", raconte l'une des plaignantes au journal Le Monde.
L'avocate de Moha La Squale, Me Elise Arfi, n'a pu être jointe pour l'instant. Moha La Squale n'a pas fait de déclaration. Il doit par ailleurs être jugé en mars pour un refus d'obtemperer aggravé, outrage sur personne dépositaire de l'autorité publique et rébellion. Il avait été interpellé en juin à la suite d'un contrôle routier de routine, les policiers ayant constaté qu'il faisait l'objet d'un mandat de recherche pour un "rodéo à moto" un mois auparavant.
Nommé aux Victoires de la musique 2019, cet artiste charismatique aux cheveux longs, passé par le Cours Florent, s'était fait repérer avec des "freestyles" postés sur Facebook et YouTube, où on le voit rapper dans sa cuisine ou dans son quartier de "La Banane" à Ménilmontant, dans le XXe arrondissement. Il y racontait déjà la rue, son quotidien et sa vie d'avant lorsqu'il était dealer et avait été en prison.
#BalanceTonRappeur
Depuis plusieurs jours, le rappeur de 25 ans est ciblé sur les réseaux sociaux par des accusations de violences sexuelles et de menaces de plusieurs jeunes femmes, dont certaines ont exprimé leur volonté de porter plainte.
Les témoignages de jeunes femmes pleuvent sur instagram : #MohaLaSquale est accusé de viols, coups et blessures et séquestration, par des femmes qui ont partagé sa vie. Y compris Luna, qu'on fut si nombreuses à découvrir à travers un son du rappeur. https://t.co/nzIOIqATeg pic.twitter.com/kVzD8dpJVf
— Sarah Benichou (@sarahbenichou82) September 6, 2020
Un autre rappeur est aussi mis en cause. Il s'agit du Belge Roméo Elvis, qui n'est autre que le frère de la chanteuse Angèle, connue pour son titre "Balance ton quoi".
Sur le compte Instagram du rappeur, une jeune femme accuse le chanteur de l'avoir agressée sexuellement et a lancé un hashtag, #balancetonrappeur. Dans une story publiée mardi 8 septembre, la jeune femme partage les réponses qu'elle a reçues de la part du chanteur, actuellement en promotion du film Mandibules de Quentin Dupieux à la Mostra de Venise dans lequel il tient son premier rôle au cinéma. Il lui répond : "Je veux encore une fois m'excuser pour ce qui s'est passé c'était vraiment n'importe quoi. J'ai vraiment aucune explication j'étais juste une merde sur le coup et j'ai pris plusieurs semaines à essayer d'oublier ce geste stupide".
Tentant de mettre fin au scandale, le chanteur a tenu à s'excuser publiquement sur son compte Instagram :"Je regrette sincèrement ce geste et surtout, je réitère publiquement les excuses déjà exprimées de nombreuses fois en privé et en personne".
Angèle s'est également exprimée sur ses réseaux sociaux: "Je condamne les actes qui vont à l'encontre de mes principes. C'est d'autant plus important qu'il s'agit d'un proche et heurtant de l'apprendre ainsi". "Une prise de conscience globale est à venir et un changement des mentalités s'impose, encore, toujours et partout", insiste la chanteuse.
Copy CodeCe sont les commentaires de la dernière publication de Angèle, les hommes sont jamais aussi réactifs sur des accusations d'agressions sexuelles que quand c'est le frère d'une féministe et qu'ils peuvent s'en prendre à elle, même pas l'agresseur. pic.twitter.com/o0LGPvCjLr
— Cassance (@Cassancedesbois) September 8, 2020
Sur les réseaux, la chanteuse s'est retrouvée sous le feu des critiques. De nombreux.ses utilisateurs.trices lui reprochent de ne pas avoir "dénoncé" son frère compte tenu de ses engagements féministes, mais elle a aussi reçu de nombreux soutiens.
Je suis écœurée. Ce matin Angèle est dans le top des tendance France alors que Roméo Elvis a carrément disparu des radars, elle a sa page insta envahi de commentaires haineux, et à part ça "c'est pas du harcèlement on lui demande la justice". Il agresse, elle se fait harceler. https://t.co/ltiixHzZIM
— Minute Simone (@MinuteSimone) September 9, 2020
#MusicTooFrance : pour un suivi psychologique
Mi-juillet, le collectif Music Too France a posté un formulaire sur les réseaux sociaux pour collecter des témoignages d'agression ou de harcèlement sexuel dans le monde de la musique. Il est disponible jusqu'au 30 septembre. Derrière cette initiative, se cache un "petit collectif qui préfère rester anonyme". Cet appel a déjà été relayé par des artistes comme Chris, Pomme ou Camélia Jordana, indique France Info.Composé de membres de l'industrie musicale, Music Too France prépare cette action depuis plusieurs mois, en lien avec des avocates et deux associations, pour mettre en place un suivi juridique et psychologique si nécessaire. "À partir de ces informations, nous pourrons associer des agressions et violences entre elles, commencer à dessiner des profils et rassembler des plaintes", explique le collectif dans son manifeste.
Avec cette initiative, Music Too France souhaite libérer la parole des victimes et briser l'omerta toujours présente dans l'industrie musicale française.
En octobre 2019, le collectif CURA publiait une enquête révélant qu'une femme artiste sur trois a été agressée ou harcelée sexuellement dans l'industrie musicale française. 97% des groupes programmés par les grands festivals sont composés exclusivement ou majoritairement d'hommes, et que 88% des programmateurs de salles de musiques actuelles sont des hommes, selon deux autres études (Fedelima et Slate).
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