Barbie face à la Covid-19 : le visage de Sarah Gilbert, co-créatrice du vaccin d'AstraZeneca

Le fabricant de jouets Mattel veut coller à l'air du temps avec sa nouvelle Barbie à l'image de Sarah Gilbert, la scientifique britannique à l'origine du vaccin d'AstraZeneca. La poupée chercheuse sort sur le marché flanquée de cinq autres Barbie inpirées des héroïnes du quotidien en temps de pandémie.
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barbie Gilbert
La professeure britannique Sarah Gilbert tient une poupée Barbie à son effigie.
 
©Andy Paradise/Mattel via AP
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Certes, le vaccin d'Oxford/AstraZeneca contre la Covid-19 reste très contesté un peu partout dans le monde - la France, entre autres, ne l'utilise plus, même si elle continue à l'étudier. Au Royaume-Uni, pourtant, il reste source d'une immense fierté, où la scientifique qui a dirigé son développement à l'université d'Oxford, est considérée comme une héroïne. Anoblie par la reine Elizabeth II pour services rendus à la santé publique et à la recherche médicale, saluée par une ovation au tournoi de tennis de Wimbledon, désignée parmi les 100 femmes influentes de l'année 2020 par la BBC... Sarah Gilbert, 59 ans, inspire maintenant une nouvelle Barbie dans la collection role model, destinée à inspirer les petites filles - tout en dynamisant l'image de la marque. 

Il est important de montrer aux fillettes que toutes les portes leur sont ouvertes. Si elles ne peuvent pas se représenter qui il y a derrière, comment voulez-vous qu'elles choisissent les carrières scientifiques ?
Sarah Gilbert, co-inventrice du vaccin AstraZeneca

Incarner un modèle

Professeure de vaccinologie à l'université d'Oxford, Sarah Gilbert a d'abord trouvé "très étrange" de servir de modèle à un jouet. Elle s'est ensuite un peu ravisée, déclarant à la presse britannique qu'elle espérait que cette Barbie scientifique et inventrice "inspire les prochaines générations de jeunes filles et leur donne envie de travailler dans les sciences, la technologie, l'ingénierie et les mathématiques. Il est important de montrer aux fillettes que toutes les portes leur sont ouvertes. Si elles ne peuvent pas se représenter qui il y a derrière, comment voulez-vous qu'elles choisissent les carrières scientifiques ?" A commencer par elle-même, se souvient-elle : "Quand j'étais petite, je n'ai jamais rêvé de faire de la recherche médicale. Alors j'espère que tous les enfants qui joueront avec ma Barbie se rendront compte à quel point les carrières scientifiques sont vitales pour aider le monde qui nous entoure".

Exemplaire pour sa carrière d'universitaire et chercheuse, Sarah Gilbert l'est aussi pour sa vie de famille. En 1998, elle donne naissance à des triplés, deux filles et un garçon, nés prématurés. Un an plus tard, elle est nommée maîtresse de conférences à l'université et c'est le jeune papa, Rob Blundell, qui renonce à sa carrière scientifique pour s'occuper des petits. "Les frais de garde des enfants auraient coûté plus que l'ensemble de mes revenus de scientifique. Mon partenaire a dû sacrifier sa propre carrière pour s'occuper de nos enfants", explique Sarah Gilbert dans sa biographie universitaire.

En 2007, elle décroche des fonds pour diriger son propre groupe de recherche sur les vaccins contre la grippe. Dès l'apparition de la Covid-19, l'équipe de Sarah Gilbert, composée de deux hommes et quatre femmes, se voit confier le développement d'un vaccin contre le nouveau virus. Aujourd'hui jeunes adultes, tous étudiants en biochimie, ses triplés ont tout naturellement participé à la phase de test de l'Astra/Zeneca. Et le fait qu'elle ait elle-même injecté le vaccin à ses propres enfants a aussi contribué à asseoir sa crédibilité outre-Manche.

Casser l'image superficielle

Plus d'un milliard de poupées Barbie ont été vendues dans le monde depuis son lancement par le fabricant américain Mattel, il y a plus de soixante ans. En 1959, c'est une Américaine, Ruth Handler, qui s'inspire de Bild Lilli, la première poupée mannequin lancée peu avant en Allemagne, pour modeler la blonde féminine et glamour, symbole des sociétés occidentales et de la place qu'elles réservent aux femmes dans la deuxième moitié du XXe siècle. Elle la baptise du surnom donné à sa fille Barbara, et l'accompagne de Ken, son pendant masculin aux allures de superhéros, du nom de son fils Kenneth. 

Au fil du temps, à mesure que la société évolue, les critiques se font de plus en plus vives à l'encontre de l'image superficielle et hypersexuée, voire sexiste, de Barbie et de son univers.
Ces remises en question incitent Mattel à revoir son image et sa communication pour se positionner comme acteur de son époque et briser le carcan où le XXe siècle avait enfermé Barbie. Aujourd'hui, elle est une fille de son temps, parfois intello, pas toujours glamour, au look diversifié et inclusif. A l'ère post #metoo, les poupées qui se contentaient d’être belles, de faire du shopping ou de s'afficher en maillot sur la plage font place aux Barbie inspirées de personnalités féminines fortes et volontaires, de femmes qui font bouger les choses.

Des héroïnes pour inspirer les jeunes générations

Dans sa collection role model, Mattel a déjà lancé des Barbies inspirées de Frida KahloRosa Parks, Naomi Osaka ou Hélène Darroze. Une collection dans l'air du temps qui permet au fabricant de se forger une nouvelle image, moderne et inclusive - et de stimuler ses ventes. Il n'a fallu que quelques heures, par exemple, pour écouler tout le stock de la Barbie Naomi Osaka, commercialisée en juillet 2021.

barbie naomie
Barbie Naomi Osaka sur un court de tennis à Rutherford, dans le New Jersey, aux Etats-Unis, le 12 juillet 2021. Cette Barbie à l'effigie de l'athlète féminine la mieux payée au monde porte la tenue de la championne à l'Open d'Australie 2020.
©AP Photo/Ted Shaffrey

Outre Sarah Gilbert, le fabricant de jouets a révélé cinq autres poupées mettant à l'honneur des femmes travaillant dans le domaine des sciences - pandémie de Covid-19 oblige. Lisa McKnight, vice-présidente et responsable de Barbie et des poupées chez Mattel, explique au site d'information The Guardian : "Barbie rend hommage à celles qui, en première ligne, ont fait d'énormes sacrifices en affrontant la pandémie et les défis qu'elle a posés. Pour mettre en lumière leurs efforts, nous partageons leurs histoires... Afin d'inspirer la prochaine génération et qu'elle prenne exemple sur ces héroïnes."

Ces modèles de collection, qui ne seront pas en vente à grande échelle, représentent les soignantes américaines Amy O'Sullivan, infirmière aux urgences de l'hôpital Wycoff, à New York, et Audrey Cruz, médecin à Las Vegas, qui combat les discriminations, ainsi que la docteure canadienne Chika Stacy Oriuwa, la scientifique brésilienne en recherche biomédicale Jaqueline Goes de Jesus et la médecin australienne Kirby White, co-créatrice d'une blouse réutilisable pour le personnel soignant.

Barbie et Ken inclusifs

Ces héroïnes du quotidien rejoignent une série de Barbie et Ken inclusifs, déjà sur le marché, comme la poupée chauve ou en fauteuil roulant, la Barbie noire aux cheveux naturels ou à la peau dépigmentée, ou encore un Ken rouquin ou un peu enveloppé, et même des poupées non genrées. Pour booster son image, le fabricant américain ne lésine pas sur les moyens : en mai 2021, il annonçait que les Barbies cassées ou depuis longtemps oubliées dans les placards étaient désormais recyclables à 100 % dans le cadre d'un programme baptisé Mattel PlayBack.

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Barbies exposées au salon du jouet de New York, le 24 février 2020. 
©AP Photo/Richard Drew