Belgique : le droit à l'avortement remis en cause dans une homélie pascale

Lors de la messe pascale, le 5 avril, en la cathédrale des Saints-Michel-et-Gudule à Bruxelles, l'archevêque Léonard a  ouvertement attaqué le droit à l'avortement, provoquant des réactions outrées en Belgique.
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L'archevèque Léonard en la cathédrale de des Saints-Michel-et-Gudule
L'archevêque Léonard en la cathédrale  des Saints-Michel-et-Gudule attaquant le droit à l'avortement lors de son homélie pascale, le 5 avril 2015.
RTB (capture d'écran).
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« Il est un drame qu'il nous faut évoquer aujourd'hui. Avant-hier, c'était le 25ème anniversaire de la loi belge sur l'avortement ». Voilà comment, dans son homélie de Pâques, Monseigneur André-Joseph Léonard a commencé à parler d'un des droits les plus fondamentaux pour les femmes : celui d'avorter, celui de maîtriser son corps.

« Il est difficile d'évaluer le nombre d'enfants avortés en Belgique depuis 1990 : en tout cas, plus de 300 000 », a estimé l'archevêque. « Par principe, a-t-il poursuivi, il s'agit toujours de victimes qui ne peuvent pas se défendre. Le petit enfant dans le sein maternel peut bien tenter, pendant un certain temps, de se réfugier contre la paroi de la matrice, afin d'échapper à l'agression. Mais en vain. Il ne sera bientôt plus qu'un déchet biologique. »

Au passage, l'archevêque s'est permis de qualifier d'« acte prophétique » le refus qu'avait exprimé en 1990 le Roi Baudouin lors de la signature de la loi Lallemand-Michielsen autorisant l'IVG. Il a aussi affirmé son « engagement à soutenir les organisations qui aident les femmes à garder leur enfant, y compris dans des situations très difficiles » et a confirmé sa « volonté de défendre à la fois la vie précieuse de l'enfant à naître et la dignité de chaque femme. »
 

25 ans de retard

Pour la députée socialiste belge Karine Lalieux, « ce n'est pas la première fois que M. Léonard fait un plaidoyer anti-avortement. Je vais lui rétorquer qu'il a 25 ans de retard puisque l'Etat à légalisé sous condition l'avortement il y a 25 ans. Il est complètement en retard sur son temps, il n'est pas du tout en phase avec la société actuelle. »

La directrice de l'Université des femmes, Valérie Lootvoet, a été encore plus catégorique : « Evidemment, ça témoigne d’une méconnaissance absolue de la réalité des femmes, des situations dans lesquelles elles se trouvent. Parce qu’effectivement il y a des femmes qui se retrouvent enceintes sans l’avoir désiré. Ça peut être à la suite de viols ou d’incestes. Ça peut être aussi que la contraception n’a pas fonctionné ; bien plus de cas qu’on pourrait le penser. Il y a un fait: dans la reproduction humaine, ce sont les femmes qui portent les enfants. Et dès lors que ce sont elles qui produisent d’autres humains, c’est à elles de décider si elles poursuivent ou pas une grossesse. »

De son côté, sur le plateau de la RTBF, la présidente du Conseil des femmes Francophones de Belgique, Viviane Teitelbaum, a répliqué sur le terrain de la laïcité : « Peut-être que Monseigneur Léonard doit se souvenir qu'il y a un principe de séparation entre l'Eglise et l'Etat dans son pays. » « Ce qu'il suggère, c'est sans doute de retourner aux aiguilles à tricoter »,  a lancé la féministe rappelant en creux la réalité indéniable de l'avortement. Même quand il n'est pas légal, les femmes le pratiquent et ce au péril de leur vie.
 

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Polémique sur l'avortement en Belgique. Le 6 avril, sur le plateau de la RTBF, la présidente du Conseil des Femmes francophones répondait à l'archevêque André-Joseph Léonard qui a attaqué ouvertement le droit à l'avortement lors de son homélie pascale en la cathédrale des Saints-Michel-et-Gudule à Bruxelles.

Assouplir la loi de 1990


En Belgique, cette polémique éclate à un moment bien délicat. La semaine dernière, les centres d'IVG ont remis à la ministre de la Santé une série de propositions pour réformer la loi historique. Ils réclament en priorité une extension du délai légal d'avorter au-delà de douze semaines, rappelant que les femmes désireuses d’avorter au-delà de ce terme sont envoyées aux Pays-Bas. Selon la docteur Anne Verougstraete du Planning familial, la Belgique fuit ses « responsabilités ». « Il n’est pas normal que la Belgique laisse les Pays-Bas gérer cette problématique ». Une nouvelle lutte en préparation.